Le violoncelle

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*Violoncelle de François Lejeune, Paris, 1753. Musée instrumental du C.N.S.M

Le violoncelle jouit auprès du public d’une très grande faveur, due au charme de sa sonorité, comme à la popularité de certains solistes. Parmi les définitions qu’il suscite, il en est deux qui reviennent fréquemment : un « grand violon », la « voix humaine ». Subjectives, voire simplistes à première vue, elles peuvent pourtant prêter à de nombreux développements. Elles sont en effet exactes et complémentaires. Elles évoquent deux périodes différentes de la vie de l’instrument : ses débuts au XVIe siècle et XVIIe siècle, lorsque, encore ignoré, il se coule dans le sillage du violon ; puis son épanouissement de chanteur romantique, à partir du XIXe siècle. Notre rôle consiste donc à éclairer et enrichir ces notions de base.
A l’origine, le violoncelle fait partie de ces « bandes » d’instruments à archets qui prennent part à toutes les cérémonies extérieures, des bals et banquets aux processions. Ses proportions très importantes expliquent son premier nom de basse de violon ; sa caisse de résonance fait facilement 10 cm de plus que celle du violoncelle actuel, ce qui oblige, pour le jouer, de le poser par terre sur un coussin ou sur un tabouret, à moins que, dans les procession, on ne le pende au cou grâce à une courroie passée dans un orifice destiné à cet effet au bas du manche. Ce grand modèle de 4 à 5 cordes restera employé jusqu’à la fin du XVIIIe siècle où on le désigne du terme de basse d’orquestre.
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*Planche du traité de Bonnanni: en dépit de la mention "Viola" figurant sur le traité il s'agit bien d'une basse de violon dont les formes robustes s'harmonisent avec l'esthétique noble du Grand Siècle.

Cependant, parallèlement, se développe un format plus petit, plus maniable, celui de Ferrari, à Saronne, par exemple, le plus ancien témoignage que les peintres nous aient laissé de l’instrument. L’iconographie du temps reflète ces incertitudes entre la basse à 5 cordes du Concert de Honthorst, celle à 4 cordes du traité de Bonanni, ou le petit modèle de Picart, au début du XVIIIe siècle. On le désigne du terme de vionlocino (à partir de 1641), puis de violoncello dans les premières sonates italiennes (à partir de 1665). Le voici donc introduit dans le domaine de la musique savante. Son rôle consiste à doubler, aux côtés du clavecin, la ligne grave de la basse, en l’ornant parfois de quelques broderies.
*Gravure de Picart,1701. On mesure le changement survenu au début du XVIIIe siècle sur ce modèle joué avec tant d'élégante désinvolture. Ses proportions pourraient en faire soit un grand ténor, soit une très petite basse de violon et obligent ici le musicien à le poser sur un siège. 




 Six suites pour violoncelle seul, son fil, C-P. Emmanuel trois concertos en 1753 et J. Haydn deux concertos, l’un encore modeste en 1760, l’autre en 1804, du même niveau technique que Boccherini. La France participe aussi à cet essor grâce aux artistes italiens qui se produisent au Concert Spirituel, suscitent des vocations, des voyages d’étude outre-monts, la réflexion des pédagogues. Plus tardive que les autres, l’école française lancée par Berteau, continuée par Barrière, encouragée par Correttedans sa méthode (1741) – une des premières dédiées à l’instrument -, aboutit à la fin du siècle à une pléiade d’artistes : les deux frères Janson, Cupis, Bréval, enfin les plus célèbres de tous, les deux frères Jean-Baptiste et Jean-Louis Duport. Ce dernier, en particulier, est fêté sur toutes les scènes d’Europe, accueilli à la cour de Frédéric II à Postdam, et à Ferney par Voltaire qui lui décroche cette boutade : « Vous me faites croire aux miracles : vous savez faire d’un bœuf un rossignol ». Mot d’esprit qui recouvre une réalité insoupçonnée de notre philosophie : au XVIIIe siècle, les violoncellistes ne rêvent que d’imiter le violon dont la virtuosité et la tessiture élevée exercent sur eux une véritable fascination. En fait, à l’aube du XIXe siècle, le « grand violon » n’a plus rien à apprendre de son maître. Par contre, le Romantisme va révéler la puissance expressive de son registre grave, son timbre de « voix humaine ». Des compositeurs en renom écrivent pour lui : Beethoven, 5 sonates avec piano, Schumann un concerto, Brahms un double concerto avec violon et deux sonates. Libérés du souci de se constituer un répertoire, les interprètes se bornent désormais à composer pièces de ce genre ou méthodes propres à montrer leur technique. C’est le travail de l’italien Piatti, des français Franchomme, Batta, des Belges Servais etSwert, et surtout de la brillante école allemande : Romberg, Goltermann, Grützmacher, Dotzauer et Popper ; tous laissent des cahiers d’exercices et concertos d’étude encore en usage. Malheureusement, au terme de cette période, le double visage de virtuose et de chanteur du violoncelle est souvent banalisé par toute une littérature élégiaque et insipide de pièces sans intérêt. Dans ce contexte, le XXe siècle apporte un renouveau remarquable. Il opère d’abord la synthèse entre le grave et l’aigu, les poussant à l’extrême puisque, de nos jours, on n’hésite pas à dépasser les limites de la touche, ni à baisser les cordes graves d’un demi-ton. Puis les compositeurs lui demandent d’autres effets. Il peut devenir léger, moqueur avec Fauré ouDebussy, violent avec les rythmes percutants d’un Chostakovitch, éthéré, insolite avecWebern ou Penderecki. Des formes nouvelles apparaissent : de grandes rapsodies, lyriques d’inspiration, modernes d’écriture, comme Don Quichotte de R. Strauss ou Schelomo de Bloch, cependant que les peuvres pour violoncelle seul connaissent un regain de faveur, de Kodaly àXenakis. Nous ne pouvons citer ici tous les artistes qui l’illustrent. L’école française a connu dès le début du siècle une qualité exceptionnelle avec Delsart, les Hekking, Bazelaire, Maréchal. Elle est toujours aussi brillante. A l’étranger, les plus grands maîtres de notre siècle sont sans doute Feuermann, Piatigorsky, Cascado et Casals.
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Pablo Casals joue BACH - Suite no 1 for Cello - prélude

DESCRIPTION ET TECHNIQUE : Nous avons vu le violoncelle naître de l’imposante basse de violon dont la caisse pouvait avoir 80 à 85 cm de long contre les 75 cm actuels. Elle possédait 4 ou 5 cordes accordées par quintes, un ton au-dessous de l’accord actuel. A l’inverse, les musées conservent quelques petits modèles de 60 à 70 cm. Les premiers s’apparentent aux ténors, les plus graves des instruments du registre médian ; les derniers sont proches de ce que l’on appelait au début du siècle des « violoncelles de dame », aujourd’hui disparus. Normaliser les tessitures moyennes et graves semble donc avoir été une source de difficultés. Après avoir construit à ses débuts quelques modèles de violoncelle à 5 cordes, Stradivarius harmonisa les proportions de l’instrument. Le XIXe siècle apporte les perfectionnements déjà cités : renversement du manche pour développer la sonorité, allongement de la touche pour gagner vers l’aigu, renforcement de la barre pour compenser la pression des cordes sur le chevalet (25kg environ). A cela s’ajoutent deux éléments particuliers : la pique et la forme de la touche. Certains tableaux nous révèlent l’existence d’une pique dès le XVIIe siècle ; mais la tenue courante consistait à serrer l’instrument entre les genoux. La pique apportait une stabilité appréciable et laissait plus de liberté aux vibrations des tables. Son emploi se généralisa au XIXe siècle. Enfin, contrairement au violon, la courbure de la touche s’accuse davantage sous la corde la plus grave pour éviter que ses larges vibrations ne produisent des « frottements » désagréables. Le violoncelle doit résoudre les mêmes difficultés techniques que le violon, la principale difficulté réside dans la tenue qui est inversée. Pour un violoniste, jouer à l’aigu implique de rapprocher la main gauche du corps, ce qui est sécurisant ; pour un violoncelliste, de l’éloigner vers le bas, dans un déplacement plus grand, donc angoissant. La connaissance de la touche exige donc un travail approfondi, un geste rapide et souple. Les aigus requièrent une technique spéciale de la « position du pouce », ainsi appelée parce que ce doigt sert de pivot mobile aux mouvements des autres. Le portrait de Duport en donne un bon exemple.
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La tenue d’archet a évolué au cours des siècles, oscillant entre deux modèles : la viole de gambe, comme dans l’Age Musicien de Fribourg, et le violon. Dans celle-ci, la main saisissait la hausse par le dessus, les doigts sur la baguette ou sur la mèche pour la tendre plus ou moins. Par la suite, grâce au perfectionnement de l’archet, ils se plaçaient un peu en avant de la hausse, avant de la rejoindre au XXe siècle.
Autre difficulté : l’émission du son sur des cordes longues et grosses, donc lentes à mettre en vibration. Ceci interdit toute attaque de l’archet trop brusque ou trop verticale. Cependant la technique des violoncellistes est aussi brillante et complète que celle des violonistes.


REPERTOIRE
Bach: 6 suites pour violoncelle seul ,  Haydn:  Concertos en ut et Ré majeur,  Boccherini:Concertos en si bémol majeur et en sol majeur,  Beethoven Sonates avec piano, 
Schubert:Sonate Arpeggione Par Miklós Perényi et András Schiff
Schumann : Concertos
Jacqueline du Pre interprète Saint-saens : Concerto en La minor
Lalo: Concertos, Brahms: sonates avec piano, Saint-Saens: Concertos , Debussy: sonates avec piano , Kodaly: sonate pour violoncelle , Xenakis : Nomos, Penderecki : Sonate ,
Umberto Clerici joue Crumb:  sonate pour violonccelle seul (3° Mvt)
D'après le dossier de Sylvette Milliot, Chargée de Recherche au C.N.R.S.