La musique de l’époque moderne


On désigne souvent par musique moderne la musique composée pendant la première partie du XXe siècle, le terme de musique contemporaine pouvant s’appliquer à la deuxième moitié. On regroupe donc sous cet intitulé des compositeurs aussi différents que Debussy, Satie, le « Groupe des Six », Stravinski, Béla Bartók, Richard Strauss, Ravel, Schönberg, Sibelius etc.

Seule la chronologie est significative, car cette période n’a pas d’unité de style : elle est au contraire celle de la floraison d’expériences et d’esthétiques, diverses et souvent opposées, en particulier dans la dualité « musique tonalemusique atonale » qui se développe à cette époque.

En effet, à partir des années 1950, l’émergence de profondes mutations dans les formes d’écriture musicale laisse entrevoir une nouvelle tendance de la composition. Ces mutations sont en fait caractéristiques de toutes celles qui ont traversé le siècle : un langage musical en crise (indétermination d’un côté, sérialisme généralisé de l’autre), et des recherches qui développent de nouvelles formes d’expression (musique électronique, mixte…), pour aboutir à de nouveaux concepts (notions fondamentales d’acoustique, notions d’objets sonores et musicaux…)

Côté production, l’année 1957 est une année fertile en événements : John Cage compose son œuvre la plus “indéterminée”, le concerto pour piano, tandis qu’Henri Pousseur propose avec Scambi, une méthode aléatoire d’extraction de paramètres musicaux à l’intérieur d’un bruit blanc, méthode à l’orthodoxie contestée mais dont la cohérence artistique peut être valablement reconnue. Pierre Boulez avec la troisième sonate, Karlheinz Stockhausen avec le Klavierstücke XI nous livrent autant de mises en pratique de ce qu’il est convenu d’appeler la forme ouverte.


Le tournant du 20è siècle

Il serait faux de considérer que la musique a rompu avec le passé ; elle n’a pas vraiment connu de "cassure" aussi franche que l’art plastique et la littérature avec le Dadaïsme. En fait toute modernité est souvent une période d’accélération de l’histoire de la création (en l’occurrence musicale) et ce n’est ni un compositeur ni un mouvement artistique particulier qui a allumé la mèche qui propulsa cette effervescence intellectuelle du XXe siècle. Déjà, à la fin du XIXe, Richard Wagner et Gustav Mahler ont exploré une forme de bi-tonalité, consistant à jouer sur deux tonalités simultanément. Toutefois on s’accorde souvent à faire de Claude Debussy (1862-1918), le point de départ à la musique moderne et sans doute l’un de ses pères fondateurs. Par sa création, il conçoit une véritable rupture dans l’écriture, qui non seulement s’affranchit des contraintes tonales, mais aussi pose les premières pierres de la musique séquentielle (procédé que l’on retrouvera souvent dans la musique concrète ou électronique...). En proposant une musique faite de successions d’impressions, son Prélude à l’après-midi d’un faune (créé en 1894), ébauche une musique qualifiée d’impressionniste (en comparaison avec le mouvement pictural du même nom).


Un bouleversement harmonique

Ainsi parvenus aux confins de l’exploration harmonique et stylistique de la musique romantique, les compositeurs de ce début du siècle ont essayé de se délier des systèmes de construction a priori, et de purifier l’écoute de la musique de ses éternels couplages entre tensions et détentes que la tonalité lui avait inculquées. On retrouve, par exemple, chez Ravel ou Debussy la modalité que l’on avait résolument abandonnée depuis la musique baroque. Ravel a exploré parcimonieusement la tonalité, jusqu’à l’épuiser complètement dans un thématisme chromatique que Debussy avait mis à mal.

Mais c’est surtout avec Arnold Schönberg que, peu à peu, se délitèrent les consonances harmoniques auxquelles les auditeurs étaient habitués : en commençant par créer des superpositions de deux tonalités puis trois et ce jusqu’à arriver à un système d’atonalité totale (Pièce pour piano, op 11, 1909). Avec son Pierrot lunaire, 1912, il s’affranchira complètement du thématisme ou des motifs, chers aux romantiques, et invente le sprechgesang, chant musical entre la parole et la mélodie. Il ira encore plus loin dans sa pensée , considérant qu’il n’y a aucune définition valable de la dissonance : avec le dodécaphonisme sériel, dont il partage la paternité avec Berg et Webern, il fonde sa composition sur des séries de 9 à 12 1/2 tons chromatiques de la gamme, et surtout sur une totale horizontalité de l’écriture. À eux trois, ils fondèrent ce qui deviendra la seconde école de Vienne qui saura exploiter et enrichir les acquis de leurs maîtres, et les porter à un paroxysme, cherchant la "cassure" avec la période précédente. Plusieurs compositeurs se sont immiscés dans cette aventure de l’atonalité : ainsi la Symphonie n° 2 de Sergueï Prokofiev, dite « du fer et de l’acier », et Arthur Honegger qui proposait des procédés se démarquant de la seconde école de Vienne (cf. son opéra Antigone).


L’espace temps

Comme on l’a vu, Debussy instaura un nouveau paradigme d’écriture musicale en définissant le temps comme succession d’impressions alors qu’on était habitué à un développement linéaire. La rythmique en elle-même a été revue et enrichie. Dans le Sacre du printemps (1913) d’Igor Stravinski, les rythmes sont scandés, syncopés, mélangés en remettant au goût du jour la polyrythmie délaissée après le Moyen Âge et une succession de temps forts. Charles Ives avait aussi exploré la même année la polyrythmie dans son Quatuor à cordes n°2 sans avoir connaissance des travaux de Stravinski. Amadeo Roldán écrivit Ritmica V la première œuvre de musique classique pour percussions seules en 1929 suivi en 1931 par Edgar Varèse avec Ionisation annonçant déjà des œuvres comme Rebons de Iannis Xenakis.



Une musique qui s’est adaptée à son temps

Au lendemain de la révolution industrielle, l’art a parfois dû s’adapter à la technologie mais il a surtout su s’en nourrir. En 1919 Léon Theremin invente le Théréminvox, un des premiers instrument électronique encore utilisé de nos jours pour certaines pièces créées spécialement à son attention. En 1923, on crée Pacific 231, mouvement symphonique dit urbaniste d’Honegger, dont le sujet est la locomotive à vapeur éponyme. En 1928 sont inventées les ondes Martenot, instrument électronique éponyme qu’Edgar Varèse, précurseur en musique électronique, inclut la même année dans America. De nombreux compositeurs l’utiliseront : Maurice Ravel dans Daphnis et Chloé, Honegger dans Jeanne d’Arc au bûcher, Olivier Messiaen dans la Turangalîla-Symphonie... En 1933, Varèse avait déjà l’intention d’ouvrir un studio de musique électronique.

L’époque moderne permit aussi des enrichissement grâce aux apports de différentes cultures ; la musique occidentale se nourrit aux techniques harmonique et/ou parfois rythmiques des musiques africaines, chinoises ou indiennes. Le jazz aura bien sûr une influence considérable sur les compositeurs américains. (Georges Gershwin avec Porgy and Bess, créa le premier opéra pour voix noires uniquement, à l’exception de l’inspecteur de police) mais aussi européen. Les États-Unis deviendront peu à peu l’un des principaux centres d’activité de la musique classique, détrônant l’Europe. Certains compositeurs comme Igor Stravinski, Arnold Schönberg, Edgar Varèse, Darius Milhaud iront vivre cette aventure américaine et beaucoup iront enseigner dans les prestigieuses écoles telle que la Juilliard School of Music. De grands orchestres y verront le jour à Boston, New York... Cette attirance pour ce pays dure encore aujourd’hui. Pierre Boulez y a longtemps vécu et a été à la tête de plusieurs orchestres réputés (orchestre de Cleveland, orchestre philharmonique de New York, orchestre symphonique de Chicago).




Compositeurs marquants de l’époque moderne :


Béla Bartók (1881-1945)
Alban Berg (1885-1935)
René Berthelot (1903-1999)
Benjamin Britten (1913-1976)
Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
Claude Debussy (1862-1918)
Paul Dukas (1865-1935)
Manuel de Falla (1876-1946)
Georges Gershwin (1898-1937)
Arthur Honegger (1892-1955)
Charles Ives (1874-1954)
Gustav Mahler (1860-1911)
Bohuslav Martinů (1890-1959)
Darius Milhaud (1892-1974)
Zoltán Kodály (1882-1967)
Francis Poulenc (1899-1963)
Sergueï Prokofiev (1891-1953)
Sergueï Rachmaninov (1873-1943)
Maurice Ravel (1875-1937)
Ottorino Respighi (1879-1936)
Erik Satie (1866-1925)
Alexandre Scriabine (1872-1915)
Jean Sibelius (1865-1957)
Florent Schmitt (1870-1958)
Arnold Schönberg (1874-1951)
Richard Strauss (1864-1949)
Igor Stravinski (1882-1971)
Edgar Varèse (1883-1965)
Heitor Villa-Lobos (1887-1959)
Anton Webern (1883-1945)


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