Timor Leste (Adadi Music, Atauro Island)



TIMOR-LESTE

Musiques Adadi, île d'Atauro


Cet album offre une sélection de musiques de la population Adadi de l'île d'Atauro (Timor-Leste), enregistrées entre 2019 et 2023 dans le cadre d'un projet collaboratif avec les habitants. Ces musiques, dont aucun enregistrement n'avait été édité à ce jour, se distinguent par des techniques vocales et instrumentales remarquables, sur le point de disparaître.

Nichée entre les îles d'Alor et de Wetar, à l'est de l'archipel insulindien, l'île d'Atauro se distingue par sa taille modeste de 140 km². Dominée par le massif volcanique Manukoko (« Le coq chante ») qui culmine à 1000 m d'altitude, l'île comprend divers écosystèmes : tandis que le nord est constitué de vastes terrasses coralliennes, le sud, plus volcanique, abrite des forêts humides et des bambouseraies, riches en ressources naturelles.

Atauro fait partie intégrante de la République Démocratique de Timor-Leste, le plus jeune pays d'Asie, indépendant depuis 2002. L'est de Timor fut colonisé par le Portugal (1851-1975) puis envahi par l'Indonésie (1975-2000). En 2022, Atauro comptait environ 10 000 habitants, répartis en trois groupes ethnolinguistiques (Adadi, Manroni et Humangili), locuteurs de langues propres mais apparentées (raklungu, rasua/dadu'a, hresuk). Sur ces trois groupes, seul le groupe Adadi (2000 personnes environ) a conservé une pratique musicale variée, tant sur le plan vocal qu'instrumental, bien que leur musique et leur langue (raklungu) soient en grand danger d'extinction.

La totalité des habitants de l'île a été convertie au christianisme. Au nord de l'île, de majorité protestante, l'Assemblée de Dieu (congrégation pentecôtiste) a rejeté les pratiques musicales locales. Au sud, où protestants et catholiques cohabitent, quelques pratiques musicales demeurent tolérées mais les rituels dans lesquels la musique jouait autrefois un rôle essentiel ont disparu.


PRATIQUES VOCALES ET INSTRUMENTALES

Chez les Adadi, la musique occupait jusqu'à récemment une place prépondérante tant dans la sphère intime que collective. Elle se pratique avec ou sans accompagnement instrumental (arc, guimbarde, gongs). Elle rythme les cheminements à pied vers les champs, agrémente la moisson du vin de palme matin et soir. Source de réconfort, elle permet le partage des peines et des joies, lors des soirées de voisins, quand la chaleur retombe. Souvent, elle provoque les larmes, adoucit la tristesse et intensifie la joie lors de célébrations locales ou nationales. Au cœur de la sociabilité, elle inclut toutes les classes d'âge et tous les genres.

Autrefois, la musique jouait un rôle central dans la vie des gens qui par exemple chantaient plusieurs jours d'affilée lorsqu'ils tractaient des nouvelles pirogues de la montagne au rivage (klorun ro'o) lorsqu'ils imploraient l'eau du ciel et de la terre vers la fin de la saison sèche dans le rituel tolan, et pendant les funérailles. Cependant, en 1974, un grand nombre de rituels où le chant tenait une place capitale fut interdit par les missionnaires chrétiens, ce qui interrompit brutalement sa transmission. Le rituel de funérailles a aussi été transformé au point d'annihiler certains chants dont certains se souviennent pourtant (plage 17). Désormais, les pratiques musicales ancestrales sont supplantées par des musiques actuelles amplifiées, des chants chrétiens et des compositions originales d'influence portugaise, accompagnées au violon et à la guitare.

La richesse des répertoires musicaux se caractérise par une abondance de mélodies, de formes, de timbres et d'échelles. Concernant les échelles, on peut souligner la récurrence de la quarte augmentée (triton) et l'usage d'échelles hémitoniques à plusieurs demi-tons.


TROIS TECHNIQUES VOCALES : RAKNEI, RA'U RAKAIS, RAKNGOTE

Plusieurs techniques vocales sont nommées : l'appel yodelé (ra'u rakais), le chant versifié (rakngote), le chant sans paroles yodelé (raknei).

  • Ra'u rakais correspond à un appel yodelé. Pour se signaler au loin dans les reliefs montagneux, deux types d'appels sont distingués : quand l'appel se fait sur la voyelle [u], l'appel se nomme ra'u. Quand l'appel se fait sur une succession de quatre voyelles [a u a é], il se nomme rakais. Dans ce cas, la succession des voyelles est combinée à des hauteurs mélodiques qui se succèdent en mouvements ascendant puis descendant, avec une alternance de la voix de poitrine à la voix de tête. Cette voix qui monte et descend (tun saé) correspond au yodel. Cette technique est employée dans certains chants, surtout en attaque de mélodie (ex. plages 3, 4 et 11).
  • Raknei désigne une ligne mélodique ascendante et descendante, sur des syllabes sans signification (ex. plage 1).
  • Rakngote désigne des poèmes sous formes de distiques versifiés (knoten « distique »).

Lorsque le yodel est associé à des paroles, le genre est alors nommé rakngote-raknei « chanter des vers en yodelant » (plages 3, 4, 5, 6, 11 et 16). Les trois techniques peuvent être combinées au sein d'un même chant (ex. plage 11).


MYTHE D'ORIGINE DU CHANT

Dans le mythe d'origine du chant raconté par Koli Kala, le chant permet aux humains de stabiliser la terre alors qu'elle part à la dérive.

Voici le contenu résumé du récit : Autrefois, le ciel et la terre étaient reliés par une liane. Le démiurge Soleil-Lune (Ada Lea Hulan) vivait au ciel tandis qu'une femme (Bui, la terre) vivait sur le mont Manukoko. Ada Lea Hulan descendait et montait entre ciel et terre par une échelle de corde qui reliait le sommet du mont Manukoko au ciel. Sur la terre, Bui donna naissance à deux enfants : l'aîné (Mau Ana Ulu) et le cadet (Mau Amurin). Un jour, les enfants remarquèrent que la viande servie par leur mère n'avait pas de chair. Intrigués, ils l'épièrent et découvrirent qu'elle utilisait le sang de ses menstrues pour cuisiner. Furieux, ils coupèrent la corde de l'échelle, séparant ainsi le ciel et la terre. Le ciel s'éloigna vers le haut tandis que la terre retomba vers le bas et partit à la dérive sur la mer. Agités par des secousses incessantes, les gens, constamment tristes, ne mangeaient ni, ne buvaient plus.

Ada Lea Hulan invita alors La'u Mutus à monter au ciel. Il lui remit quatre clous, deux statuettes en bois et cent cinquante chants puis l'invita à retourner sur terre afin de stabiliser le bout de terre qui dérivait. La'u Mutus redescendit sur la terre et planta les quatre clous pour fixer la terre qui dérivait à l'est, à l'ouest, au sud, au nord. Dès que la terre fut stabilisée, les humains purent manger et boire en paix. La'u Mutus utilisa les statuettes de bois pour les rituels tolan, et il enseigna les cent cinquante chants aux humains pour les rituels d'offrandes, de deuils, de mariage, le nommage des enfants, les moissons, l'entretien des sources, la propitiation, la traction des pirogues, les travaux des champs, l'accueil des invités et la préparation au combat. La terre fut appelée Rea Nelir (Rea « humain » et Nelir « terre »), ce qui signifie les habitants de la terre.


LES INSTRUMENTS

L'arc à bouche ou arc musical (rama)

Dans le mythe d'origine de création de l'île, les deux frères, Mau Ana Ulu et Mau Amurin se voient remettre par leur père un arc qui leur permet d'aspirer l'eau de la mer pour faire surgir l'île d'Atauro. Plus tard, un homme nommé Tou Mau Hali fabrique un arc musical selon le modèle de l'arc de chasse. L'arc musical est constitué d'une corde très fine tendue entre deux extrémités d'une branche en bambou arquée, d'environ 70 cm. Le bambou est placé dans la bouche du musicien, qui, en faisant office de résonateur, va à la fois amplifier et modifier le son. Avec sa main droite, à l'aide d'une baguette, le joueur frappe sur la corde . Le son produit est aussitôt modifié par la bouche qui sélectionne certains partiels du son fondamental pour faire surgir quatre hauteurs distinctes : sol 3 - ré 4 - fa 4 - sol 4. Avec ces quatre hauteurs, plusieurs intervalles sont créés : ton majeur, tierce, quinte et septième.

Dix motifs d'ostinato accompagnent des chants masculins ou féminins. Les motifs (titir) diffèrent selon la place des harmoniques, selon la résonance de la frappe (longue ou étouffée) et selon la frappe de la tige (toquée sur la corde). Sept de ces motifs, nommés en référence à des lieux, différencient sept territoires.

La guimbarde (aklamu)

La guimbarde est idioglotte : la languette est taillée à l'intérieur même de la pièce de bambou. D'une longueur d'environ 10 cm, la guimbarde est actionnée grâce à une ficelle qui fait vibrer la languette dans la bouche du musicien. Avec la vibration ainsi créée, des harmoniques sont sélectionnées par la cavité buccale. Associé à la tristesse ou à la joie, la guimbarde accompagne des chants solistes et des chœurs mixtes. Le répertoire de la guimbarde consiste en une série de cinq motifs rythmiques, dont l'un des plus connus s'intitule « La guimbarde pleure, le chant pleure » (plage 9).

Arc musical et guimbarde sont deux instruments complémentaires qui résonnent selon une même technique acoustique qui consiste à sélectionner les harmoniques d'un son par la bouche afin de créer un motif mélodique. Alors que l'arc est l'apanage des hommes, la guimbarde est celui des femmes. Autrefois, la cour amoureuse entre jeunes gens se faisait à l'aide de ces deux instruments : à la pleine lune, les jeunes hommes jouaient de l'arc tandis que les jeunes filles jouaient de la guimbarde.

[Photo : Ba'a Kaly (Cornelio Martins),
arc musical rama / rama musical bow [photo D. Rappoport, 2023]


Les jeux de gongs (diktama)

À Atauro, les jeux de gongs sont nommés sous différents noms : dir, diktama, talor ou titir. Les 4 gongs bulbés (dir) de différentes tailles sont joués deux à deux. Un tambour à deux membranes, nommé tama, est suspendu et frappé à l'aide de deux bâtons. Les jeux de gongs ont été acquis lors d'échanges avec des groupes extérieurs à l'île (Makassar, Buton ou Kisar), contre du miel et des nids d'hirondelle. Autrefois, il y avait plusieurs jeux de gongs à Makadadé mais aujourd'hui il n'en reste plus qu'un seul – les autres ont été cachés dans les grottes. Les gongs étaient utilisés à différents moments : départ ou retour de raids, chasses aux têtes, construction de maisons cérémonielles (onze têtes humaines étaient requises), ouverture de nouvelles parcelles à cultiver avec érection des murs de pierres sèches, don du prix de la mariée. Autrefois, le maître des champs, l'astrologue et le maître des gongs devaient marcher ensemble car le son des gongs protégeait les cultures. Aujourd'hui, les gongs ne résonnent plus que lors d'événements nationaux ou locaux, tels le 20 mai (jour de la fête nationale du Timor-Leste), lors d'événements religieux ou pour des animations locales.


Photo : Diktama (gongs), Anartutu (photo Dominique Guillaud, 2019)


LES ENREGISTREMENTS

01. Rama Raknei (arc et chant)

Voix : Koli Kala (Abilio de Sousa Araujo). Arc rama : Tari Sosé (Aleysu Martins). Enregistré à Abak Tedi, 30 novembre 2023.

Chant masculin accompagné à l'arc musical. Koli Kala, du clan Tua Béré Doé, est issu de la descendance de La'u Mutus, héros mythique parti chercher les chants au ciel pour stabiliser la terre à la dérive. Koli Kala est un maître du chant (hleri opun). Son chant se distingue par un ethos proche du blues : une liberté vocale qui s'élance vers les hauteurs avant de redescendre se fondre dans un flot mélodique tournoyant, porté par une échelle tétratonique (fa, lab, do, mib).

02. Raho Puppu (chant de séparation)

Voix : Koli Kala (Abilio de Sousa Araujo). Enregistré à Abak Tedi, 26 novembre 2023.

Chant d'adieu, exécuté lors des séparations : lorsqu'un tronc d'arbre est séparé de sa souche (dans le processus de fabrication des pirogues) ou bien lorsqu'une fille quitte sa famille (dans le cadre d'un mariage). L'apposition du terme puppu (« bourdon ») indique que le style imite le bourdonnement des abeilles maçonnes. Ce chant raho est habituellement exécuté en chœur, en mode responsorial. Les paroles sibyllines évoquent un récit mythique convoquant la mémoire des ancêtres d'Atauro.


Hou ! Karabau, Dauphin Hou ! Manuluan Hou ! Bibi Deli [nom de clan] Hou !
Toutes les nourritures à graine Hou !
Il affronte les vagues Hou !
Il va se marier. Avec qui ? Avec qui ? Hou !
Qui est-il ? Qu'arrive-t-il ?


03. Raho Rama Rakngote-Raknei (arc musical et chant)

Voix : Kutu Kaki (Fransisco Soares). Arc rama : Ba'a Kaly (Cornelio Martins). Enregistré à Anartutu, 10 novembre 2019.

Sur un ostinato au tempo vif, le chanteur chante en yodelant.

Frapper l'arc musical

La colline est élevée
La rivière est profonde
Demande un bon destin
Demande une bonne santé
Dis à quelqu'un Aide quelqu'un


04. Rama Rakngote-Raknei - I (arc musical et chant)

Voix : Kutu Kaki (Fransisco Soares). Arc rama : Tari Sosé (Aleysu Martins). Enregistré à Anartutu, 22 mai 2022.

Le chant de Kutu Kaki est mâtiné d'une légère nostalgie. Chaque phrase est introduite par un appel yodelé qu'il fait suivre par des paroles versifiées. L'énoncé mélodique du chanteur ne coïncide pas précisément avec la période de l'arc, ce qui produit un swing par le léger décalage métrique.


05. Diktama Rakngote-Raknei - I (gongs, tambours et voix)

Tambour à deux peaux tama : Tari Sosé (Aleysu Martins). Quatre gongs joués deux par deux : Kalo Kosé (José), Kaé Koli (Marcelo Soares). Chant : Koli Kilir (Ermenegildo de Araujo). Enregistré à Vila-Maumeta, 20 mai 2022.

Le jour de la célébration de l'indépendance de Timor-Leste, le vin de palme coule à flots. Dès que retentissent les gongs et le tambour, la foule se met à danser. Les danseurs, parés de plumes d'oiseaux rares, brandissent des sabres ornés de clochettes. Un chanteur entonne alors des strophes de deux vers (rakngote), qu'il introduit par des appels yodelés (raknei), avant de dérouler librement les vers de son choix.

06. Rama Rakngote-Raknei - II (arc musical et chant)

Voix : Kutu Kaki (Fransisco Soares, Berau). Arc rama : Ba'a Kaly (Cornelio Martins). Enregistré à Anartutu, 10 novembre 2019.


À marée basse, on va pêcher
Faire la marée
En descendant le chemin de bambou en pierre
Le bâton faillit se casser
Jusqu'à la plage recherche
De plantes moringa et de ruku
Je suis sans mère, je suis sans père
En qui puis-je espérer
Qui d'autre sera mon père ?
Si je prends tes affaires
Elles seront à moi


07. Hleri Hru-a (chœur mixte assis)

Chœur mixte : Koli Kilir, Ba'a Kaly, Kahi Kia, Antoni Soares, Fransisko Alvez, Kili Kosé, Kia Sosé, Lukas Alvez, Kutu Kalé, Marselo Suares. Enregistré à Anartutu, 6 novembre 2019.

Ce chant était pratiqué lors de la pêche à la main (Hru, « aller faire la marée », a « nourriture de la mer »). Le chant commence par ces vers :

À marée basse, aller pêcher à la main

On va pêcher à la main

Dans ce chœur mixte responsorial à solistes alternés, un soliste lance deux vers auxquels le chœur répond sur un même motif. La mélodie repose sur le triton lancinant fa si do tandis que le flux rythmique se distingue par une pulsation discrète. Le caractère obsédant naît du contraste entre la réponse chorale et les solistes, dont la vitalité et l'audace viennent rompre la monotonie.

08. Hleri Hnia (chant de marche)

Voix : Kia Kali (Josefa Lisboa Soares). Enregistré à Anartutu, le 9 novembre 2019.

À la tombée de la nuit, Kia Kali revient d'une journée de travail aux champs. Le panier accroché à son dos par un bandeau frontal, elle chante en marchant.

Pas de noix à mâcher Pas de pousse de bétel Toujours en route Toujours en partance Rivière Hraru ilauk Colline Opi Opa Motola Fais comme ci Fais comme ça Mon amie Dana Toujours en route Toujours en partance

09. Hleri Raur Aklamu Raur (le chant pleure, la guimbarde pleure)

Guimbarde : Kahi Kia (Rodolfo de Araujo). Voix parlée : Leki Reti (Lucas Alvez). Voix chantées : Koli Kilir, Ba'a Kaly, Antoni Soares, Fransisko Alvez, Kili Kosé, Kia Sosé, Kutu Kalé, Marselo Suares. Enregistré à Anartutu, 6 novembre 2019.

Le chant est constitué d'une alternance entre strophes moroses et discours de nature moraliste, sur un ostinato à la guimbarde. Kahi Kia lance une première strophe annonçant le pire (Nusa ngmaten teku lera, Ita teranganan, « Survient la mort du monde, nous ne nous connaissons plus »). Il enchaîne sur la séparation dans la mort (A ai hatu pan, O mai hatu pan, « Je serai d'un côté de la pierre, tu seras de l'autre »). La mélancolie de ce chant émane des paroles, qui évoquent l'abandon, le vide, la fuite du temps et la vieillesse autant de thèmes suscitant d'une profonde tristesse, renforcée par l'usage d'un mode pentatonique hémitonique comportant deux demi-tons (échelle : fa, sol, si, do, mi, fa), et par la récurrence de la quarte augmentée (si-fa) en fin de phrase. Par ce chant, tout le groupe est attristé à l'idée de la disparition du monde. Un vers dit notamment : « La voix de la flûte, la voix de la guimbarde, où sont-elles ? ». Plusieurs chanteurs sont en larmes.

10. Hleri Mekmesak (chant solitaire)

Koli Kala (Abilio de Sousa Araujo). Enregistré à Abak Tedi, 26 novembre 2023.

Chant solo de nature triste (ratu-radai, rangno-rakdai).

11. Raknei Ra'u Rakais Rakngote (trio vocal et arc musical)

Arc musical : Tari Sosé. Voix hommes : Koli Kala, Kutu Kaki (Francisco Soares), Kahi Kali (Martinio Soares). Enregistré à Abak Tedi, 30 novembre 2023.

Sur un ostinato de plus de 6' à l'arc musical, trois chanteurs alternent selon un rôle distinct : le premier chante sans parole (raknei), l'autre introduit un appel en yodel (ra'u rakais), tandis que le troisième égrène des paroles versifiées (rakngote).

12. Hleri Rasei-Rasama (chœur mixte assis)

Chœur mixte (liste identique plage 7). Enregistré à Anartutu, 6 novembre 2019.

Ce chant est parfois appelé tato haklara (« garçons et filles »), car il était traditionnellement interprété par de jeunes célibataires. C'est un chœur mixte responsorial à solistes alternés, pratiqué de manière informelle. À tour de rôle, un ou une soliste entonne deux vers que le chœur reprend aussitôt en écho. Ensuite, le motif mélodique est fredonné de nouveau, cette fois sans paroles.

13. Rama Rakngote-Raknei - III (arc musical et chant)

Voix : Kia Kali (Josefa Lisboa Soares). Arc rama : Tari Sosé (Aleysu Martins). Enregistré à Anartutu, le 25 mai 2022.

La chanteuse décline une série de vers, dans un flux assez lent, sur une échelle faisant abondamment usage du triton (fa sol si do fa). Comme la plupart des chants, cette pièce est sans titre. Kia Kali nomme ce chant : « la voix du chant, la voix de l'arc » (Hleri hahan, rama hahan).

14. Hleri Amurin (chœur mixte assis)

Chœur mixte Kahi Kali, Tari Sosé, Kahi Kia, Kia Kali, Maria Marciana Suares, Lorencia Maria Nunes, Ana Maria de Oliveira, Teresina de Araujo, Koli Kala. Enregistré à Anartutu, 11 novembre 2019.

Ce chant responsorial nostalgique, à soli alternés, est mené par Kahi Kali. Sur une échelle de trois hauteurs (do ré sol), la mélodie est constituée de nombreux sauts de quarte descendants et de rythmes iambiques. Les chanteurs pleurent en chantant.

15. Hleri Rangno-Rakdai (chant triste)

Voix : Koli Kala (Abilio Sousa de Araujo). Enregistré à Abak Tedi, 16 avril 2022.

Chant triste en solo par un des maîtres du chant de toute la région.

16. Diktama Rakngote-Raknei - II (gongs, tambour et voix)

Quatre gongs : Kalo Kosé, Kaé Koli, Kahelo. Tambour : Tari Sosé. Chant : Kahi Kalé, Kili Kosé, Kia Kali, Kata Kia, Kili Kia. Enregistré à Anartutu, 20 avril 2022.

Kahi Kalé mène le chant. Au son des gongs frappés, la danse s'empare de tous dans une effervescence vibrante. Les femmes lancent des appels semi-yodelés (ra'u rakais).


17. Mate Hlerin (chant funéraire)

Koli Kala (Abilio de Sousa Araujo). Enregistré à Abak Tedi, 26 novembre 2023.

Ce chant mortuaire (mate) est considéré comme la voix des ancêtres accueillant le nouveau défunt dans leur domaine. Autrefois chanté en chœur un an après le décès, il marquait le moment solennel de séparation entre les vivants et les morts. Interdit par les autorités chrétiennes dans les années 1970, il n'en subsiste aujourd'hui que la mémoire celle, notamment, de Koli Kala, né vers 1954, qui s'en souvient encore.


Donne la noix d'arec, donne la liane de bétel
Donne-la à cette personne aux yeux nouveaux
À l'aube quelqu'un d'autre prendra les rênes
Les rênes seront soudain reprises
Remplir de pierres Remplir de feuilles
Remplir deux rangées de pierres
Remplir deux rangées de feuilles
La fin du monde nous emportera
La marée descend
La mer est basse
À l'aube
Recouvert de pierres noires
Recouvert de feuilles


Carte de l'île d'Atauro et répartition des groupes ethnolinguistiques


Photo : Koli Kala (Abilio de Sousa Araujo), Kia Kali (Josefa Lisboa Soares)
[photo D. Rappoport, 2022]


Photo : Tari Sosé (Aleysu Martins), Kutu Kaki (Francisco Soares) [photo D. Rappoport, 2022]


Dana RAPPOPORT, mai 2025