Le yodel suisse



Selon Hugo Zemp, spécialiste de la musique suisse, auteur d’un excellent film sur le yodel suisse (Voix de tête, Voix de poitrine), “ les Zauer ou Zäuerli d’Appenzell, en Suisse orientale sont probablement parmi les jodels les plus appréciés, mais, paradoxalement, ceux qui ne sont pas Appenzellois ne connaissent en général les yodels traditionnels que par les interprétations policées des chorales, notamment à l’occasion de fêtes (Jodlerfest) régionales ou nationales, ou encore sous les formes popularisées par le disque, la radio et la télévision...
On désigne généralement par le terme de yodel un type de chant sans texte (le chant est vocalisé sur des syllabes), caractérisé par des passages constants d’une voix de poitrine à une voix de tête et l’emploi fréquent de grands intervalles...
Les habitants de l’Appenzell ne semblent guère attacher d’importance au fait que tel Zäuerli est chanté avec des changements de registre ou au contraire chanté debout en bout avec une voix de poitrine. Qu’il y ait ou non passage à la voix de tête, les Zäuerli n’en présentent pas moins les mêmes caractéristiques essentielles, à savoir émission vocale relativement grave, voix décontractée, le plus souvent tempo lent, rythme libre avec des notes prolongées, “étirement” de la voix d’un son à un autre et intonation montante. Toutes ces particularités contrastent fortement avec celles du yodel de la Suisse centrale qui se caractérise par une émission vocale plus aiguë, une grande tension de la voix, des tempi souvent rapides, un rythme pulsant et une intonation le plus souvent constante ou même descendante...

L’accompagnement vocal polyphonique est caractéristique du yodel de l’Appenzell. De ce fait, les Zauërli sont entonnés alternativement par différents meneurs de chant (Vorzaurer). Le meneur de chant (la première voix) chante la mélodie de la même manière qu’un chanteur seul. Les voix qui l’accompagnent entrent après les premières notes, dès que le morceau est reconnu. On dit des voix d’accompagnement qu’elles “tiennent droit” (gradhäbe) : en fait, la longue tenue des accords fait penser à un bourdon. L’accompagnement par un deuxième et un troisième chanteur, qui tiennent des notes s’accordant avec la mélodie, est déjà mentionné par l’érudit allemand, J.G. EBEL, qui parcourut ces régions à la fin du XVIIIe siècle. On ne sait pas exactement à quelle époque remonte cette pratique puisque, au moins sous sa forme actuelle, elle se conforme toujours à la tonalité, avec alternance entre la tonique et la dominante.