Jazz oriental : un nouveau langage ?


Le jazz oriental se décline à travers des projets bien distincts, portés par des artistes d'origines diverses : Syrie, Tunisie, Liban…
Basel Rajoub, Dhafer Youssef ou Ibrahim Maalouf, ils ont en commun l'utilisation originale d'un héritage particulièrement riche : celui de la musique arabe et orientale, la grande tradition du maqâm.

Les Rahbani étaient les premiers avoir introduit ce genre musical dans le monde arabe mais à présent ils refusent cette appellation. Le style musical des frères Rahbani, reconnaissable entre mille, repose sur une ingénieuse utilisation des instruments orientaux dans des formations dominées par les instruments occidentaux (vent et cordes). Opposés à la musique égyptienne traditionnelle et languissante, ils furent à l'origine d'un mouvement dont le fils de Assy et de Fairuz, Ziad Rahbani porte aujourd'hui le flambeau.
Ce n'est pas vraiment du "Jazz arabe". Ce ne sont que des essais consistant à utiliser la musique du Jazz avec des paroles arabes, et parfois l'introduction de quelques instruments orientaux.


« La musique arabe et le jazz sont pour l’essentiel des musiques improvisées.

Certes, les musiciens disposent d’un répertoire important dans lequel ils puisent pour développer leurs variations et improvisations, mais ce sont essentiellement des traditions orales qui se rejoignent dans la notion de recréation perpétuelle de leur patrimoine respectif au contact de l’auditeur.

Les musiques sont des langues. Et comme toutes langues, elles possèdent des dialectes, des vocabulaires, des accents, des intonations différentes. Dans le monde arabe, il existe de très nombreux dialectes ainsi que de très nombreux répertoires musicaux riches des différentes civilisations qui ont peuplé ou influencé ce pays. On peut y entendre des intonations noires- africaines, berbères, turques, andalouses, européennes et arabes bien sûr. Il existe également une distinction entre les répertoires que l’on peut entendre à la campagne ou en ville, entre les musiques savantes et populaires. Ces répertoires sont autant de paysages sonores dont l’exploration est une source d’inspiration infinie.

Le jazz, comme expression afro-américaine, est vieux de plus d’un siècle mais ses racines sont ancestrales tout comme celles de la musique arabe. Le “blues” qu’elles expriment toutes deux est lui, vieux comme le monde. La musique arabe est d’essence poétique et modale, le jazz lui, offre la polyrythmie et l’harmonie au plus haut niveau d’interaction. Qu’elles soient savantes ou populaires, composées, orchestrées ou totalement débridées, ces musiques se prêtent particulièrement bien à une relecture contemporaine dans le respect de leurs codes respectifs. Chacun de ces langages musicaux possèdent des caractères esthétiques, rythmiques, structurels différents. Pour le créateur de musique, isoler ces caractères de leur contexte revient à s’emparer - tel un peintre - d’une couleur, d’une forme ou d’une texture, et se constituer sa propre palette.

C’est la démarche qui inspire notre travail. Nous empruntons aux différents langages musicaux un verbe, une expression, un accent, une construction grammaticale et nous dessinons notre propre langue : une langue qui serait une sorte d’Esperanto.

Une langue artificielle qui permet toutes les innovations, qui autorise toutes choses impensables dans le contexte originel des musiques en présence. Quoi qu’il en soit, cette nouvelle langue est profondément marquée par un esprit de liberté ce qui la rend compréhensible par tous ! »