Arvo Pärt - Cantus in memory of Benjamin Britten


 « Pourquoi est-ce que la date de la mort de Benjamin Britten - le 4 décembre 1976 - a eu de telles résonances en moi ? A cette époque, j’en étais à un point où je pouvais reconnaître l’importance d’une telle perte. Des sentiments inexplicables de culpabilité et de remords montèrent en moi. Je venais seulement de découvrir Britten pour moi-même. Juste avant sa mort, je commençais à apprécier la pureté inhabituelle de sa musique - j’avais l’impression d’un type de pureté comparable à celle des ballades de Guillaume de Machaut. Et, ajouté à cela, depuis longtemps j’avais voulu rencontrer Britten en personne - et maintenant cela n’adviendrait pas » (A. Pärt)


  •  Cette œuvre, composée en 1977, est un hommage au compositeur anglais Benjamin Britten (1913-1976)
  •  Elle n’est pas écrite dans le style de ce compositeur disparu mais comporte un caractère triste, sombre et pesant, emprunt du regret de n’avoir pas pu le rencontrer
  •  Elle s’inscrit dans la tradition de l’hommage musical qu’un compositeur rend à un autre compositeur disparu : La Déploration sur la mort d’Ockeghem de Josquin Després (début XVIe) siècle ou le Tombeau de Couperin de Ravel (début XXe) sont des exemples
  •  Elle est écrite pour un orchestre à cordes (violons I et II, altos, violoncelles et contrebasses) et une cloche tubulaire (en forme de tube) qui ne fait toujours qu’une seule note : le la « comme un glas ponctuant de sa lourdeur un convoi funèbre » G. Moindrot dans L’Education musicale (Bac 2004) p.54
  •  Toute l’œuvre est fondée sur la gamme descendante de la mineur (la sol fa mi ré do si la), ou mode éolien.  Le fait que cette gamme soit descendante évoque le passage des vivants vers le monde des morts comme le faisaient déjà certaines œuvres de la Renaissance. C’est une technique figuraliste.


FIGURALISME : Ensemble de techniques musicales propres à représenter directement une idée portée par le texte. Exemple : une gamme ascendante sur le texte « Et ascendit »


  • Cette gamme descendante est amenée progressivement, deux notes au début et on rajoute une note à chaque fois : la sol / la sol fa / la sol fa mi / la sol fa mi ré / etc… selon cet exemple :


 …jusqu'à 20 notes aux violons I (chiffre 9 page 63 vers 3’23) de la5 (4 lignes au dessus de la portée) à do3 (do du bas de la clef de sol)


  • Le principe est que chaque pupitre descend cette gamme à une vitesse différente: par conséquent, tout en jouant le même matériau mélodique, ils font se superposer différentes couches temporelles. Malgré ce point culminant, on se perd un peu dans  cette gamme qui descend imperturbablement, superposée à elle-même et qui pourrait faire penser à une « œuvre sans fin » si l’on ne terminait sur une pédale de la au tutti (sauf l’alto qui a un mi).
  • Après trois motifs de cloches, les violons 1, divisés, entrent dans le registre le plus aigu (Valeurs rythmiques principales : blanche/noire). Une mesure après, entrée des violons 2, eux-mêmes divisés, qui donnent le même motif descendant, en augmentation (Rondes/blanches). Entrent ensuite les alti, les violoncelles, puis les contrebasses (Tous sont divisés sauf les alti). A chaque nouvel instrument, les valeurs rythmiques sont multipliées par deux.
  •  A noter bien sûr le crescendo progressif du début à la fin de l’œuvre
  • Vers la fin, à noter le ralentissement progressif tendant à stabiliser l’accord de la mineur. Ce ralentissement n’est pas du au ralentissement du tempo mais à la raréfaction des événements