Lettre de métal d'Indochine






Nicola Sirkis (chanteur et compositeur du groupe) avait lors de la sortie de leur dernier album, un peu partout dans les médias, annoncé son attrait pour 14-18 et en avait fait la thématique de : La République des Météors.



Cependant, une chanson m'interpelle plus particulièrement : La lettre de Métal




Cette chanson est annotée comme un ""Tribute to Ernest Lauzanne".
Or le seul Ernest Lauzanne présent dans Mémoires des Hommes est un Indrien, originaire de Saint Hilaire (actuel St Hilaire sur Benaizes). Il fut combattant au sein du 160ème RI et tomba le 27 juillet 1916 à Maurepas (Somme).
Le journal de marche du régiment le reporte bien dans les pertes de la 6e compagnie.




Sources: http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr

Le livret de l'album, nous renvoie à ce soldat.
On note la présence de la lettre originale qui inspira le texte de la chanson, ainsi que la présence de photos (prises par un photographe du Blanc-Indre) d'un homme qui vraisemblablement est Ernest Lauzanne, en civil.




La page de gauche du livret est composée d'un reproduction de la dite lettre manuscrite reprenant le courrier d'un combattant. Nicola, dans diverses interviews, explique la construction de cette chanson, à partir de cette lettre.

A la lecture du texte, du fait de son côté contestataire, on peut considérer cette missive comme une lettre testament. Le pressentiment de ne plus en avoir pour longtemps, l'impossibilité d'en revenir sont une constante du texte.

En voici la transcription :

Mon cher petit Henri,Comme je vais bientôt partir c’est à toi mon cher fils que je veux m’adresser et te laisser cette lettre comme souvenir de moi, car mon cher petit Henri, quoique tu connaisses bien ton papa quand il va te voir, si je reste là-bas tu ne te souviendras jamais de moi, tu n’as que deux ans et demi mon Henri. Je t’aime de tout mon cœur ainsi que ta sœur et ta mère, vous êtes mon seul espoir mon unique force et pourtant il faut que je vous quitte pour aller me battre, pour aller au devant de la mort, pour être peut être blessé entre les lignes de combat et mourir quelques jours après dans d’atroces souffrances faute d’être secouru comme tant d’autres malheureux prolétaires l’ont été avant moi. Car mon fils, vois-tu, déjà vingt mois que la guerre dure. Déjà un million d’hommes ont été fauchés là bas. Si je n’y suis pas allé plus tôt c’est parce que j’étais malade et même je le suis encore mais comme il faut des hommes l’on y regarde pas de si près, il faut marcher ou crever, voilà la devise de beaucoup de majors français. Enfin, je vais partir avec courage mon fils, je ne veux pas me laisser aller au découragement : car je ne veux pas mourir, je veux vous revoir tous les trois après cette terrible guerre, je veux veiller sur votre enfance à toi et à ta sœur, vous élever du travail de mes bras à la sueur de mon front. Mon fils, quand je dis je veux j’exagère car mes forces peuvent bien me trahir, je suis si faible et une balle ou un éclat d’obus sont peut être réservés pour moi là bas. Tu n’oublieras jamais mon fils que si je reste là bas couché sur le champ de bataille, que si vous êtes orphelins et que ta pauvre mère est veuve et est obligée d’être une misérable pour pouvoir vous élever, que c’est la faute de la classe aristocratique qui a fait tout ce qu’elle a pu pour faire déchaîner cette guerre faite pour la destruction de notre classe, de cette classe ouvrière qui ne leur demandait pourtant rien que de vivre en paix en travaillant pour élever sa petite famille. Mais ils nous trouvaient trop heureux, non contents de boire notre sueur ils ont voulu encore boire notre sang, cette race là ne recule pas devant le crime pour arriver à ses fins. Souviens toi de cela, mon fils. Je te lègue ma haine pour cette race qui a déchaîné cette effroyable tuerie, ce carnage qui n’a rien d’humain car quoique nous soyons au vingtième siècle par eux nous sommes descendus au niveau de la brute à l’état sauvage, nous allons nous entre-tuer avec des hommes que nous n’avons jamais vus ni connus. Tout cela est ignoble et pourtant il faut le faire. Comme beaucoup j’ai les idées de la révolte mais pour la moindre faute c’est le poteau d’exécution et douze balles dans la peau. Je ferai bravement mon devoir mon fils, si je trouve la mort ce sera face à l’ennemi car pour tout au monde je ne veux pas que tu aies à rougir de ton père. Je ne veux pas que si un jour ta mère recevait la nouvelle de ma mort il y ait la mention « mort en lâche ». Non, cela jamais mon fils, je n’ai jamais été un lâche, je n’ai jamais vécu de la charité de personne et je serai fier de toi mon fils de me ressembler. Deviens un homme et quand tu seras fort prends soin de ta mère qui est si bonne pour toi. C’est toi mon fils que je charge de me remplacer et souviens-toi toujours que tu auras le droit de jeter à la face de la classe aristocratique que c’est elle qui est la cause de la mort de ton père.Adieu mon Henri. Adieu ma Simone. Adieu ma femme bien aimée. Une dernière fois adieu mes trois adorés.
Ce courrier est datable des environs de mai 1916 (Car mon fils, vois-tu, déjà vingt mois que la guerre dure) soit quelques mois avant la disparition d'Ernest Lauzanne.

Après quelques recherches sur le net, quelques fils de discussion sont trouvés et se rapportent au texte. Mais aucun ne s'intéresse à la lettre originale. Alors, comme bien peu de gens le font, j'ai lu la page du livret où l'on retrouve les participations et les remerciements.
Heureuse initiative, Hervé Lauzanne est le producteur de l'album, pour Jive Epic. Originaire du Blanc, nul doute qu'il s'agisse d'un descendant d'Ernest.



Indochine :
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