Purple Haze


Enregistré entre le 11 janvier & le 3 février 1967 au DeLane Studios, London, England
Producteur : Chas Chandler
Ingénieur son : Eddie Kramer

Purple Haze fut qualifiée, à l’époque, comme un hymne à la drogue et aux produits hallucinogènes. Jimi Hendrix commence à écrire cette chanson le 26 décembre 1966 dans les vestiaires du Upper Cut Clubune (une boîte de nuit londonienne). En entendant les premiers essais de cette chanson, Chas Chandler demande à Jimi d'écrire la suite, car il veut en faire leur prochain single. La première version est enregistrée début janvier dans les studios DeLane, puis grâce au succès du single Hey Joe, Chandler peut se permettre d'emmener le groupe enregistrer dans les studios Olympics.

« L'idée venait d'un rêve que j'avais fait, dans lequel je marchais sous la mer. C'était en rapport avec une histoire que j'avais lu dans un magazine de science fiction. ( il s'agit d'une nouvelle de Philip José Farmer écrite en 1957, Night of Light day of dreams - publiée en 1966 (Il y est question d'une planète appelé « Danse Joy » où le ciel devient parfois violet la nuit et mauve le jour) » 

Le morceau rentre dans les charts le 23 mars. Une semaine après sa sortie, fin avril, il est numéro trois.


Voix, texte et musique 


Après la première écoute des paroles de Purple Haze, le public qualifia celles-ci comme une hymne aux drogues et autres produits hallucinogènes. Il s’agit en fait d’un univers tiré d’une histoire de science fiction que Jimi Hendrix cherche à nous faire percevoir. La tonalité de mi mineur confère à ce morceau un caractère étrange, triste voir désespéré « Oh, help me (...) I can’t go on like this » [Oh, aidez-moi (...) Je ne peux pas partir comme ça]. Jimi semble quitter la terre pour une autre planète « Danse Joy » comme il l’a qualifiera par la suite (le nom de cette planète fut emprunté à une nouvelle de Philip José Farmer). Purple Haze (Brume pourpre) fait référence à un voyage initiatique, une sorte de voyage de l’esprit de Jimi Hendrix vers l’au-delà «You got me blowin’, blowin’ my mind » (Vous m’avez obtenu par un souffle, emportant mon esprit). On ressent ce voyage vers l’au-delà après l’indication [faint, spoken lyrics...all questionable] (paroles faibles et parlées... tant que possible) qui est suivi de bruits : des onomatopées imitant le changement qui s’opère en Jimi : « Ooo, ahhh, Ooo, {click} » [le{click} est en fait un claquement de langue]. Ce changement concerne son cœur et son âme : « Talkin’ ’bout heart ’n’...s-soul » (conversation du coeur et de l'âme) c’est pourquoi cette conversation est précédée de l’indication [paroles faibles et parlées].

Musicalement l’introduction de Purple Haze est immédiatement reconnaissable avec la guitare et la guitare basse en homorythmie sur un intervalle de quarte augmentée (diabolus in musica). Le riff (thème mélodique en guitare) principal utilise les duretés de l’accord de E7#9 qui depuis est connu des guitaristes comme l’accord de Jimi Hendrix. C’est l’accord de mi mineur auquel le sol est altéré (sol # - la  et sol # - sol bécarre) ce qui provoque des dissonances et renforce le caractère mystérieux du morceau.

Le Riff (sur deux mesures) constitue le début du thème sur une pédale de tonique. La mélodie est constituée grands intervalles. La nuance forte est systématique et le tempo de batterie donne une certaine force au morceau. Le thème est fondé sur les notes de l’accord de E7#9 décrit plus haut.

Nous trouvons un certain nombre de figuralismes très intéressants :

- Mesure 16 : Le mot brain (cerveau) présente un intervalle descendant de quarte juste (fa dièse, do dièse). Ses états d’âme sont pessimistes.
- Mesure 19 : Funny (drôle) utilise un rythme sautillant de double croche pointée.
- Mesures 21 et 22 : La mélodie est chantée dans les aigus sur I kiss the sky (j’embrasse le ciel).
- Mesure 27 : Le guitariste joue successivement un sol grave puis un sol médium sur Up or down (vers le haut ou vers le bas).
- Mesure 28 : Le rythme est sautillant sur la syncope double croche double et double croche pointée avec des intervalles descendants de quinte diminuée (sol dièse- do). Le chanteur se pose la question « Suis-je heureux ? ». La mélodie contredit ici les paroles par sa sonorité dissonante de quinte diminuée et par le mouvement descendant.
-  Mesure 33 : Help-me (aide-moi) est un motif d’appel mis en relief par des silences et par son intervalle disjoint.
- Mesure 44 : Présence de la voix parlée, murmurée et d’onomatopées. Elles représentent l’état second du musicien.
- Mesure 55 : Sur Day or Night (je ne sais pas s’il fait jour ou nuit) : Utilisation de l’accord dissonant de mi septième avec sol dièse sur le mot jour et de l’accord parfait Majeur (sol, si, ré) consonant pour le mot nuit. Le mal être ressenti par Jimi Hendrix s’exprime très bien musicalement par cette ambiguïté. Le musicien préfère vivre la nuit ou se réfugier dans la mort.



Conquête du timbre

C’est avec Purple Haze qu’Hendrix introduit l’utilisation des pédales à effets. Nous trouvons ici la pratique de deux pédales à effets :

1) Une Fuzz Face pour distordre le son dès l’introduction. C’est la première pédale d’effet à s’imposer dans le monde du heavy metal. Intercalée entre la guitare et son amplificateur, elle renfermait un dispositif électronique qui pouvait être déclenché au pied et qui permettait de saturer artificiellement le son. Tous le guitar heroes des années 1960 ont utilisé cette pédale.

2) Une pédale d’Octave, l’octavia construite de manière artisanale pour Jimi Hendrix par un spécialiste de l’électronique Roger Mayer. Elle ajoute l’octave supérieure à la note jouée.

D’autres effets sont produits dans la partition Purple Haze :

- Le slide : C’est un effet de glissando obtenu en faisant glisser la main gauche vers le bas ou vers le haut du manche. Dans le blues, il est généralement produit avec un accessoire appelé le bottleneck( goulot de bouteille mis à un doigt de la main. Jimy Hendrix avait l’habitude de réaliser ses effets de slide en utilisant l’une de ses bagues qu’il portait).
- Le pick slide est effectué en frottant un médiator( plectre) le long d’une corde amplifiée.
- Le bending : Il consiste à monter la hauteur d’une note d’environ un demi-ton, voire un ton, en tirant légèrement sur la corde avec la main gauche après que la main droite l’ait mise en vibration.
- Harm (8v) : Jouer l’harmonique à l’octave supérieure.
- Tongue click : Claquement de langue.


Jimi Hendrix : Purple Haze

Purple Haze - Wikipedia, the free encyclopedia



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sources : ac-dijon

Un titre emblématique

Introduction basique et diabolique



Saturée par la pédale d'effet Fuzz Face, la guitare superposée à la basse joue avec elle  un intervalle de quarte augmentée (triton: intervalle du diable banni au Moyen Age par l'église car, non seulement considéré comme désagréable à l'oreille, il ne correspondait pas à la vision philosophique qu'on pouvait se faire de l'univers et de son équilibre à cette époque)




Riff principal plus conséquent



A 0'05'': alors que la basse poursuit le motif de l'introduction, la guitare, sur un motif pentatonique (mi-sol-la-si-ré), installe l'essentiel du matériau sonore.




Le chant



Après 3 accords (Mi-Sol-La) sur 2 mesures répétées, commence à 0'32 le chant, dont les 2 notes pivots sont Mi et Sol, et dont les paroles nous plongent tout de suite dans la brume pourpre



Riff transitoire



Court mais remarquable par la doublure guitare et basse, et par sa 2ème mesure qui rappelle le début du riff principal, il sépare les deux couplets et introduit le chorus



Chorus


Il prend sa source à 1'12 dans un élan de 3 notes montantes qui imitent le début du riff principal. Le paysage harmonique paraît  changer car ces premières mesures semblent moduler vers le haut.
C'est alors que JH déclenche la pédale d'effet Octavia et, en même temps que le solo de guitare, une voix perçue comme lointaine contribue à nous faire imaginer un voyage initiatique. En effet, le déroulement de la chanson jusqu'au chorus donne une progression remarquable : d'un motif minimal dans le grave, la chanson progresse en énergie et vers l'aigu grâce au chant jusqu'au chorus de guitare qui donne des élans presque incontrôlés vers l'aigu.



Reprise de la structure complète



On retrouve (sauf l'intro) le riff principal (1'35), le chant (1'52), le riff transitoire (2'09), et la grille harmonique du chorus qui sert de coda, encore plus dense, saturée de tous les éléments dont le point culminant et fascinant est ce mi aigu persistant, brillant, et vibrant comme l'oeil d'un cyclone : Hendrix n'est-il pas cette "comète du rock qui voulait embrasser le ciel"?