À propos de la musique roumaine



Les Roumains ne peuvent concevoir une vie sans musique. Il faut agrémenter n’importe quelle occasion de la vie (naissance, noces, fêtes, funérailles) par des chants ou des danses. De nos jours, cette musique a perdu son caractère magique mais demeure présente dans la vie quotidienne. Les danses traditionnelles varient d’une région à l’autre. Le rythme est en général binaire, mais, de temps en temps, on rencontre des rythmes irréguliers ou “boîteux”. Les chants sont nombreux: les chants longs doina issus des sentiments des bergers, des agriculteurs et des fileuses, le chant du sapin de la cérémonie funéraire, les ballades ou chants anciens imprégnés des éléments orientaux (très répandus dans le Sud de la Valachie, en Olténie et dans le Banat). Les professionnels lautari, souvent d’origine tzigane, chantent les ballades, dansent et introduisent des éléments de l’harmonie classique dans l’interprétation. Les instruments utilisés sont le violoncelle, le cornet à piston, le cymbalum, la contrebasse, et aussi le saxophone. Les Aroumains possèdent une polyphonie vocale très intéressante.

Bartok a écrit en 1935 : Le résultat le plus important de la recherche sur la musique populaire dans les dernières années est sans aucun doute la découverte de ce qu’on appelle hora lunga. Le hora lunga (chant long) est le terme local. Mais le terme plus général est doina qui est choisi par les musicologues.

Le hora lunga ou doina est une mélopée composée de variations infinies sur une seule mélodie richement ornée que le chanteur construit sur un thème musical traditionnel suivant l’imagination créatrice du moment. C’est un bel canto rustique avec des effets glottaux, une variété de syllabes interjetées. Selon Bartok, pour le chant long hora lunga, le 3e et le 4e degrés sont souvent fluctuants sur des sons neutres, légèrement bémolisés ou diésés. Le 5e degré plus bas apparaît comme une anacrouse au début d’une phrase ou un glissement de la finale. Le 6e degré apparaît seulement comme une appogiature avant le 5e degré.

Sans forme fixe, soutenu par une libre improvisation, le hora lunga peut être divisé en trois sections :
  • une formule introductive basée sur quelques syllabes chantées sur une ou deux notes prolongées souvent sur les 4e et 5e degrés,
  • une partie principale composée de formules mélodiques syllabiques ou mélismatiques entrecoupées par des récitatifs recto-tono ponctués par des syllabes inter­ jetées,
  • un récitatif sur le 1er degré quelquefois glissant vers la quinte inférieure.

Le texte est subordonné à la mélodie.

par Tran Quang Haï, ethnomusicologue