À propos de la musique bulgare


La Bulgarie préserve un patrimoine musical riche et original. Au fil des années, les Bulgares ont su enrichir leur héritage culturel. La musique populaire, liée aux faits et gestes de tous les jours, présente des éléments tout à fait caractéristiques : chants souvent monodiques dans le Nord-Ouest, rythmes isochrones ou bichrones irréguliers dans le Centre‑Nord, chants diaphoniques chez les femmes au Centre et à l’Ouest, chants épiques dans la région montagneuse (Pirine), chants pentatoniques au Centre-Sud.

Chants, styles musicaux

Les mélodies bulgares se remarquent pas des sauts d’intervalles (quarte juste descendante ou quinte juste ascendante). Dans certains types de chants, notamment les chants de moisson, le cri caractéristique (provikvaniya) d’un intervalle de septième mineur se produit à la fin d’une phrase.
Les chansons populaires sont divisées en plusieurs catégories : chansons de travail (moisson, cueillette du tabac, garde de troupeaux), chansons rituelles calendaires (Noël, Pâques, Saint Jean, etc..), chansons liées aux noces, aux invocations de la pluie, aux banquets...
Certains chants bulgares se pratiquent de manière antiphonique par deux choeurs ou deux solistes. Les chants de funérailles sont interprétés par des pleureuses professionnelles (plakachki).
Les styles musicaux varient d’une région à l’autre. Les principales régions où fleurissent la musique et la danse sont : Pirin (Bulgarie sud-ouest), Bulgarie centre-ouest, Thrace, Dobrudzha. Le chant diaphonique est caractéristique de la région de Pirin et de la Bulgarie centre-ouest. Chaque région possède ses propres techniques et styles de chant, tout en conservant le principe du bourdon dans la pratique de la diaphonie.

Quelques instruments de musique


Parmi les instruments à vent les plus fréquemment employés, on peut citer la longue flûte à embouchure terminale kaval ; la flûte des bergers ovcharska svirka (comme le kaval mais plus petit), la flûte à bloc duduk, la cornemuse gayda, la flûte double à bloc dvoyanka, et le hautbois zurna.

Les cordes sont essentiellement représentées par le luth à long manche tambura (deux cordes à l’origine, et quatre cordes métalliques de nos jours) et la vièle à plusieurs cordes gadulka.

Le tambour à deux peaux tapan ainsi que le tambour à une peau d’agneau tarabuka (semblable au darbouka marocain, zarb iranien) constituent les percussions à membranes les plus fréquemment rencontrées.



À propos du rythme aksak

dit “bulgare” chez Bartok ou “boiteux” chez Brailoiu.
(BRAILOIU Constantin (1893-1958) : musicologue roumain qui se consacra à l’étude du folklore tant poétique que musical. Il recueillit des mélodies roumaines (en partie avec BARTOK) et étendit ses observations aux rythmes proprement populaires ainsi qu’aux échelles musicales universelles.

Un des aspects les plus représentatifs de la musique bulgare est sans aucun doute la variété rythmique et métrique. A côté des mètres symétriques 2/4, 3/4 ou 4/4, sont employés également des mètres irréguliers et asymétriques. Le rythme bulgare est la combinaison des mètres simples, doubles et triples. Par exemple, le 5/8 est la combinaison de 2/8 et 3/8. Le mètre asymétrique est présent dans tous
les chants et danses, aussi bien que dans la musique instrumentale.
Pour les transcriptions, les chercheurs bulgares utilisent la croche comme unité de base pour le tempo lent et la double croche pour le tempo rapide. Le rythme 5/8 est la base rythmique de la danse en rond paidushko khoro. Le rythme 7/8 (2+2+3) est lié à la danse rachenitsa. Le rythme 9/8 (2+2+2+3) est réservé pour la danse daichovo khoro. Le 11/8 (2+2+3+2+2) s’utilise dans la danse gankino khoro, et le 13/8 (2+2+2+2+2+3) dans la danse khoro Eleno mome.
On retrouve le rythme asymétrique dans les pratiques musicales et dansées d’autres peuples balkaniques et orientaux, mais il est sans doute plus spécifique à la Bulgarie.

A propos des gammes musicales

En Bulgarie, les échelles musicales sont encore plus variées que le rythme et le mètre. Les échelles diatoniques prédominent. Plusieurs d’entre elles ont un ambitus de quarte ou de quinte. Quelques‐unes ont un ambitus de tierce ou de seconde. De nombreuses danses chantées sont composées sur le mode de Mi.
Certaines mélodies n’appartiennent pas aux modes ou aux échelles cités ci‑dessus mais utilisent des formes intermédiaires entre les gammes diatoniques et les gammes chromatiques. On fait appel aux gammes pentatoniques dans certaines régions, principalement au sud-ouest, sud-est mais aussi dans quelques lieux du nord-ouest de la Bulgarie. Les structures pentatoniques anhémitoniques (sans demi‐tons) avec un ambitus de quarte ou d'e quinte sont plus fréquentes que celles atteignant l’octave. La forme la plus commune de la gamme chromatique possède une seconde augmentée, toujours entre le deuxième et le troisième degré de l’échelle musicale. La seconde augmentée est présente seulement dans un tétracorde. Une quatrième catégorie de la gamme groupe des chants où les intervalles de 2/3 ou de 3/4 de ton sont utilisés. C’est une caractéristique de plusieurs chants rituels anciens.


par Tran Quang Haï, ethnomusicologue