Afrique - Instruments de musique du Gabon


A côté de leurs ustensiles, les Fang possèdent des instruments de musique très variés qui montrent une riche culture musicale qui s’exprime encore aujourd’hui avec vitalité. Certains instruments sont très peu renseignés. En dehors de leur description et de leur nom, les grelots, sonnailles, cloches, mirlitons, flûtes, cornes et sifflets, mentionnés par Largeau, Trilles, Tessmann et Avelot sont assez mal connus. Aussi n’apportent-ils pour l’instant, aucun élément de nature à éclairer l’histoire ancienne. En revanche, des instruments plus imposants amènent quelques commentaires. Il s’agit des xylophones, tambours, arc musical, pluriarcs, harpe, mvet et sanza.




Figure 98 : Musiciens fang (Du Chaillu, 1863, p. 157).


Les baguettes (ékwarga) sont les instruments les plus simples mais aussi les plus utilisés. Elles rythment les mvet, les danses et surtout les chants accompagnés aux xylophones. Les xylophones sont de deux types. Le premier est un grand xylophone mendzang me biang. Il se compose de deux troncs de bananier posés parallèlement à terre, sur lesquels sont fixés transversalement, à l’aide d’aiguille, dix-huit ou dix-neuf lames de bois, en général du padouk, de taille à peu près identique mais d’épaisseur variable. Deux hommes jouent côte à côte, à quatre mains, l’un la rythmique de base, l’autre l’accompagnement. Selon Duvelle, ce type n’était pas utilisé en public mais plutôt lors de cérémonies du melan, ce qui expliquerait pourquoi Avelot n’en a jamais entendu parler, en dehors de celui cité par le Capitaine Roche au village d’Ebiang, dans l’intérieur du Mouni ( 1621 ). Grébert, qui a surtout séjourné auprès des Betsi, constate à son tour la rareté des xylophones et avance qu’ils “pourraient bien être de provenance de tribus étrangères aux Pahouins ( 1622 ). L’autre type est le mendzang me yekaba, que Tessmann appelle “xylophone portatif à cintre” et que Du Chaillu nomme “Handja” ( 1623 ). Le musicien se tient debout, l’instrument est suspendu par un lien autour de son cou et dégagé de son corps par la structure en bois en forme de cintre. Elle porte des lames de bois sous lesquelles sont disposées des calebasses pour servir de résonateur. Ce type de xylophone ne se joue pas seul, mais dans un ensemble de plusieurs autres qui diffèrent par la taille, le nombre de lames et la fonction musicale, rythme ou mélodie, improvisation, solos, etc. On trouve entre autres endoum, à quatre lames, niana et omvek, à huit lames, koulou à dix lames et obolong à neuf lames ( 1624 ). Grelots, baguettes et chants les accompagnent dans une musique propre aux festivités. Mendzang me yekaba forment des orchestres ambulants qui se produisent contre rémunérations de village en village. Binet signale qu’ils sont récents ( 1625 ). Selon Laburthe-Tolra, son origine est identique à mendzang me biang, joué lors des cérémonies melan, les différents xylophones reproduisant les différents voix des ancêtres ( 1626 ). Cette explication correspond à un aspect de la musique qui nous oblige à pénétrer dans des dimensions moins matérielles. Il semble qu’à l’origine, les musiciens, en particulier les “ensembles” de xylophones étaient appelés dans les villages lors de troubles de l’équilibre sociale par le fait d’un esprit malfaisant. Les séances “cathartiques” sont alors interminables, parfois toute une journée ou toute une nuit, comme le peuvent être les séances de mvet. La musique doit parvenir à étourdir l’esprit en question pour limiter son ardeur et le “capturer” afin de l’éloigner du village. On comprend mieux les scènes de “transes” dont sont “victimes” certains spectateurs, la mauvaise réputation des musiciens, ainsi que l’éblouissante maîtrise technique et mélodique des musiciens.

Les autres percussions sont moins complexes. Ce sont les tambours à peau tendue (nkôm), et le tambour en bois creusé (nkul), tous deux monoxyles. Les Fang ont deux sortes de tambours à peau, les petits, haut d’environ cinquante centimètres, servent à la guerre, ils sont frappés avec un morceau de bois ; les grands, de plus d’un mètre, servent à la danse, ils sont frappés avec les mains. Dans les deux cas, la peau est tendue par un système de coins qu’on enfonce pour la tendre. Les illustrations de Du Chaillu, Avelot et Tessmann donnent deux types de grands tambours nkôm. Le premier présente une base pleine, qui oblige le musicien à pencher son instrument pour laisser échapper le son, le second présente une base évidée qui libère le musicien de ses mouvements.



Figure 99 : Tambours fang (Avelot, 1905, p. 288)


Le tambour en bois creusé est utilisé pour les fêtes et pour l’émission de signaux entre villages.


Figure 100 : Tambour (Avelot, 1905, p. 291).

L’arc musical, mbeyn, est partout présent en Afrique centrale. Avelot en trouve une forme analogue chez les Zoulou ou les Zande. Il consiste en une corde tendue sur un arc que le joueur frappe avec un bâton. La corde est placée dans la bouche, de sorte que ses mouvements modulent le son.


Figure 101 : Arc musical (Avelot, 1905, p. 292).

L’arc musical semble avoir connu plusieurs déclinaisons tout aussi largement répandues. Le pluriarc, akarankam, d’abord aurait fixé à son extrémité une boîte de résonance. On aurait rajouté deux ou trois arcs, chacun portant une corde reliée à l’extrémité de la caisse. Le pluriarc aurait ensuite donné la harpe ngomo : un arc simple porte entre quatre et huit cordes, tendues par des clés ( 1627 ).

Figure 102 : Harpe (Avelot, 1905, p. 289).

La présence de cet instrument est attestée du Nord-Cameroun au bassin de l’Oubangui, chez les Mangbetu par exemple. Son existence remonte à l’antiquité, il est déjà présent dans la culture égyptienne, sous des traits absolument identiques. Sa très haute fonction aujourd’hui dans le rite bwiti laisse croire qu’il avait une place également très importante dans les différents cultes anciens ( 1628 ).


Figure 103 : Musiciens Niams-Niams (Schweinfurth, 1875, p. 217).


L’arc musical semble avoir connu une deuxième évolution qui, dans un premier temps, a ajouté sur l’arc une calebasse pour la résonance, et donné la harpe musicale, un genre que l’on retrouve jusqu’au Rwanda. Dans un deuxième temps, un chevalet s’est placé au milieu de l’arc, permettant d’en écarter la corde, et d’en ajouter trois ou quatre autres. On peut croire que c’est ainsi qu’est né le mvet. Sans avoir la postérité de la harpe égyptienne, le mvet, déjà décrit, renvoie aux populations de la rive droite du bassin du Congo.

Enfin la sanza, boîte creuse sur laquelle sont fixées des lamelles de bambous ou de fer est à ce point répandue dans la région, jusque chez les Zande, qu’il est difficile d’en connaître l’origine. Tessmann n’en trouve pas trace chez les Ntumu qu’il visite, ce que corrige Laburthe-Tolra ( 1629 ). Elle tient une place très importante dans l’univers musical des Pygmées. Mais sa position chez les Fang n’est pas connue.