Ludwig van (1968) de Kagel





Oeuvre écrite pour le bicentenaire de la naissance de Beethoven : la trame narrative du film, c’est le retour de Beethoven à Bonn 200 ans après ... Ce mouvement du théâtre musical instauré par Kagel tente à relancer un genre d’œuvres lyriques mais on est loin de l’opéra...

La partition de l’œuvre Ludwig van, « Hommage à Beethoven » est extraite du film : chaque page est faite de gros plans sur les murs et les objets de la « chambre de musique » de Beethoven, recouverts de partitions :
« Pour cette composition, le point de départ d’une telle objectivation des collages musicaux était une séquence dans laquelle la caméra - suppléant les yeux de Beethoven-spectateur - feuillette la chambre avec une extrême lenteur. Le montage muet de cette séquence fut projeté à un orchestre de seize musiciens qui avaient pour tâche d’interpréter la partition "cinétique". » (Mauricio Kagel)

Ludwig van est une partition qui montre que la musique du passé peut être interprétée au présent, et non uniquement dans une recherche d’authenticité, comme le réclament les jeunes interprètes depuis les années 1970 autour des répertoires baroques et classiques principalement :
« La musique du passé est plus proche de nous dans la mesure où nous l’interprétons d’une façon différente ! » (Mauricio Kagel).

Constituée de bribes d’œuvres de Beethoven, dans des collages en juxtaposition ou superposition, Ludwig van laisse la part belle aux exécutants : comme dans la majorité des œuvres de Mauricio Kagel, l’interprète est au centre de la partition. C’est sa manière de lire et de s’approprier les consignes du compositeur qui détermine à la fois la durée, la densité et l’articulation de chaque événement sonore beethovénien lors de l’exécution de Ludwig van.

Mauricio Kagel explique sa démarche de la façon suivante :
« L’idéal serait d’interpréter Beethoven comme il entendait, c’est-à-dire "mal". C’est ce que j’ai essayé de composer dans mon film Ludwig van. L’idée de base était de réorchestrer sa musique de façon à ce que certaines régions sonores et certaines fréquences qu’un sourd perçoit à peine, ou encore de manière déformée, soient conséquemment traitées ».

Ludwig van n’est pas un hommage à Beethoven, mais un hommage de Beethoven : nous sommes invités par Mauricio Kagel à entrer dans l’intimité du compositeur allemand, comme nous pénétrons dans sa demeure à Vienne dans le film.

Source : Bibliothèque numérique - Philharmonie de Paris - Pôle ressources - Ludwig van, « Hommage à Beethoven » de Mauricio Kagel

« La méthode de composition est une décomposition» affirme Kagel. Accusé de destruction, et pour se défendre, Kagel dit aussi « d'un point de vue éthique, je dirai toujours non ; d'un point de vue logique, oui. C'est à dire que je fais une différence entre les deux dimensions » (in Tam-tam, Kagel, Paris, 1983). Collage complexe, assemblage-collage et collage-témoignage tout à la fois, Ludwig van est certes une dérision, mais aussi une analyse impitoyable qui exorcise le poids de la tradition.