La musique d’orgue allemande au 16ème siècle

Le grand maître de l’orgue au 16ème siècle est Paul Hofhaimer et il fera école (il aura de nombreux élèves).
I°) Paul HOFHAIMER (1459-1537) :
1°) Sa vie :
Il est né à Radstadt en 1459 et mort à Salzbourg en 1537.
C’est un compositeur de talent, expert en facture d’orgue et pédagogue confirmé. C’est aussi un professeur très recherché. Il contribue à faire de l’orgue une spécialité allemande.
Il a 19 ans de moins que Josquin Desprez. Il va avoir une quantité d’élève non seulement en Allemagne mais dans toute l’Europe. On surnomme ses élèves les « paulomines » ou « paulomimes » (c’est à dire « ceux qui miment Paul »).
Hofhaimer semble avoir dépassé tout le monde en matière d’improvisation à l’orgue. Un commentateur, nommé Luscinius, parle d’une « variété infinie » et ajoute « on s’émerveillerait de l’entendre jouer pendant des années. Il trouve les mélodies comme l’océan trouve l’eau des rivières qui le rempli ».
Il a travaillé en Autriche (il voyage beaucoup en Europe centrale) mais aussi en Allemagne (Innsbruck, Strasbourg). Entre 1480 et 1502, à la cour d’Innsbruck. De 1502 à 1506, il fut à la cour de Passau avec Heinrich Isaac. A partir de 1490, il est au service Maximilien Ier (jusqu’en 1519 [mort de Maximilien Ier]). En 1524, il est nommé organiste de la cathédrale de Salzbourg : il côtoie alors Arnold Schlick et Heinrich Isaac.
Il aura de nombreux élèves. Il sera le maître de W. Grefinger à Vienne, des 2 frères Hans et Melchior Kugelmann qui furent maîtres de chapelle à la cour de Prusse (à Königsberg), K. Bruman à Spire, Hotmach Nachtgal (alias Luscinius, beaucoup d’allemands latinisent leur nom) à Strasbourg, Hans Kotter à Fribourg…
2°) Ses œuvres :
Curieusement, il a laissé que très peu de pièces d’orgue (peut-être parce qu’il improvisait beaucoup).
Il nous a laissé :
Des Tenorlieder qui sont des chansons allemandes à 3 et 4 voix dont la mélodie est placée au ténor (c’est une conception un peu archaïque par rapport à la chanson française). Ces Tenorlieder apparaissent ponctuellement dans les manuscrits de ses élèves ou dans des anthologies.
4 motets à 3 voix.
« Harmonicae poeticae », Nuremberg : Petreius, 1539. Il y a 35 pièces + 9 odes de Ludwig Senfl. Dans le style humaniste renaissant, on y trouve des odes d’Horace mis en musique selon la technique de la mesure à l’antique. Il s’agit là d’ouvrages conçus d’un point de vue pédagogique.
2 pièces pour orgue : Salve regina et un Recordare [c’est un verset de la séquence du Dies Irae] édité par H. J. Moser : Paul Hofhaimer, Stuttgart et Berlin, 1929 [réédité à Hildesheim chez Olms en 1966].
Salve regina :





Le cantus firmus de cette pièce est une variante du chant romain official. La mélodie est transposée à la quinte inférieure. Ce cantus firmus est au ténor. C’est une pièce qui sert à l’alternatim. La mélodie passe au supérius avec 2 notes par mesures dans le ad te clamamus, le cantus firmus se retrouve au ténor pour le eya ergo (p. 13-14 : au supérius), la mélodie est au ténor dans le O clemens puis au supérius dans le O Dulcis.
L’ensemble est très orné avec une ornementation stéréotypée ou non. Les ornements peuvent être rédigés ou abrégés. Cette densité de l’ornementation a fait qu’on a qualifié Hofhaimer de ornamentis.
On ne trouve rien de pareil à cette époque : c’est très différent de l’imitation systématique alors en vogue. On a recours à cette vieille technique du cantus firmus : ce qui est très archaïsant, du passé… mais ça va se développer à l’orgue plus tard, donc en quelques sortes il invente la « figuration d’un thème » (cf. « choral figuré »). Quand la mélodie n’est pas étirée en valeurs longues, on parle de « choral orné ».
Ces deux procédés qui se développent avec Hofhaimer vont souvent être repris.
II°) Les élèves de Hofhaimer :
1°) Hans KOTTER (1480/85-1541) :
Il est né à Strasbourg en 1480-85 et mort à Berne (en Suisse) en 1541.
Son père était sculpteur à la cathédrale et il a confié son fils à Hofhaimer.
Il est resté au service de la cour de Saxe jusqu’en 1508 puis il séjourne à Bâle où il rencontre Bonifacius Amerbach (un humaniste bâlois). Il va se convertir au protestantisme et il va essayer de se trouver un poste à Bâle ou à Strasbourg mais sans succès.
Ses œuvres se trouvent dans 3 manuscrits appartenant à Amerbach (et conservé à Bâle). On y trouve :
des adaptations d’œuvres vocales
des danses de Hans Weck, Hans Buchner et de Kotter lui-même.
des pièces libres de type prélude.
les 2 premiers préludes de choral pour orgue connu : O Herre Gott begnade mich et Aus Tiefer Not qui sont écrits sur deux mélodies du répertoire strasbourgeois.

Kochersperger Spanieler :

La pièce est entièrement fondée sur la technique de l’organum c’est à dire sur des octaves et quintes parallèles. De plus, on y trouve le thème de la Spagna tout en évoquant l’Alsace. Et c’est là, une moquerie que Kotter adresse aux paysans de la région de Kochersperg (en Alsace) et elle n’est pas du tout représentative de la musique d’orgue à cette époque… La pièce évoque aussi les harmonies de vielle à roue, ce cet instrument « truand », depuis près de deux siècles réservé aux mendiants. Cette danse un peu caricaturale, rudimentaire et archaïque (du fait des parallélismes) évoque donc, comme l’indique le titre, les espagnolades du Kochersperg.
Transcription :
c’est la notation alphabétique qui est utilisée :

En notation moderne :