Les instruments à anche double de la Renaissance


Les relation avec l’Extrême Orient et l’Amérique étaient quasiment nulles donc on utilise du bois de chez nous pour la fabrication des ces instruments : le buis, des bois fruitiers (bois un peu plus mou : prunier, cerisier et surtout du poirier)… On n’utilise pas d’ébène ni de Palissandre à cette époque. On utilisait un tour pour travailler ces bois (on peut aussi utiliser un tour à arc ou un tour à pied). Les autres outils utilisés sont : les ciseaux à bois, une cuillère (pour creuser l’intérieur).
Les instruments anciens deviennent souvent injouables car le bois devient trop sec et ils peuvent changer de forme, se déformer, se tordre avec le temps (car le bois travail !). Donc les instruments à vents vieillissent très mal.
Les facteurs d’instruments sont la plupart du temps inconnus et même lorsqu’on n’en retrouve quelques marques sur les instruments (des signatures…) on ne sait pas à qui l’attribuer (puisqu’il s’agit d’un travail d’artisanat).

ANCHE :
Terme de facture instrumentale. Lamelle de roseau, de métal ou de matière plastique qu’on place à l’embouchure de tuyaux sonores et dont les vibrations produisent un son d’autant plus élevé que sa longueur est plus faible et ses battements plus fréquents. On distingue les anches libres (qui vibrent en dedans ou en dehors d’une ouverture : harmonica, accordéon, harmonium, certains jeux d’orgue) et les anches battantes (qui viennent frapper un corps solide) ; ces dernières sont simples (clarinette, saxophone, anches ordinaires d’orgue) ou doubles (chalumeau, musette, cornemuse, hautbois, cor anglais, basson, etc.). Dans l’orchestre symphonique, la famille des anches (dite aussi des bois) comprend les flûtes, qui ne sont pas des instruments à anche. Parmi les jeux d’orgue, la famille des anches groupe les jeux qui, à l’orchestre, sont appelés cuivres (clairon, trompette, bombarde, trombone) ou appartiennent aux bois (hautbois, basson, cromorne) ; mais la flûte d’orgue n’est pas un jeu d’anche.

On peut distinguer plusieurs sortes de familles d’instruments à anches double :


I°) Instruments à anches à pirouette

L’instrumentiste presse les lèvres sur la pirouette, en laissant l’anche vibrer librement dans sa bouche.


1°) La bombarde

Elle était très jouée au 16ème siècle. La plus grande avait presque 2.70 m de haut. Une bombarde normale a la taille d’une très grande clarinette. La bombarde est l’ancêtre du basson.

BOMBARDE :
Instrument à vent de la famille des chalumeaux (anche double). Il est construit en bois et fut répandu du XIVe au XVIIe siècle. Il assure la partie de basse, mais fut construit en différentes tessitures : contre-basse (bombardone, Bassbombart), ténor (Bassetbombart), alto (bombarde piccolo). Le bombardon est une contrebasse de bombarde ; c’est aussi l’un des plus graves saxhorns. La bombarde est considérée comme un des ancêtres du basson. On trouve encore un type de bombarde en Bretagne, où elle joue souvent avec les binious.
Le jeu d’orgue de ce nom est un jeu d’anche de la famille des trompettes ; il est de 16 ou 32 pieds et assure la basse du grand jeu. Enfin, au XVIIIe siècle, un clavier dit de bombarde fut réservé en France à ce jeu ou aux jeux d’anches éclatants qu’on pouvait ajouter ad libitum  à ceux du clavier de grand orgue.

Bombarde (bombarde en anglais, Bomhart en allemand [d’où Pommer], bombarda en italien et en espagnol) : c’est un instrument à vent des 15ème – 17ème siècles, en bois, à perce conique et anche double, de la famille des chalumeaux. On le construisait en plusieurs tailles, du dessus appelé « chalemie » à la basse. Sa sonorité le classe parmi les « hauts » instruments. Le modèle aigu, percé de 7 trous, survit comme instrument populaire en Bretagne, où il est fréquemment associé au biniou.



Bombardon : au 17ème siècle, le terme désignait en Italie et en Allemagne le basse de bombarde ou « Pommer ». Puis, au cours du 18ème siècle, en Allemagne et aux Pays-Bas, « bombardo » s’appliqua à l’ancien basson à 2 clefs (cf. dulcian). Au 19ème siècle, « bombardone » réapparut en Allemagne pour désigner des instruments basse à vents, munis d’une embouchure et de 8 à 12 clefs.


2°) La chalemie

Cet ancêtre européen du hautbois offre une terminologie fort variée puisqu’on le trouve dès le moyen âge sous les noms de chalumeau, chalemelle, chalemee, chalmel, Schalmey (en allemand), doucine, douçaine, douchaine, douceyne, Pommer et bombarde, shawm (en anglais, autrefois : shalme, hautboy, hoboy), pifaro (en italien) et chirimia (en espagnol).


Elle ressemble beaucoup à la bombarde. La fontanelle sert à protéger le système de cliterie. On peut jouer de la musique de danse ou de fanfare avec ces instruments.
Chalumeau vient du latin calamus, du grec kalamos, qui signifie roseau ou fétu.
Cette chalemie ou chalumeau à anche double (ancêtre du hautbois) est à distinguer du chalumeau français à anche simple (plus tardif : deuxième moitié du 17ème siècle) qui est lui un ancêtre de la clarinette.
C’est donc un instrument à vent à perce conique et à anche double, ancêtre du hautbois, mais de sonorité plus puissante. La grande période de la chalemie se situe entre le 14ème et le 17ème siècle ; elle jouait un rôle important lors des cérémonies et des fêtes en plein air ou données dans de vastes bâtiments.


3°) Le cervelas ou ranquette

Encore appelé Rackett ou Rankett en allemand ou Wurstfagott ou Büchsenfagott et cervello en italien.
C’est une sorte de boîte de conserve avec un cylindre en métal à l’intérieur, qui mesure 2 mètres de long. La sonorité est assez faible. Il servait à jouer la basse continue.



C’est le nom donné par le père Mersenne à un instrument à vent à anche double apparu vers la fin du 16ème siècle. Sa perce cylindrique est constituée par de nombreux canaux, courts et parallèles, creusés dans un cylindre d’ivoire ou de bois et reliés bout à bout pour ne former qu’un seul tube. Le cylindre a une longueur de 12 à 30 cm. Ce même instrument est l’élément de la famille que M. Praetorius désigne par le terme allemand de « Rackette ». Leur tessiture était grave (le cervelas basse, long de 16 pieds, descendait à l’ut-1) et leur son doux et bourdonnant. Sur les modèles anciens, l’anche (comme celle du basson à la même époque) était placée sur une pirouette centrale. Sur les modèles plus récents (vers 1700), l’anche est fixée à un bocal comme dans le cas du basson. Pour ce qui est de son utilisation musicale, M. Praetorius conseille de joindre un seul « Rackett » à un ensemble d’instruments à cordes ou à un ensemble d’instruments à vents.


II°) Instruments à anches couvertes

A partir du 15ème et surtout du 16ème siècle, on vit apparaître des instruments à anche double dans lesquels cette anche était abritée par une capsule où elle vibrait librement, et qui se remplissait d’air par un petit trou. Généralement en bois, cette capsule remplaçait donc la cavité buccale.

1°) Le cromorne

Le nom français est « tournebout ». C’est non seulement un instrument mais aussi un jeu d’orgue.


CROMORNE :
Instrument à vent, en bois, à anche double enfermée dans une sorte de bassin, à corps cylindrique, de la famille des bombardes (XVIe-XVIIe s.). Son nom vient de l’allemand Krummhorn (cor recourbé) et évoque la forme du tuyau. La basse des cromornes est aussi appelée, pour cette raison, tournebout ; on y trouve également un soprano et un alto. Le cromorne comprend de 6 à 7 trous, dont le plus éloigné de l’embouchure est parfois muni d’une clé.
À l’orgue, c’est un jeu d’anche qui sonne en 8 pieds, parfois en 4, et qui est ordinairement au positif. En 16 (rare), il se place au pédalier. Son timbre est dit cruchant quand il est bien harmonisé. C’est un jeu soliste particulièrement apprécié des compositeurs (dessus, taille, basse); il dialogue avec le cornet ou la tierce et tient bien sa partie simple ou double dans les fugues à cinq de l’école française classique. On l’intègre enfin dans le petit et le grand jeu. À l’époque romantique, le cromorne fut trop souvent remplacé par une clarinette.




2°) Le schryari ou Schreierpfeife


Il est décrit par Michael Praetorius dans son « Syntagma musicum » comme un cromorne mais tout droit. C’est un instrument à vent à anche double encapsulée, de la famille des chalumeaux.
Il se nomme aussi Schreierpfeife.


3°) Le Rauschpfeife


C’est un instrument à perce conique. C’est un instrument doux et qui s’oppose au bruyant et très grave Schreierpfeife (= Schryari).


4°) La cornamusa



C’est un instrument qui ressemble beaucoup au schryari. C’est donc un instrument à vent utilisé au 16ème siècle et au début du 17ème siècle pour jouer de la musique à plusieurs parties. Une courte description de la corna-musen, sans illustration, dans le Syntagma musicum (1619) de M. Praetorius, a servi de base à sa reconstruction : instrument à vent muni d’un bocal, comme sur le cromorne, mais avec un tube plein (ce qui veut sans doute dire droit et non recourbé comme sur le cromorne) fermé à la base, à l’exception de petits trous sur le côté ; il n’y a pas de clefs, le son ressemble à celui du cromorne, mais il est plus doux. Praetorius n’est pas clair sur la tessiture et aucun modèle n’ayant survécu on reste sans réponse à cet égard ; d’ailleurs en Allemagne, aucune autre source ne mentionne ce terme. Il semble, par contre, qu’en Italie « cornamusa » était un autre nom du cromorne, à moins que ce soit en fait l’instrument décrit par Praetorius. Il n’en existe aucune description italienne, mais le nom se présente souvent dans les comptes rendus des évènements musicaux du 16ème siècle dans ce pays, parfois associé à la « dolzaina », autre instrument à anche mystérieux.


5°) Le courtaud



C’est un instrument qui ressemble au schryari mais dont la perce est plus grande.
Instrument à vent à anche double décrit par le père Mersenne. Il est fait de 2 perces cylindriques parallèles, creusées dans un seul morceau de bois et reliées par le bas. Les doigtés font intervenir les paumes des mains autant que les doigts. Il a existé un instrument analogue en Italie, « sordone », et en Allemagne, « Sordun », mentionné pour la première fois en 1596 et décrit par M. Praetorius comme existant en plusieurs tailles, depuis le soprano jusqu’à la contrebasse. La sourdine avait un tuyau coudé, percé dans une pièce de bois, et dont l’anche double se posait sur un tube métallique planté latéralement.


6°) Le hautbois du Poitou

Il est muni d’une boîte à vent. Les « hautbois de Poitou » dont Philippe de Commines nous raconte qu’ils furent appelés à la cour pour distraire la mélancolie du roi Louis XI, comprenaient chalumeaux, musettes, cornemuses et bombardes.

Marin Mersenne, Harmonie universelle : hautbois de Poitou et cornemuse

Au 17ème et 18ème siècles, les « hautxbois et musettes du Poitou » font partie de la musique de la Grande Ecurie, aux côtés des « Grands hautxbois » (qui comprennent les bassons). C’est à cette époque seulement que le véritable hautbois apparaît à la cour de France.


7°) La cornemuse et la musette

Une poche d'air qui se vide sous la pression du bras fait circuler l'air dans les tuyaux (un avec des trous pour le jeu mélodique et les autres sont des bourdons).



CORNEMUSE :
Instrument à vent typique d’une famille importante, à anches simples ou doubles qui ne sont pas en contact avec les lèvres de l’exécutant et qui vibrent lorsqu’une outre (réservoir dont la matière, la forme et les dimensions sont très variables) est emplie d’air et se vide sous l’effet de la pression du bras. Un des tuyaux est percé de trous qui permettent d’exécuter le chant. Un ou plusieurs tuyaux (les bourdons) de longueurs différentes ne donnent qu’une note qui résonne constamment. L’instrument est connu depuis l’Antiquité (tibia utricularis) et existe dans le monde entier ; il s’est répandu au Moyen-Âge en Europe (ménétriers), où il accompagne la danse, les cortèges, etc. On peut citer aujourd’hui la zampogna  italienne, le biniou breton, la cabrette auvergnate, le bag-pipe  écossais ou irlandais. Au XVIIe siècle est apparue une variante de cornemuse, la musette.

MUSETTE :
Instrument de musique à vent, à anches, de la famille des cornemuses (dans les campagnes françaises, on appelle aussi musette une sorte de hautbois avec ou sans clés). On rencontre déjà la musette au XIIIe siècle. Le bourdon assure la basse du grand et du petit chalumeau ; la faible tessiture de l’instrument lui permet alors d’émettre une douzaine de notes seulement. C’est, cependant, au XVIIe siècle que fut créée la musette pour laquelle de nombreux compositeurs français écrivirent pendant deux siècles. Il s’agit d’une cornemuse perfectionnée: un soufflet remplace le «porte-vent»; il est actionné par le bras gauche ; les bourdons anciens, encombrants parce que volumineux, sont réduits et enroulés à la manière du cervelas. Esprit Philippe Chédeville (1696-1762) écrivit beaucoup pour elle, de même que Michel Corrette, Jean-Baptiste Anet, Jacques Aubert et Boismortier.
La musette est aussi un jeu d’orgue, de la famille des anches courtes et régales. C’est encore le nom donné à une composition musicale, écrite dans le style joué par l’instrument, donc de caractère pastoral, avec pédale (imitant le bourdon) ; elle est de rythme ternaire (comme la danse de société, en vogue au XVIIIe siècle, qui porte aussi le nom de musette) et prit place dans la suite instrumentale (Couperin, Rameau, Bach, Haendel). Enfin, on donna le nom de bal musette en France, vers 1910, aux bals populaires, où l’accordéon tenait le rôle principal ; l’orchestre musette, pour la même raison, comprend toujours cet instrument, auquel s’ajoutent ordinairement un saxophone et une percussion légère.

LOURE :
Instrument à vent de la famille des cornemuses (du latin lura : petit sac ; ou du nordique ludr, lura : trompe). Au Moyen-Âge (XIIIe s.), l’appellation est générale en France ; mais au XVIIIe siècle et jusqu’au début du XXe, loure ne désigne plus qu’une variété de cornemuse populaire en Normandie et aux confins de la Bretagne.


III°) Instruments à anches contrôlées par la bouche

Dans tous les instruments de la Renaissance, l’anche n’entrait pas en contact avec les lèvres, et il était impossible d’agir sur le son. Leur timbre était donc fixe, rude, et peu musical. En outre, il était impossible d’en tirer des harmoniques en soufflant plus fort, ce qui rendait leur étendue médiocre.
Au 17ème siècle, on se mit à placer l’anche de façon qu’elle soit saisie entre les lèvres. Les hautbois furent plus étroits, bien qu’encore coniques, et un trou spécial facilita la production des harmoniques. Peu à peu, les clés se perfectionnèrent et le pavillon devint moins évasé. Tout cela adoucit et ennoblit beaucoup le son de l’instrument, de sorte que seul son léger nasillement rappelle qu’il descend du fruste chalumeau.
Les facteurs français contribuèrent particulièrement aux progrès du hautbois, ce que prouve l’emprunt de ce nom par les autres langues ; on l’avait ainsi nommé pour l’opposé au « gros bois » ou basson.
A l’époque baroque, le hautbois fut non seulement soliste, mais choriste ; il rivalisa avec les flûtes pour le dialogue avec les violons. Mais c’est le 19ème siècle qui a exploité toutes ses possibilités.


1°) Le dulcian


Encore appelé doucine, doucette, dolcian, dulzian, douçaine, dolzaina… C’est une sorte de Fagott allemand. Le dulcian se mêle très bien aux bas instruments.
« Dulcian » est un mot allemand en usage depuis la fin du 16ème siècle jusqu’au début du 18ème siècle, désignant l’ancien basson fait d’une seule pièce en bois, également appelé « Fagott » (de l’italien fagotto). Le père Mersenne le décrit comme un « fagot ou basson à 3 clefs ». Quoique supplanté en France par le véritable basson à l’époque de Lully, le dulcian persista dans une certaine musique militaire allemande jusqu’aux environs de 1720, avant d’être remplacé par le basson.
La douçaine (également douchaine ou doussaine) est mentionnée très souvent au cours des 14ème et 15ème siècles. Cet instrument avait certainement une importance considérable, particulièrement dans la musique français et flamande.


2°) Le basson


Instrument en 3 ou 4 morceaux de bois d’où l’expression allemande Fagott. Certains bassons sont fabriqués en érable.
C’est aussi un jeu d’orgue.




3°) Le hautbois

Il apparaît à la fin de la Renaissance. Sa perce est assez large au début puis elle va se rétrécir pour donner un son plus distingué. Au 17ème siècle, le hautbois ne comportait qu’une seule clef ; aujourd’hui il y en a plusieurs (cet ajout est tributaire du choix du bois).


Le nom de hautbois, d’origine française, viendrait de la distinction faite au moment de l’organisation en famille de ses ancêtres européens entre les instruments perçants et plus aigus, les haultx-bois et les instruments plus sourds et plus graves auxquels ils s’opposaient, les gros-bois, ancêtres du basson et du contrebasson.
La famille du hautbois compte parmi les instruments à vents les plus anciens ; elle était déjà représentée en Egypte et dans les civilisations antiques de l’Asie. L’aulos de la Grèce classique et la tibia romaine sont des hautbois. De puis le Moyen Age, il est attesté chez les pâtres d’Europe sous le nom de chalumeau. Cet instrument folklorique et primitif avait un pavillon très marqué, des trous, et, pour anche, un fétu aplati qui entrait complètement dans la bouche.


Dans cette même famille il existe le cor anglais et le contrebasson, le hautbois d’amour, le hautbois baryton, l’heckelphone (c’est un hautbois baryton perfectionné), le sarrusophone.





VENT (INSTRUMENTS À)
« Encore que tous les instruments de Musique puissent estre appelez à vent, puis qu’il n’est pas possible de faire des sons sans le mouvement de l’air, qui est une espece de vent, néantmoins l’on a coustume de donner ce nom à ceux que l’on embouche, ou que l’on fait sonner avec des soufflets, afins de les distinguer d’avec ceux qui usent de chordes, ou que l’on bat comme le Tambour » (Marin Mersenne, Harmonie universelle , 1636). Tout le monde reconnaît à l’audition une flûte d’un trombone; il est moins sûr qu’il en soit de même d’un hautbois et d’un cor anglais. L’écoute permet seule de saisir ce qu’aucune description n’enseignera jamais.
Le dynamisme sonore des instruments à vent – bois et cuivres –, bien plus ample que celui des cordes, est l’une de leurs principales caractéristiques. Partant du pianissimo, avec sourdine, timbre éteint et voilé, ils vont jusqu’à sonner en un fortissimo éclatant. Ce dynamisme que possèdent excellemment les cuivres, mais aussi la clarinette ou le saxophone, leur donne une place intermédiaire entre les cordes et les plus puissantes percussions. Trompettes et timbales s’accompagnent souvent mutuellement pour souligner quelque figure rythmique essentielle ou ponctuer le discours. Les vents se fondent aux archets ou dialoguent avec eux. S’ils concertent en solistes, cuivres et bois peuvent être aussi caressants qu’un violon; s’ils s’allient en fanfare, leur force est évidente et il est impossible d’échapper à l’entraînement rythmique qu’ils imposent. De nos jours, les instruments à vent, en partie en raison de leur emploi en jazz, en partie en raison des nouveaux modes de jeu et aussi du fait de l’importance accrue du timbre dans les idiomes modernes, connaissent une vogue remarquable.
Le concerto pour instrument à vent apparaît vers la fin du XVIe siècle à Venise. L’Italie, que l’on imagine souvent comme le pays des cordes par excellence, est tout autant, sinon plus, celui des vents. Marc Pincherle a rappelé aussi que l’emploi de ces derniers pour leur qualité de timbre caractérise le Bach descriptif. Les premiers concertos français furent écrits pour eux, tant le concerto grosso  (Joseph Bodin de Boismortier, Concerto pour cinq flûtes , 1727; Concerto à cinq parties  – flûte, violon, hautbois, basson et basse –, 1732) que le concerto pour soliste (du même, Concerto pour basson , 1732).
L’homme musicien a imaginé à profusion des formes d’instruments à vent; la seule énumération en serait fastidieuse et obligatoirement non exhaustive. Nous intéressent ici les quelques instruments que l’Occident a adoptés et perfectionnés avant tout pour son orchestre symphonique. On ne parlera point des anches libres (accordéon, harmonica, harmonium), ni de l’orgue (instrument à vent à clavier, cf. ORGUE) et peu de la flûte, déjà étudiée [cf. FLÛTE].
1. Origine et description élémentaire
L’iconographie et l’archéologie font remonter la facture des instruments à vent à la préhistoire. Une flûte en os percé de trous fut découverte en Pays basque (Isturitz) et daterait de quelque 20 000 ans avant J.-C. On possède d’autres flûtes paléolithiques (aurignaciennes et magdaléniennes) et néolithiques (Danemark), ainsi que des trompes irlandaises et danoises de l’âge du bronze. Le bassin méditerranéen (Égypte, Mésopotamie, Grèce, Rome) a laissé de très nombreux vestiges d’instruments à vent. Les études organologiques, cependant, n’apparaissent qu’avec Sebastian Virdung, Lodovico Zacconi, Michael Praetorius, Marin Mersenne ou Martin Agricola.
L’invention de l’anche fut une étape majeure de l’histoire de la facture des bois, que la languette soit taillée directement dans la paroi de l’instrument ou indépendante de celui-ci et fixée à lui. Pour les cuivres, l’invention du piston qui permet la gamme chromatique tempérée a été assurément un moment essentiel de leur évolution technique. Grâce au mécanisme du piston, la colonne d’air est écartée de sa route ordinaire et passe dans un tube additionnel dont la longueur est calculée pour qu’apparaissent de nouvelles fondamentales et leurs harmoniques.
Les instruments à vent sont des tubes sonores, dans lesquels le souffle de l’exécutant met en mouvement l’air qu’ils contiennent. La colonne d’air vibre différemment s’il s’agit d’instruments à bouche, à anche, à embouchure. Dans les premiers, le souffle meut la colonne d’air grâce à une ouverture circulaire ou longitudinale [cf. FLÛTE]; dans les seconds (hautbois, clarinette, saxophone), l’anche simple ou double oscille et fait vibrer la colonne d’air; dans les derniers (cor, trompette, trombone), les lèvres mêmes de l’exécutant jouent le rôle de l’anche vibrante.
Les vents sont tous des tuyaux ouverts et ils produisent donc les harmoniques dans leur ordre naturel; la clarinette fait cependant exception, car son tube cylindrique se comporte comme un tuyau fermé et donne les harmoniques impairs. Les bois sont des instruments à trous et à clés, mécanisme grâce auquel on monte la gamme chromatique en modifiant la forme et le comportement du volume de la colonne d’air. C’est surtout Theobald Böhm (1794-1881) qui a mis au point ce système de trous, d’anneaux et de clés. Les cuivres, instruments à embouchure, sont presque toujours munis de pistons et tout le monde connaît le trombone à coulisse.
Beaucoup d’instruments à vent sont dits transpositeurs: pour eux, la note écrite sur la partition ne représente pas la note réelle (son émis). Convenant que l’ut  est la fondamentale de l’instrument, si celui-ci est en fa , la note écrite ut  donne la note réelle fa .
2. Les bois
Les anches doubles : la famille des hautbois
À côté des cornemuses, des cromornes, des musettes et des bombardes, les divers chalumeaux (haulx-bois opposés aux bas-bois précurseurs des bassons) sont les ancêtres à la fois des hautbois à perce conique et à anche double et des clarinettes à perce cylindrique et à anche simple. Ils furent très répandus au Moyen Âge et à la Renaissance. Perfectionnés en France au milieu du XVIIe siècle, ils deviennent l’un des instruments favoris des compositeurs. De Lully à Beethoven, le hautbois est en effet, avec le violon, l’instrument soliste le plus admiré. Il chante avec douceur ou pathétique; il peut avoir du mordant; sa puissance et son coloris ne varient certes pas autant que ceux des autres bois, mais son pouvoir expressif possède une gamme suffisamment riche pour exprimer la plainte (Symphonie fantastique , Berlioz, 1830), la sérénité religieuse (mainte aria de Bach), la joie amoureuse (déclaration d’amour d’Holoferne dans Juditha triumphans , Vivaldi, 1716), sans parler du caractère agreste et pastoral exploité à satiété. En musique de chambre, le timbre du hautbois s’impose par sa fraîcheur incisive, et l’instrument sait être le «soprano mélancolique» de l’orchestre. Les hautbois furent introduits à l’Opéra dès sa fondation (pastorale de Pomone , Robert Cambert, 1671). Les concertos sont innombrables. Beaucoup de musiciens seraient à citer, tels, en France, Jean-Baptiste Loeillet, Michel Blavet, Jean Hotteterre; en Italie, Giovanni Valentini, Tomaso Albinoni, Benedetto Marcello, Domenico Cimarosa, Luigi Boccherini; en Allemagne, Ernst Eichner, Karl Ditters von Dittersdorf... Et mentionnons Francesco Biscogli (XVIIIe s.) dont le surprenant concerto pour hautbois, trompette et basson est «hérissé des difficultés les plus redoutables» (J.-F. Paillard). Avec la trompette, le hautbois est l’instrument baroque par excellence; à l’époque classique (Mozart, Haydn, Beethoven) et romantique, la clarinette et le cor tendent à le remplacer dans la faveur des compositeurs (cf. cependant le hautbois lié au personnage de Leonore dans Fidelio). Rimski-Korsakov a usé de la sourdine sur le hautbois (par exemple, dans Kachtchei l’Immortel ). Aux cuivres en sourdine, le hautbois solo se marie agréablement (Honegger, Première Symphonie ). Dans la Pastorale de la Petite Suite  pour orchestre (op. 39), Albert Roussel confie à l’instrument un solo de vingt-trois mesures, souple et nerveux à la fois. «Le hautbois exprime presque tout ce que l’on peut souhaiter; seuls, les accents épiques du trombone, de la trompette ou du second registre de la clarinette lui restent interdits» (C. Koechlin). Depuis 1930, avec Britten, Gordon Jacob, Vaughan Williams, Berio, Holliger, Maderna, Carter, on assiste à une véritable renaissance du hautbois.
Le hautbois d’amour en la  apparut en France vers 1720. Les obligati  dramatiques de Jean-Sébastien Bach l’ont rendu justement célèbre (Cantates, Messe en si, Passion selon saint Matthieu, Oratorio de Noël, Magnificat ) et Telemann écrivit pour lui un concerto de valeur. Richard Strauss (Symphonie domestique ), André Gédalge (Troisième Symphonie ), Charles Koechlin (Deux Sonatines ), Ravel (Boléro ) ont fait appel à lui.
Le cor anglais est un hautbois alto (en fa ). Son nom viendrait de la corruption de la dénomination qu’il tenait de sa forme: «corps anglé». C’est pratiquement le corno da caccia  de Bach. Il a connu une certaine vogue après la seconde moitié du XIXe siècle. Il suffit de rappeler Schumann (Manfred  et le cor anglais nostalgique), Berlioz (Carnaval romain ), Wagner (Tristan et Isolde ), Ravel (Daphnis et Chloé ). Allié à la flûte, il possède un timbre aérien et vaporeux inimitable (La Reine Mab, ou la Fée des songes , 4e partie de Roméo et Juliette , Berlioz). Stravinski en a tiré des effets de dureté inattendus dans Petrouchka . Rimski-Korsakov indique parfois la sourdine (Pan Voyévode , no 1; Légende de la cité invisible de Kitej , no 355).
Le basson fut inventé, selon certains, par le chanoine Afranio degli Albonesi, en 1539. Mais d’autres estiment qu’il était déjà connu au XVe siècle. Au début du XVIIe, en Allemagne, Sigismond Scheltzer lui impose sa forme sous le nom de dulcine (Dulcian ). Praetorius ne cite pas moins de cinq bassons (diskant-fagott, piccolo-fagott, chorist-fagott, quart-fagott et quint-fagott). Actuellement, le basson a 1,37 m de haut et développe 2,60 m de longueur.
Rimski-Korsakov dit le basson «sénile et fourbe en majeur, souffrant et triste en mineur»! Dans le grave et staccato, il est indéniablement comique. Vivaldi, qui fut le premier à publier des concertos pour flûte, a composé aussi les premiers concertos pour basson et personne n’en a écrit autant que lui: trente-huit! Mozart confie au basson des solos de virtuosité (Ouverture des Noces de Figaro ). Dans la musique de chambre, l’instrument tient la basse du trio d’anches ordinaire (hautbois, clarinette), du quatuor (flûte, hautbois, clarinette), etc. Dans le champ étendu des septuors, octuors, nonettes, dixtuors... pour instruments à vent, ce rôle de basse délicate et claire n’est supprimé ni par les saxophones basses ni par les clarinettes basses. Le quatuor de bassons est plus rare (Prokofiev). À l’orchestre, le basson atteint de mystérieux pianissimos, où il se marie très heureusement avec la clarinette. Mendelssohn (nocturne du Songe d’une nuit d’été ) l’utilise habilement pour soutenir un solo de cor. Il peut être sinistre dans le grave (marche au supplice de la Fantastique ), drôle et narquois (Pierre et le Loup , Prokofiev), grotesque et bouffon (danse chinoise de Casse-Noisette , Tchaïkovski). Stravinski l’emploie pour ainsi dire à la place d’un premier trombone dans le Chant du rossignol , au-dessus des trombones et des tubas. Alfredo Casella et Virgilio Mortari soulignent son aspect dramatique dans l’Octuor pour instruments à vent  du même Stravinski. Koechlin en fait un humoriste (Suite  pour basson et orchestre) et Mozart un goguenard (air de Leporello dans Don Giovanni ) ou un poète (mouvement lent du Concerto  pour basson, 1774).
Le contrebasson (près de 6 m de long) est connu notamment de Haendel (Alexander’s Feast ), Mozart (Requiem ), Haydn (La Création ), Mendelssohn (qui l’ajoute au serpent dans le choral Eine feste Burg  de la Reformation Symphonie , œuvre où l’importance des vents est capitale: jusqu’à neuf voix de bois, six de cuivres dans l’andante con moto); Brahms et Wagner l’utilisent assez souvent. Paul Dukas (L’Apprenti sorcier ), Ottorino Respighi (Les Pins de Rome ), Ravel (Ma Mère l’oye ) lui ont ménagé une place originale.
Mentionnons la famille des sarrusophones (du nom de l’inventeur, milieu du XIXe s.). Ce sont des instruments de cuivre, à corps conique et à anche double. Il en existe de huit tailles différentes, que l’on employa surtout dans les harmonies.
Les anches simples
Les clarinettes
Vers 1690, Johann Christoph Denner (1655-1707), facteur d’instruments à Nuremberg, améliorant l’ancien chalumeau français à huit trous, inventa la clarinette (deux clés, bec, pavillon) dont la sonorité rappelait celle de la trompette aiguë d’alors, le clarino. On distingue aujourd’hui trois registres sonores principaux de la clarinette : le chalumeau (grave), le médium et le clairon (aigu). D’après François-Auguste Gevaert (1828-1908), J. Faber, maître de chapelle à Anvers, utilisa cet instrument dans une messe (1720). Mais Marc Pincherle et Walter Kolneder estiment que, dès 1716, Vivaldi, toujours à l’affût des nouveautés instrumentales, l’employa pour doubler les hautbois (deux concertos de Turin). Vers 1747, Johann Melchior Molter (env. 1695-1765) lui dédie quatre concertos. Les musiciens de Mannheim l’adoptent, ainsi qu’en France l’orchestre de La Pouplinière. Rameau s’en sert dans Zoroastre  (1749), dans Acanthe et Céphise  (1751). Mais les premiers chefs-d’œuvre incontestables sont le fait de Mozart : Concerto  en la  majeur (K. 622), Quintette  en la  (deux violons, alto, violoncelle, K. 581), Trio  en mi  bémol (alto, piano, K. 498). Jean-Victor Hocquart écrit à ce propos: «Aucune possibilité n’a été négligée de ce timbre à la fois vibrant et serein, volubile et étale, sensuel et désincarné, chaud et éthéré, mordant et, dans le grave, ligneux et abyssal [...]. L’ambiguïté de la nostalgie mozartienne n’a jamais eu tant de profonde duplicité.» À côté des pages de Weber (un concertino, deux concertos), les quatre concertos de Louis Spohr (1784-1859) et les quinze de Michel Yost (env. 1754-1786), le fondateur de l’école française de clarinette, sacrifient à la virtuosité aux dépens de la profondeur. À l’orchestre, François-Joseph Gossec emploie deux clarinettes dans sa Messe des morts  de 1760 (introduzione; «orchestre éloigné» du Tuba mirum ; dans le chorus Te decet , les clarinettes doublent le soprano et l’alto solistes). On évoquera pour son intensité dramatique l’emploi de l’instrument dans l’ouverture du Freischütz . En fait, depuis Beethoven, «il est peu de symphonies ou d’œuvres dramatiques où elle ne joue pas en solo» (G. Gourdet). Citons un seul exemple caractéristique de son intervention, si brève soit-elle: la réponse de la clarinette dans le premier mouvement du Concerto  pour piano en mi  bémol de Liszt (mes. 54-56). En musique de chambre, elle joue dans de multiples formations: ainsi, en duo (trois Duos  pour clarinette et basson, Beethoven; trois Phantasiestücke  pour clarinette et piano, Schumann; quatre Pièces  pour clarinette et piano, Berg; L’Estampe  du Ier Livre des Divertissements français  pour clarinette et harpe, Georges Migot; Récit et impromptu  pour clarinette et piano, Henri Dutilleux), en trio (deux Concertstück  pour clarinette, cor de basset et piano, Mendelssohn, op. 113 et 114), etc. On citera encore les Trois Pièces  pour sextuor de clarinettes de Raymond Loucheur, la Rhapsodie  pour clarinette et orchestre de Debussy, le Divertissement , op. 6, de Roussel (1906, flûte, hautbois, clarinette, basson, cor et piano).
Quant à son emploi dans le jazz, elle fit partie (clarinette soprano en si  bémol) dès l’origine (1895) des petits orchestres de New Orleans. Parmi les virtuoses, citons Sidney Bechet, Barney Bigard, Jimmy Noone, Johnny Dodds, Woody Herman, Benny Goodman (ce dernier, également clarinettiste «classique» de valeur).
Le cor de basset est une sorte de clarinette alto (en fa ). On sait la prédilection de Mozart pour lui (Requiem, La Flûte enchantée, Adagio  pour deux clarinettes et cor de basset, K. 411, et le célèbre duo pour cor de basset et mezzo soprano de la Clémence de Titus ). Mendelssohn (op. cit.), Jules Massenet (Le Cid ), Richard Strauss (Rosenkavalier ) l’employèrent avec bonheur.
La petite clarinette en mi  bémol fut peu utilisée au XIXe siècle (Berlioz en fait un emploi parodique dans la Fantastique ). La clarinette basse fut introduite à l’orchestre par Meyerbeer (Les Huguenots , 1836). Stravinski dans Le Sacre du Printemps  tire de ces deux clarinettes un effet inoubliable: piccolo et basse jouent à l’unisson à deux octaves de distance et sur des trilles de flûtes! Schönberg utilise même le Flatterzunge  (technique de trémolo empruntée à la flûte) à la clarinette basse (Pierrot lunaire ). Vincent d’Indy (Fervaal ), Saint-Saëns (Hélène ), Schönberg (Orchesterstücke ) ont employé la clarinette contrebasse en si  bémol (2,76 m).
Les saxophones
Vers 1840, Adolphe Sax (1814-1894) fabriqua le premier instrument à anche simple et tuyau conique. Toute une famille s’ensuivit, du sopranino à la contrebasse (sept instruments). Koechlin évoque les «sonorités de velours brillant ou sombre» du saxophone alto (en mi  bémol), le plus employé en musique classique. Le ténor (si  bémol) est très utilisé par les jazzmen. Dès l’apparition de l’instrument, Ambroise Thomas, Rossini, Meyerbeer, Berlioz, Auber et Halévy s’en enthousiasmèrent, mais peu de compositeurs écrivirent pour lui (Ambroise Thomas, Hamlet , 1868; Bizet, L’Arlésienne , 1872; Massenet, Werther , 1892 – avant Gustave Charpentier, Vincent d’Indy, Richard Strauss, aux environs de 1900). Parmi les premiers à écrire un concerto pour saxophone, citons Alexandre Glazounov (1935), Jean Rivier, Jacques Ibert. En musique de chambre, on peut retenir la Ballade  de Henri Tomasi (saxophone et piano), l’Introduction et variations sur une ronde populaire  (quatuor de saxophones) de Gabriel Pierné. Alphonse Stallaert a écrit un Quintette  pour saxophone et quatuor à cordes (1920). Le saxophone soprano (en si  bémol) figure dans le Boléro  (Ravel). Dans An American in Paris , George Gershwin se sert avec talent de trois saxophones en accord pour soutenir un solo de trompette. On note un judicieux emploi du contralto en mi  bémol par Goffredo Petrassi dans sa Partita.  «C’est en fait à un artiste français, Marcel Mule, qu’après Sax le saxophone doit le plus. C’est lui qui, le premier, en utilisa les ressources sur un plan hautement artistique et le révéla sous un aspect d’une indiscutable noblesse, portant à l’accusation d’inaptitude à l’art, trop souvent formulée contre l’instrument en raison de son utilisation dans la musique populaire, le plus indiscutable démenti» (G. Gourdet).
Des artistes de jazz, on se contentera de citer les altistes Johnny Hodges, Charlie Parker, Eric Dolphy, Ornette Coleman, Anthony Braxton et les ténors Coleman Hawkins, Lester Young, Stan Getz, Sonny Rollins, John Coltrane, Archie Shepp.
3. Les cuivres
Les cuivres ne le cèdent en rien aux bois pour leur richesse sonore, leur variété de timbre et leur diversité d’emploi. Sans remonter aux danses du Moyen Âge, on connaît les Danseries  de Pierre Attaignant (1557) pour quatuor de hautbois, cornets et trombones. Du XVe au XVIIIe siècle fleurissent un peu partout en Europe des suites de danses dont voici quelques-uns des principaux mouvements: bourrée, gigue, passacaille, chaconne, gaillarde, allemande, branle, sarabande, pavane, canarie, gavotte, passe-pied, menuet, sicilienne, forlane, rigaudon. Les instruments à vent, notamment les cuivres, y tiennent un rôle primordial. La Renaissance connut les virtuoses du cornet et du trombone dont l’association était classique (Orfeo , Monteverdi). Le cornet à bouquin (à embouchure) est un instrument en bois ou en métal muni de trous; il formait un famille complète. D’après Jacques Cellier (1585), on comptait: dessus, haute-contre, taille, sacqueboute et pédale. Pour Mersenne, le cornet «est semblable à l’esclat d’un rayon de soleil qui paroist dans l’ombre ou dans les ténèbres, lorsqu’on l’entend parmy les voix dans les églises cathédrales».
Vers 1545, à la cour de Côme de Médicis, on entendait des Canzonas  à six voix où concertaient deux flûtes, deux violes, deux trombones et deux luths. En 1568, à Munich, un Motet à sept  de Lassus réunit au chœur vocal, dont chaque partie est exécutée par douze choristes, cinq cornets, deux trombones et un orgue. Ailleurs, Lassus propose huit violes de gambe, opposées à huit violes de bras et un concert brisé (à chœur divisé en deux) comprenant une flûte, trois cornets, une douçaine, un basson, une cornemuse et un trombone grave. Quand il fut maître de chapelle du duc Albert V de Bavière, Lassus disposait régulièrement de cinq instruments à vent qui jouaient dimanches et fêtes, mais il lui fallait aussi assurer les célébrations musicales de plein air (cortèges princiers) ou les festins. Une Battaglia  à huit voix de l’organiste Annibale Padovano (1527-1575) associe elle aussi trombones et cornets, et un madrigal d’Alessandro Striggio (1535 env.-1587 env.) réunit six trombones. Une Sonate pian e forte  de Giovanni Gabrieli (1597), pour chœur de cornets et trois trombones, demande de la part des instrumentistes une virtuosité qui n’a pas été dépassée.
Le serpent, contrebasse du cornet, accompagna sous le nom d’ophicléide (serpent à clés) le plain-chant jusqu’en 1925 dans certaines églises françaises. Wagner (Rienzi , 1838), Verdi (Les Vêpres siciliennes , 1855), après Mendelssohn (Ve Symphonie ), l’utilisèrent encore comme cuivre-basse.
En France, la symphonie instrumentale dans la musique religieuse pouvait, en plus des cordes, comprendre des flûtes, parfois un hautbois ou un basson, à quoi s’ajoutaient, pour le grand motet avec violoncelles et contrebasses, des trompettes, des cors, des trombones et des timbales. le tout soutenu par l’orgue continuo. Lully, Henry Dumont, Marc Antoine Charpentier, Michel Richard Delalande, Nicolas Bernier, André Campra, Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville... utilisent des ensembles de ce type. Dans l’«orchestre éloigné» du Requiem  déjà mentionné, Gossec réunit clarinettes, trompettes, cors et trombones opposés à l’orchestre ordinaire. Cette musique à effets aboutit, à travers Jean-François Lesueur et Cherubini, à l’expressionnisme grandiose de Berlioz. Recherche de l’effet sonore encore, telles sont les Fanfares pour trompettes, timbales, violons et hautbois, avec une suite de symphonies, mêlées de cor de chasse  de Jean-Joseph Mouret qui fut, de 1728 à 1734, directeur de la musique au Concert spirituel des Tuileries, ou, plus près de nous, la Fanfare pour un sacre païen  d’Albert Roussel (1921-1929, pour quatre cors, quatre trompettes, trois trombones, trois timbales).
Les trompettes
Jusqu’au début du XIXe siècle, la trompette (diminutif de trompe – tromba  en italien, strombos  en grec –, espèce de coquille de mer en spirale) est, avec le trombone, l’instrument type du groupe des cuivres. «Nul instrument n’a été plus utile à l’homme, aussi bien dans la vie civile, religieuse et agricole qu’à la guerre» (M. Franquin). Chez les Hébreux, deux trompettes d’argent battu au marteau devaient convoquer les chefs des douze tribus d’Israël; les prêtres, fils d’Aaron, embouchent les trompettes sacrées (shatzotzerot ) pour le combat, les sacrifices, les fêtes solennelles, les festins. À Rome, le lituus , longue trompette de bronze à pavillon courbe, accompagne la cavalerie; la tuba , trompette droite, sonne la charge, la retraite et le changement de garde, tandis que la bucina , trompette courbe, indique les veilles, excite au combat. Le Cérémonial romain  des papes prévoit douze trompettes pour célébrer l’élection d’un nouveau pontife. Les trompettes sont à l’honneur dans toutes les festivités royales (Cérémonial de France , Théodore Godefroy, 1619).
«Le timbre de la trompette est noble et éclatant; il convient aux idées guerrières, aux cris de fureur et de vengeance, comme aux chants de triomphe. Il se prête à l’expression de tous les sentiments énergiques, fiers et grandioses, à la plupart des accents tragiques. Il peut même figurer dans un morceau joyeux, pourvu que la joie y prenne un caractère d’emportement ou de grandeur pompeuse.» Ce jugement de Berlioz mérite d’être complété; des compositeurs comme Haydn (1796) ou Johann Nepomuk Hummel (1803) dans le mouvement lent de leur concerto pour trompette (à clés) la font chanter en effet avec une tendresse empreinte d’une joliesse grave qui n’a rien de guerrier. Le caractère martial des pages de musique de chambre est tout aussi absent dans la Fantaisie  en mi  bémol pour trompette (cornet à pistons ou saxhorn) et piano de Saint-Saëns, la Légende  pour trompette et piano de Enesco, la sonate  pour trompette et piano de Hindemith ou le Concertino  pour trompette et piano de Jolivet.
Une des premières œuvres connues où une trompette (basse) semble exigée est celle du Rouennais Pierre Fontaine (env. 1380-1447), chantre à la chapelle pontificale de Martin V (in «J’aime bien celuy qui s’en va»). Au début du XVIIe siècle, Girolamo Fantini, «trombettiere maggiore» du grand-duc de Toscane, écrivit de courtes pages pour une ou deux trompettes, ainsi qu’une Sonate con la trombe e organo insieme  (à rapprocher des deux sonates per tromba ed organo  du Bolonais Giovanni Viviani). Au XXe siècle, on a repris cette association orgue-instrument(s) à vent, dont les timbres se confortent judicieusement. Dans les églises, leurs voix sonnent avec plus d’ampleur que celles des cordes. Aussi, en musique sacrée, la trompette est-elle fréquemment demandée: Schütz, Symphoniae sacrae  (1629); Bach, cantates, Magnificat, Messe en si , Oratorio de Noël ; Johann Pezel (1639-1694), qui fut aussi un virtuose du clarino – trompette aiguë –, Opus musicum sonatarum praestantissimum, Suite  pour trompettes et trombones. À son apogée baroque, apparaissent des œuvres telles que la Canzona bergamasca  pour trois trompettes (Samuel Scheidt), le IIe Concerto brandebourgeois  en fa  majeur (Bach), les concertos de Telemann (dont un pour trois trompettes), le Concerto à huit  en sol  majeur de Jan Dismas Zelenka. L’Italie tient toujours une place importance dans cette production avec Francesco Manfredini, Vivaldi, Guiseppe Torelli, Guiseppe Mattéo Alberti, Guiseppe Jacchini, mais il ne faut pas oublier Johann Wilhelm Hertel, Johann Friedrich Fasch, Heinrich Ignaz Biber (Sonata St. Polycarpi  pour huit trompettes), Purcell, Johann Melchior Molter, Gottfried Heinrich Stoelzel (1690-1749; concerto pour six trompettes et cordes). En France, Gossec utilisa, le premier, une trompette dans une symphonie (1770). À l’Opéra, à cette date, l’emploi en était déjà ancien (ainsi, dans Alceste  de Lully, 1674, dans Tancrède  de Campra, 1702). Même si l’on n’ignore point les Ouvertures de William Boyce, le Magnificat  en   de Carl Philipp Emanuel Bach (trois clarini dans le «Fecit potentiam», 1749), le Te Deum  «avec timbales et trompettes» de Antoine Fanton (env. 1700-1756), après la mort de Bach et de Haendel – c’est-à-dire dès que l’usage du tempérament égal se répandit et que les modulations d’harmonie se multiplièrent –, la trompette traversa une longue période de désaffection. Mozart réorchestre alors plusieurs pages de Haendel, confiant la partie (devenue injouable?) de trompette à d’autres instruments. La trompette est reléguée à une fonction subalterne, non mélodique, d’instrument rythmique proche de la percussion qu’elle double régulièrement et elle se borne pratiquement à sonner la dominante et la tonique. Les passages de soliste, chez Mozart, Haydn, Beethoven, Schubert, où elle joue à découvert au-dessus de l’orchestre, sont rarissimes (mis à part les timides essais de concertos pour les trompettes à clés qui furent vite abandonnées). C’est seulement avec Mendelssohn qu’une renaissance s’amorce, bien qu’on soit encore fort éloigné des mélodies somptueuses des baroques. Dès ses œuvres de jeunesse (Die beiden Pädagogen , 1821; les deux concertos pour deux pianos, 1823 et 1824), l’utilisation de la trompette à découvert sur les cordes est fréquente et l’instrument affirme sa personnalité dans l’orchestre: ainsi, elle introduit le forte  du tutti  ou reprend un motif rythmique avant les cors.
Les pistons, inventés par le Silésien Blühmel et le Saxon Stoeltzel en 1813-1814, furent adaptés à l’instrument, mais la trompette qui en fut pourvue demeura inusitée à l’orchestre jusque vers la fin du XIXe siècle, au bénéfice du cornet à pistons. Bruckner (Te Deum, Psaume CL ), Mahler (symphonies), Wagner (fanfare pour douze trompettes de la marche de Tannhäuser ) l’imposèrent à l’attention des compositeurs. Il faut mettre à part les fameuses trompettes droites d’Aïda  (Verdi, 1871).
En musique de chambre, le rôle de la trompette est plutôt faible, mais il convient de citer le Septuor  de Saint-Saëns, les Quattro pezzi  de Scelsi et Eonta  ou Épéi  de Xenakis. La virtuosité des modernes est devenue surprenante (M. André, A. Calvayrac, R. Delmotte, T. Dokchitser, E. Tarr, F Immer) et les compositions se multiplient; Jolivet écrit beaucoup pour elle: Heptade  (avec percussion), deux concertos, un arioso baroco  (avec orgue), œuvres de rutilance et de grande habileté instrumentale. Varèse, qui affectionne lui aussi les instruments à vent (onze dans Intégrales , 1926), demande dans Ecuatorial  (1934) trois trompettes à côté de quatre trombones, un orgue, deux ondes Martenot et la percussion; dans Déserts  (1954), flûtes, clarinettes, cors et tubas par deux, trompettes et trombones par trois, piano, cinq groupes de percussion éliminent les cordes et sonnent dans des champs inouïs.
Dans la musique de jazz, on sait le rôle que la trompette a joué avec Bix Beiderbecke, Louis Armstrong, Roy Eldridge, Dizzy Gillespie, Miles Davis, Clifford Brown, Freddie Hubbard, Don Cherry, Maynard Ferguson, Chet Baker, Lester Bowie.
Les cors
Aujourd’hui, à l’orchestre, on se sert du cor en fa  et du cor en si  bémol aigu et, de plus en plus, du cor double qui, muni d’un piston spécial, passe d’une de ces tonalités à l’autre. On a bien oublié les cors de chasse (Ouverture d’Obéron ) et plus encore ces trompes de laiton ou de cuivre qui ne donnaient qu’une note: «Au XVIIIe siècle, en Russie, entretenir un orchestre de cors était considéré comme un signe de distinction. La mode avait été lancée par un chef d’orchestre attaché à la cour de l’impératrice Élisabeth [...]. Il y avait un musicien par cor. Certains orchestres comprenaient des centaines de cors, dont les uns, énormes, nécessitaient un support, tandis que d’autres étaient si petits qu’ils tenaient dans le creux de la main. L’orchestre de cors qui faisait danser les invités du prince Potemkine se composait de trois cents musiciens [...]. Ils soufflaient leur note au moment voulu et attendaient que revienne leur tour» (G. Anfilov). De tels instruments ressemblaient à ces «cors» que, dès la préhistoire, l’homme utilisa à des fins sonores (corne de bœuf, de bélier – schofar  hébreu –, d’aurochs, ou ivoire d’éléphant).
Le cor en  , dont le tube (environ 4,50 m) s’évase en un pavillon, apparaît à l’orchestre en 1639 (Les Noces de Thétis et de Pélée , Pier Francesco Cavalli) et en 1664 (La Princesse d’Élide , Lully); le cor entra en service à l’Opéra en 1735 (Achille et Déidamie , Campra); en 1742, Jacques Christophe Naudot écrit vingt-cinq Menuets  pour deux cors de chasse, trompettes, flûtes traversières, hautbois, violons et pardessus de viole. Muni de corps de rechange, l’instrument joue dans tous les tons. Il est «le plus romantique de tous les instruments» (Alfred Einstein); que l’on pense au Freischütz , à Obéron , au Songe d’une nuit d’été . Le cor chromatique naît avec l’adjonction de pistons. Wagner, en 1865, semble être le premier à s’en être servi à l’orchestre. Avant le Concerto pour quatre cors  de Schumann, Mozart avait écrit des pages célèbres pour l’instrument (Quintette  en mi bémol  pour cor et cordes, quatre concertos). Haydn et Vivaldi écrivirent eux aussi des concertos, Boccherini un sextuor (cor et quintette à cordes, op. 42). Bach, en 1721, utilise le cor en soliste dans le Premier Concerto brandebourgeois , en exploitant pleinement ses possibilités techniques. Par son timbre, le cor assure la liaison entre les cuivres et les anches d’une part, les cuivres et les cordes d’autre part.
Les trombones
Le trombone (cf. la sacqueboute dotée d’une coulisse dès le IXe siècle) fut fort employé à l’époque de la grande polyphonie de la Renaissance. Dans les messes, motets, madrigaux, il entre en formation avec cornets et trompettes (Monteverdi, Sonata da chiesa , 1610). Bach l’utilise à deux, trois ou quatre parties dans plusieurs cantates. Gluck en compte trois dans Alceste  (1767) et Iphigénie en Tauride  (1779). Chez Mozart, il tonne le «Tuba mirum» du Requiem.  Berlioz (Symphonie funèbre et triomphante , 1840) aligne les sonorités puissantes et nobles de trois trombones altos et trois trombones ténors. Wagner accompagne la force brutale de Wotan de quatre trombones (deux ténors, un basse, un contrebasse). L’effet de surprise est inoubliable que provoque l’entrée des trombones dans la Symphonie sérieuse  de Franz Berwald. Dans Don Giovanni  de Mozart, l’apparition du Commandeur doit une part de sa couleur sombre et dramatique aux trois trombones qui l’escortent. Du compositeur américain Charles Ives (1874-1954), citons une seule œuvre, Scherzo: Over the Pavements , qui aligne trois trombones, piccolo, clarinette, basson ou saxophone, trompette, percussion et piano. L’expression du cocasse (avec vibrato, glissando, «parlando», etc.) convient parfaitement à l’instrument. Avec une virtuosité remarquable, le compositeur et tromboniste contemporain Vinko Globokar, d’origine slovène, exploite son éventail dynamique considérable (extrême pianissimo, fortissimo écrasant tout l’orchestre) et en tire des effets inédits. Ravel s’en amusa (fox-trot de L’Enfant et les sortilèges ). Plusieurs compositeurs lui ont dédié des concertos: Milhaud (Concerto d’hiver ), Charles Chaynes, Eugène Bozza, Arthur Meulemans... et le trombone a tenu une place importante dans le jazz, notamment avec Kid Ory, Jay Jay Johnson, Curtis Fuller, Bob Brookmeyer.
Les saxhorns et les tubas
On peut dire que les saxhorns – série d’instruments que Sax groupa en famille – sont issus des clairons et des bugles. Du sopranino à la contrebasse, on en compte sept. Leur timbre est plus doux que celui des trompettes et des trombones. Ils servent avant tout dans la musique militaire.
Quant aux tubas (basses des saxhorns), tout le monde les a appréciés dans Bruckner et Wagner. Le premier fut construit par G. Moritz en 1835. Wagner en fit fabriquer de spéciaux pour La Tétralogie . On utilise couramment aujourd’hui le tuba à six pistons (qui possède une tessiture particulièrement étendue: quatre octaves), le tuba ténor et le tuba basse. André Ameller, Marius Constant, Ralph Vaughan Williams ont écrit des concertos pour tuba qui demandent à l’interprète une habileté certaine.
Dans le domaine de la recherche, que penser, au point de vue esthétique, des essais de Xenakis, Berio, Stockhausen ou Ferneyhough, où l’instrumentiste tire des effets des quarts de tons et d’autres micro-intervalles, de la respiration continue, ainsi que de l’émission de plusieurs sons à la fois, ou en jouant sur les résonances harmoniques ? L’usage des instruments à vent dans les pièces électro-acoustiques en temps réel exige de nouvelles connaissances de leurs propriétés sonores.