La famille du dotâr d'Asie centrale








Le dotâr (dutâr, dutôr) est un luth à manche long et à deux cordes en soie ou en acier. Son nom vient du persan : do désigne le chiffre deux et târ signifie la corde. On trouve sa trace dans les anciens traités iraniens de la musique, sous le nom du tanbur. Dans Kitab al-Musiqi al-Kabir, son grand traité sur la musique et les instruments de musique, Fârâbî (Xe siècle) décrit deux variantes de tanbur, joués à Bagdad et au Khorâssân. Le nom du « dotâr » apparaît pour la première fois dans un traité de Zeynalabedin Mahmud Husayni (XVe siècle).
De nos jours, le dotâr se joue dans une vaste zone géographique, depuis la province du Khorâssân (aujourd’hui divisé en trois provinces) en Iran jusqu’à la région du Xinjiang au nord de la Chine en passant par des pays d’Asie centrale.


UNE TENTATIVE DE CLASSIFICATION...


 Les grandes familles de dotâr



1. La dombra non frettée, dutôrche ou dutâr-i mayda des montagnes

Zone d'expansion

Tadjikistan, Ouzbékistan (ethnies d'origine nomade), Afghanistan (Ouzbeks et Hazara)

Les caractéristiques

  • cordes en nylon remplaçant le boyau ou la soie
  • dimensions plus petites
  • table d'harmonie en peuplier (bois blanc)
  • caisse de résonance monoxyle et manche généralement en bois d'abricot. Peut être entièrement sculpté dans une seule pièce de bois
  • les techniques des mains droite et gauche sont similaires dans toutes les cultures concernées

 De gauche à droite : les dotârs de l’est et du nord du Khorâssân, le dotâr turkmène et le dotâr tadjik-ouzbek.


2. Le grand Khorâsân dotâr

Zone d'expansion

Khorâsân du Nord (Turcs et Kurdes), Turkmènes, vieux Kurdes, Qaraqalpaq. Ouest de l'Afghanistan et à l'est du vieux Khorâsân (Torbat), à l'est du Khorâsân (moderne)

Les caractéristiques

  • les cordes en acier ont remplacé le boyau ou la soie
  • dimensions moyennes
  • caisse de résonance monoxyle en bois de mûrier, table d'harmonie en bois de mûrier
  • manche généralement en bois d'abricot
  • technique de droite et de gauche similaire, mais plus simple dans le Khorâsân afghan



3. Le Sart dotâr

Zone d'expansion

Khorezm, Boukhara-Samarkand et Ferghana-Tashkent, au nord du Tadjikistan, et chez tous les Ouïghours du Xinjiang (Turkestan chinois).

Les caractéristiques

  • des cordes en soie, éventuellement remplacées par des boyaux torsadés (Ouïghours) ou des fils synthétiques (Transoxanie)
  • plus grandes dimensions
  • table d'harmonie et caisse de résonance en bois de mûrier
  • caisse de résonance composée de tranches collées (à l'exception de certains spécimens anciens) et d'un manche généralement en bois d'abricotier (bois de mûrier des Ouïghours)
  • technique main droite très similaire, mais plus simple dans le cas des Ouïghours


4. Les autres

  • Tanbur kurde qui, avec sa double première corde, utilise la même technique de construction et les mêmes matériaux : table d'harmonie et caisse de résonance en mûrier, manche en noyer.
  • La dombra kazakhe est généralement constituée de tranches collées, sa table d’harmonie est en bois de conifères, ses cordes en nylon remplacent le boyau. Il se détache du groupe du dotâr par le fait que ses cordes sont fréquemment pincées (style shertpe).
  • Le komuz kirghize ayant la forme d’une petite guitare entièrement taillée dans un bloc de bois d’abricot ou en deux parties (cou et corps, avec table d’harmonie en épicéa. Il fait partie du groupe dotâr en raison de ses trois cordes et de l’utilisation du shertpe technique en plus de sa technique appropriée.
  • Le üçteli anatolien, ou cura, a la même taille que la dombra tadjik-ouzbek, avec une caisse de résonance monoxyle (mûrier, chêne, genévrier ou autre), une table d'harmonie en épicéa et trois cordes en acier.



source : The dotâr family in Central Asia. Organological and musicological survey,” Porte Akademik. Organoloji sayasi, Istanbul, 2012. (93-102), Jean During, CNRS