Contrebasse (jazz)



La contrebasse est un instrument à cordes, le plus grave de la famille des violons. La plupart des contrebassistes de jazz emploient un instrument à quatre cordes accordé en quartes (mi, la, ré, sol). Certains utilisent une basse à cinq cordes qui donne, comme les classiques, soit un do grave, soit un do aigu qui facilite la clarté du phrasé dans l'aigu. Red Mitchell, quant à lui, recourt avec bonheur à l'accord du violon­ celle en quintes (do, sol, ré, la) sonnant évidemment une octave plus bas. L'étendue usuelle de la contrebasse est de deux octaves et une sixte, sans compter les harmoniques et la virtuosité des musiciens. Nombreux sont les bassistes contempo­rains à jouer sur des instruments anciens (entre cinquante et cent ans, ce qui est un bon âge pour une « grand-mère », comme on dit familièrement chez les bassistes). Le premier rôle de la contrebasse fut de soutenir la pulsation tout en donnant les fondamentales des accords.


Années 20

Comme dans la musique classique, elle est d'abord jouée avec un archet, jusqu'à ce que, dit la légende, en 1911, le contrebassiste de l'Original Creole Band, Bill Johnson, casse son archet et finisse en jouant pizzicato.

Jusqu'à la fin des années 20, les contrebassistes utilisent aussi bien l'archet que le pizzicato - que l'on trouve souvent accentué jusqu'au slap : la corde, vivement tirée, vient frapper la touche (le manche), ce à quoi réussissent parfaitement Pops Foster dans l'orchestre de Luis Russell et Wellman Braud dans celui de Duke Ellington. Au même moment, les bassistes les plus notables sont Alcide Slow, Drag Pavageau, John Lindsey, Steve Brown, Ed Garland...



Wellman Braud était un contrebassiste américain de jazz, né le 25 janvier 1891 et décédé le 29 octobre 1966. Il était surtout connu pour son travail avec le légendaire orchestre de Duke Ellington dans les années 1920 et 1930. Braud a contribué de manière significative au son distinctif de l'orchestre d'Ellington, apportant sa technique de contrebasse et son sens du rythme à de nombreuses performances emblématiques. Sa collaboration avec Ellington a donné naissance à des enregistrements classiques du jazz, tels que "Black and Tan Fantasy" et "The Mooche". Braud a également travaillé avec d'autres grands noms du jazz de l'époque, contribuant ainsi à façonner le genre.

Années 30-40

L'archet est abandonné dans les années 30, le pizzicato étant évidemment, pour le marquage du tempo, d'une plus grande précision rythmique par le fait de l'attaque. Le slap est lui aussi peu à peu délaissé et les lignes de basse deviennent de plus en plus mobiles. C'est le triomphe de la manière dite en walking-bass, où l'on a l'impression qu'en effet les harmonies sont « promenées » sur une ligne mélodique : John Kirby dans l'orchestre de Fletcher Henderson et Walter Page dans celui de Count Basie. Mais les cordes sont toujours attaquées avec toute la main.



A la fin des années 30, les contrebassistes commencent ainsi à rivaliser de virtuosité et d'originalité, à se poser des questions de style qui vont au-delà de leur place essentielle dans les sections rythmi­ques (Quinn Wilson, Hayes Alvis, Billy Taylor, Elmer James, Milt Hinton, Israel Crosby). Mais le premier soliste original le fut à l'archet : Slam Stewart, qui double ses solos en chantonnant à l'octave supérieure (alors qu'un de ses disciples, Major Holley, chante, lui, à l'unisson, ce que seule l'étendue exceptionnellement grave de sa voix permet).




Cette évolution vers un rôle de plus en plus soliste est à rapprocher d'une évolution technique de l'instrument : c'est vers 1930 que les premières cordes métalliques viennent remplacer les cordes en boyaux : elles permettent une plus grande précision, une plus grande justesse et une meilleure capacité d'exécution.

Le libérateur de l'instrument et son premier improvisateur de génie est Jimmy Blanton qui joue chez Ellington à la fin des années 30 (et meurt à vingt-quatre ans, en 1941). Avec lui, la contrebasse n'est plus un simple outil de soutien rythmique et harmonique pour l'orchestre : elle devient une véritable voix. Elle est plus vive, plus souple, plus rapide, plus modulée. L'œuvre de Blanton influence toute la contrebasse moderne.



Ses disciples - contemporains et parfois acteurs du bebop - attaquent les cordes avec un doigt, voire deux doigts alternativement (dans les années 60), ce qui donne une vitesse de jeu que ne pouvaient espérer les premiers bassistes. Les plus illustres de ces disciples sont Oscar Pettiford et Ray Brown, le premier grand mélodiste (et l'un des rares violoncellistes de l'histoire du jazz), le second fantastique rythmicien. Mais il y a aussi George Duvivier, Eddie Safranski, Harry Babasin, Percy Heath, Chubby Jackson, Charles Mingus, Pierre Michelot, Curty Russell, Teddy Kotick...



Années 50

La nouvelle génération de bassistes des années 50 a pour chefs de file Paul Chambers et Red Mitchell. Chambers crée des improvisations fascinantes à l'archet, dont il est l'un des rares jazzmen à contrôler parfaitement l'articulation ; Mitchell (qui accorde, rappelons-le, sa basse en quintes, comme un violoncelle) fait chanter l'instrument en de longues lignes mélodiques qui évoquent les instruments à vent. Avec eux : Sam Jones, Monty Budwig, Doug Watkins, Reggie Workman, Bueil Neidlinger, Wilbur Ware, Joe Mondragon, Bob Cranshaw, Curtis Counce, Jimmy Woode.



A la fin des années 50, Scott LaFaro (mort à vingt-cinq ans en 1961), le second génie, avec Blanton, qui domine l'histoire de la contrebasse, donne un élan décisif aux possibilités de la basse moderne : s'il est parfaitement capable de jouer les quatre temps, et de façon époustouflante dans les tempos rapides, il met en œuvre un style d'accompagnement beaucoup plus varié rythmiquement et, au sein du trio de Bill Evans, opère une sorte de révolution rythmique en montrant que le tempo n'a pas nécessairement besoin d'être marqué continûment mais peut être suggéré dans un dialogue avec le soliste.



Années 60

A sa suite, une nouvelle génération apparaît : Richard Davis, Eddie Gomez, Gary Peacock, Chuck Israels... qui fait des années 60 - et du free jazz - un âge d'or de la contrebasse, qui non seulement devient soliste à part entière - elle est ainsi dégagée d'une partie de ses obligations rythmiques - mais devient un instrument leader et donne de plus en plus de solos absolus.



Années 70-80

L'aventure sonore moderne de la contrebasse commence sans doute là et se poursuit dans les années 70-80 avec des virtuoses qui ne sont plus seulement des techniciens mais des musiciens, plus seule­ment des accompagnateurs ni même des solistes, mais des créateurs d'univers so­nores, Stanley Clarke, Charlie Haden, Barre Phillips, Jimmy Garrison, Ron Carter, Dave Holland, Miroslav Vitous, Jean-François Jenny-Clark, George Mraz, Mark Johnson, Niels Henning Orsted Pedersen...





Article tiré du Dictionnaire du jazz
(Philippe Carles, André Clergeat et Jean-Louis Comolli)
agrémenté d'exemples vidéos