Le Dies irae chez les compositeurs






Avant le 17è siècle


Le « Dies Irae » s’est introduit dans la messe des morts (appelée requiem) en Italie au 14ème siècle, en France au 15ème siècle et le Missel romain (donc officiel) ne l’a accueilli qu’en 1585 (autrement dit après le Concile de Trente). C’est le Concile de Trente qui en a généralisé l’emploi.

Le premier requiem polyphonique de l’histoire de la musique a été composé par Johannes OCKEGHEM. Il est à 4 voix, sans doute composé à la mort de son maître (le roi Charles VII) en juillet 1461. Ce requiem ne contient pas la séquence Dies Irae. Mais nous allons voir que le Dies Irae ne se manifeste pas seulement dans les Requiems…
A l’église, non seulement les hommes, mais les femmes aussi entonnaient les chants à la gloire de Dieu et de nombreux instruments aussi (essentiellement des cordes les accompagnaient, ce qui était inconcevable au Moyen-Age !) : tous ces timbres chaleureux et ce mélange des voix glorifiaient Dieu mieux qu’avant…

On trouve le « Dies Irae » dans le Requiem (1605) de Tomas Luis de Victoria mais hélas sans grande originalité puisque le compositeur reprend exactement la mélodie grégorienne originelle à laquelle il adjoint des instruments pour soutenir la voix (ce qui était interdit au Moyen-âge : pas d’instruments dans les églises sauf l’orgue !).

AUDITION : « DIES IRAE » DU REQUIEM (1605) DE TOMAS LUIS DE VICTORIA
Les voix chantent à l’UNISSON. C’est un chœur MIXTE (homme et femmes mélangées). Les voix de FEMMES ne chantent pas tout le temps mais interviennent seulement sur le 2ème vers de chaque strophe : c’est la technique de l’ALTERNATIM très employée à cette époque…

UNISSON (uni = un) : même son pour tout le monde.
ALTERNATIM : Exécution alternée entre un soliste et un groupe de chanteurs (chant responsorial), ou entre deux groupes (antiphonie). Avec l’avènement de la polyphonie, le terme peut désigner l’alternance entre monodie et polyphonie (dans l’organum) puis, à partir du 15ème s., l’alternance entre le chant et l’orgue jouant en soliste à la place des voix.

Au 17è siècle… la préciosité baroque


A cette époque, le Dies Irae est souvent utilisé sous forme de MOTETS : Lully (1683), Charpentier (1670), Delalande (1690, révisé en 1711).
La réforme, entamée au siècle passé déjà, avait fait des ravages. Désormais l’église était scindée en deux. Dans les deux églises, on chantait. Et chaque chant était plus beau que l’autre.
De leur côté, les protestants aimaient interpréter la musique d’un certain Jean-Sébastien Bach. Un allemand, mais connaisseur de tous les styles européens. L’accompagnement orchestral était à présent très fourni. Des timbales et des cuivres accentuaient le rythme. Les mélodies s’enchevêtraient. On aurait dit qu’elles se couraient après. Bach appelait ça l’art de la fugue. Tout était ornementé. Ça respirait la joie, la richesse.
Des églises catholiques se construisaient plus belles plus somptueuses que les précédentes, chaque communauté voulant attirer à sa manière le fidèle. L’art pictural, architectural et musical qui en découlait était appelé « art baroque ». Des académies de musique étaient nées, tant celle-ci devenait complexe. Et dans le même temps Galilée découvrait que la Terre n’était pas au centre de l’univers. Que de découvertes, que d’émotions !

MOTET : Composition vocale religieuse écrite dans un style polyphonique qui se différencie de la messe par le choix des textes.

Le Dies Irae de Lully


Le Dies Irae de Lully est un grand motet « à deux chœurs », pour 2 sopranos, haute-contre, ténor et basse soli, grand chœur à 5 voix (soprano, haute-contre, ténor, baryton et basse), 2 parties de violoncelle, 3 parties d’alto et basse continue.

Composé probablement pour les obsèques de la reine Marie-Thérèse en 1683, édité dans ses Motets à 2 chœurs pour la chapelle du roi (Paris, Chr. Ballard, 1684 ; durée 18 min. environ).









Audition : Grand motet Dies Irae (1683) de LULLY



L’œuvre débute par une PRÉLUDE orchestral dans le caractère majestueux qu’utilise Lully pour la première partie de ses ouvertures d’opéra mais sans lien thématique apparent avec ce qui va suivre. Le texte introductif est déclamé par la basse sur une adaptation de la mélodie grégorienne correspondante, accompagnée par le tutti orchestral.
L’emploi par Lully de la véritable voix de basse, au lieu de celle de baryton, est exceptionnel en France à cette époque, la basse étant considérée comme une voix du chœur bien plus que comme une voix soliste.
Suit le plus long passage « à deux chœurs » de l’œuvre, commençant avec « Quantus tremor… » et s’achevant par « Tuba mirum ». La plupart des interjections chorales, avec leurs rythmes insistants, sont HOMOPHONIQUES.

HOMOPHONIQUE / HOMORYTHMIQUE
Musique où toutes les voix obéissent au même rythme, donc conçue comme une succession d’accords. Le terme homophonie est souvent employé improprement comme synonyme de homorythmie. En fait, homophonie signifie émission de mêmes sons à l’unisson ou à l’octave.


Le texte visionnaire du « Tuba mirum » est rendu par un tissu complexe de gammes ascendantes en double-croches sur le mot « spargens » (= jetter). C’est là un exemple des nombreux FIGURALISMES très apprécié durant la période BAROQUE.

FIGURALISME
Procédé de composition qui consiste à illustrer le texte d’une chanson par des motifs mélodiques qui évoquent le contexte : les exemples les plus faciles à entendre se trouvent dans les chants de guerre ou de chasse.

Un autre exemple de figuralisme se trouve au passage de basse solo sur les mots « Mors stupebit » où l’expression est ponctuée par des silences dramatiques et illustrant les mots de façon appropriée (motif ascendant sur « resurget » = « ressucitera »).



Lully conclue l’œuvre dans une écriture d’une beauté obsédante. L’ « Oro supplex » pour BASSE solo mène à l’un des moments les plus frappant de l’œuvre, le « Lacrymosa », la seule fois où les 5 voix du petit chœur sont utilisées sans le grand chœur. Ici comme dans ses petits motets, Lully donne libre cours à son habileté CONTRAPUNTIQUE et à une harmonie modulante (deux caractéristiques trop rarement utilisées par Lully…).

CONTRAPUNTIQUE
Respectant les règles du contrepoint (discipline essentielle de la composition dans la musique occidentale). Tandis que l’harmonie, autre discipline fondamentale, s’intéresse à l’enchaînement des accords, le contrepoint envisage la conduite de deux ou plusieurs lignes mélodiques indépendantes et simultanées à partir d’un thème donné.



LA BASSE CONTINUE OU CONTINUO
Principe d’écriture de l’époque baroque (1600-1750). Ce principe est tellement employé qu’on parle aussi d’ « époque de la basse continue ». Ce principe régit tout l’accompagnement de la musique baroque. Il comprend : la BASSE jouée par le violoncelle (appelé « viole de gambe » à cette époque) et des CHIFFRAGES pour les accords de clavecin (parfois réalisé par un autre instrument polyphonique : luth, archiluth, théorbe, chitarrone). Chaque chiffre correspond à une note (le claveciniste choisit le rythme et l’ordre des notes).
La musique baroque est donc en ce sens assez proche de l’esprit du jazz : il y a une part d’improvisation  (mais beaucoup moins que dans le jazz tout de même…) avec des accords chiffrés.

Les instruments du continuo :



En fait à partir du « Lacrymosa » on ne rencontre plus qu’un bref passage (le « Judicandus homo reus ») écrit dans l’homophonie monumentale caractéristique de l’écriture chorale de Lully.
L’œuvre est menée à une conclusion caractérisée à la fois par une puissance impressionnante et par une écriture contrapuntique d’une grande habileté et d’une grande beauté : elle commence par une symphonie de 21 mesures introduisant alternativement le TENOR et le HAUTE-CONTRE soli dans le « Pie Jesu Domine ». Les solistes sont ensuite remplacés par toutes les voix des deux chœurs amenant une CADENCE IMPARFAITE avant l’« Amen » final.



Au 18è siècle… le requiem de Mozart !


Au 18ème siècle, la musique s’améliorait, s’enrichissait de nouveaux procédés.
Pour la première fois de l’histoire de l’humanité, on avait édicté une déclaration des droits de l’homme. Dans beaucoup de régions déjà, on avait aboli l’esclavage, on venait d’inventer la démocratie. Et on commençait même à avoir une certaine tolérance à l’égard des autres communautés religieuses. La musique, elle, se notait sur cinq lignes. On utilisait essentiellement la clé de sol et la clé de fa. La notation moderne était née. Tous ces progrès de la pensée et de l’écriture vont permettre une musique encore plus proche du texte, plus expressive.
En 1791, Mozart reçoit la visite d’un mystérieux personnage qui lui commande un requiem (le commanditaire est en fait le Comte von Walsegg-Stuppach qui habite alors en basse Autriche : c’était un personnage  assez bizarre et pitoyable qui ne sortait jamais de son château éloigné).






Celui-ci restera INACHEVÉ car Mozart meurt le 05 décembre 1791. C’est son élève, Süssmayer, qui terminera la partition du requiem.
K 626 : Le « K » signifie Köchel. C’est le nom du musicologue qui a fait un catalogue des œuvres de Mozart (par ordre chronologique).



« Tuba Mirum » du Requiem (1791) de MOZART (1756-1791)




Dans cet extrait on entend un quatuor vocal : 4 voix solistes

        Les femmes : soprano & alto
        Les hommes : ténor & basse

Nous avons entendu 4 voix solistes. On parle de QUATUOR VOCAL.
Le quatuor vocal est accompagné par le TROMBONE et le QUATUOR à CORDES.




Au 19è siècle… les romantiques


Les compositeurs étaient devenus romantiques, rêveur, doux. La révolution industrielle avait changé la société. Partout des chemins de fers reliaient les villes et les villages. L’édition musicale permettait à presque tout le monde d’accéder à la musique. La musique n’était pas foncièrement différente de celle du siècle précédent sauf qu’elle était parfois beaucoup plus calme, plus rêveuse peut-être ou à l’extrême plus puissante encore et plus contrastée ! Mais elle est aussi plus audacieuse de par l’emploi de chromatismes, de modulations osées et d’accords parfois dissonants. Les timbres se voulaient proches de la nature.
C’est aussi à cette époque que commence à se développer la musicologie… On découvre la musique du Moyen-Âge et en particulier les séquences et autres tropes que l’on pensait comme étant du chant grégorien alors qu’il s’agit d’un prolongement de celui-ci…
Le Dies Irae va être utilisé par beaucoup de compositeurs romantiques même dans la musique instrumentale on va citer le thème du Dies Irae (Berlioz dans la Symphonie Fantastique, Liszt) : les musiciens avaient oublié un peu les sources de la musique religieuse et se tournaient plutôt vers les salons où la musique de danse était à la mode (avec les Valses de Chopin, Strauss…).

Le Dies Irae harmonisé par Liszt :





Le dies irae cité dans la Symphonie Fantastique de Berlioz :



Berlioz - dies irae (5ème mvt de la Symphonie... par nikkojazz

http://fr.wikipedia.org/wiki/Symphonie_fantastique



Le Requiem de Verdi


La Messa Da Requiem de Verdi est très certainement le plus théâtral, au sens noble du terme, des requiems. Par sa forme grandiose, sa durée aussi, il est l’un des rares exemples d’une interprétation « opératique » d’un texte liturgique.
Verdi entreprit donc la composition du requiem, en donnant une place très importante à la séquence du Dies Irae, en y introduisant le thème récurrent du jugement dernier.
Une fois la composition achevée, Verdi rencontra certaines difficultés pour la célébration qui devait avoir lieu à Milan : les textes de L’Introït, du Kyrie et de la séquence n’étaient pas conformes aux rites propres à l’église milanaise. D’autre part, il dut obtenir une autorisation spéciale pour que les femmes puissent chanter dans l’église (elles durent se vêtir de noir et porter le voile).
L’œuvre reçut dès les premières exécutions un accueil triomphal, et le compositeur entreprit une sorte de « tournée » en Europe (Paris, Londres, etc…).
Cependant la grande question, qui reste d’ailleurs toujours d’actualité, est de savoir si la religiosité d’une messe des morts avait été respectée.
La dualité de l’œuvre, messe des morts et opéra, était évidente, et la signification elle-même d’un requiem fut remise en cause.
Car si la partition avait été écrite pour l’anniversaire de la mort de Manzoni[1], le style et l’ampleur de la musique étaient si proches de l’opéra que tout le « respect » d’un cadre religieux prédéfini fut ébranlé.
Mais la grande particularité de ce requiem, comparé aux autres, est la rupture avec le traditionnel équilibre entre le « Requiem », prière, supplication des hommes vers Dieu, et le « Dies irae », ordre de Dieu sur les hommes. Car Verdi a clairement mis en valeur l’élément du jugement dernier, donnant l’impression d’un combat terrible entre l’homme et la mort, bien plus qu’un souhait de repos et de calme face à celle-ci.
Aujourd’hui, le requiem de Verdi souffre souvent de mauvaises interprétations musicales, qui ne laissent transparaître que l’aspect violent et grandiose de l’oeuvre, en effaçant ainsi toutes les subtilités, les atmosphères et climats différents de cette musique.
Mais c’est bien par ce contraste si « brutal » entre tranquillité du repos et violence du jugement dernier que ce requiem se distingue des autres. Il a parfois même été considéré comme « le plus bel opéra de Verdi ». Chargé de peur et de terreur, Verdi a su marquer l’histoire de la musique par une œuvre certes controversée mais aussi magnifiquement embellie par le lyrisme de l’opéra inséré si subtilement dans une messe des morts.

[1] Poète et écrivain Manzoni, mort le 22 mai 1873, il tenait une place très importante dans l’estime de Verdi, et sa perte fut un événement douloureux pour le compositeur.

Vidéo du Requiem de VERDI



Le Requiem de Dvorak


La raison qui poussa Dvorak à entreprendre la composition d’un requiem reste aujourd’hui encore très floue. Néanmoins, il est certain que les responsables du festival de Birmingham en Grande-Bretagne ont tout de suite négocié avec le compositeur l’exécution de cette œuvre.

Avec le Stabat Mater, le requiem fait partie des œuvres chorales les moins méconnues du compositeur. Car aujourd’hui sa musique est souvent éclipsée par la symphonie du nouveau monde qui ne laisse voir q u’une partie du talent de Dvorak.
La caractéristique de son requiem est l’absence quasi totale de la douleur dans la musique, ce qui montre bien que le compositeur n’était en proie à aucune souffrance à l’époque de la composition.
Pour ce qui est de la douleur, il faudrait se référer au Stabat Mater qu’il écrivit alors qu’il venait de perdre coup sur coup sa fille et son fils. Le requiem est en effet dans la même lignée que cette œuvre, destinée bien plus au concert qu’à la liturgie.
Mais on est en droit de se demander si le requiem n’est pas en quelque sorte la suite du Stabat Mater.
Il serait alors une sorte d’accomplissement, un point final au deuil de ses deux enfants tragiquement disparus. À l’arrivée, cela a donné une pièce dans laquelle l’intensité tragique, et la dramaturgie est magnifiquement exprimée par une orchestration subtilement arrangée. On y reconnaît le style « tchèque » de la musique, comme chez Smetana ou Janacek.
Le requiem reçut d’ailleurs à sa création un immense succès. Même s’il est difficile d’entrer dans les pensées profondes du compositeur, certains éléments récurrents permettent de structurer l’oeuvre, comme celui qui apparaît dans le premier et le dernier mouvement.


Le requiem se termine sur ce motif inquiétant et sombre, laissant l’auditeur suspendu dans un climat d’angoisse qui permet de dire que le compositeur n’était peut-être pas entièrement réconcilié avec la mort.


Le requiem d’Alfred Bruneau


Le requiem d’Alfred Bruneau date de 1896.

Analyse du début de l’extrait (jusqu’au Tuba mirum) :

On y trouve un choeur et un orchestre assez imposants. Il s’agit plus d’une peinture sonore riche en couleurs en jouant sur les contrastes, la démesure. Contraste des nuances tout d’abord en passant ff à pp parfois brutalement parfois progressivement (crescendo / decrescendo). Contrastes entre des passages orchestraux et des passages “choraux”. On remarque que le choeur (mixte) chante le début du Dies Irae (première strophe) sur une même note à l’unisson : “l’effet psalmodique” est immédiat (c’est un premier clin d’oeil à la musique médiévale mais ce n’est pas le seul). Un motif mélodique de 4 notes “enroulé” sur lui-même (et chromatique) va donner une unité à ce début d’extrait... On l’entend dès le début par les cordes soutenu par de lourds accords aux cuivres en nuance ff. L’effet est très “théâtrale” (comme chez Verdi)... et très chargé symboliquement (motif de la mort ?).
L’extrait se poursuit par un passage choral calme nuance pp, dans un style très médiéval (intervalles de 5te parallèles) avec quelques résurgences du motif de 4 notes du début... avant d’enchaîner sur une citation : celle de la mélodie originale du Dies Irae jouée à la trompette (avec sourdine ?, le son n’est pas agressif) doublée par la harpe et ponctuée de crescendos d’orchestre. C’est cette trompette qui annonce le tuba mirum...
Finalement cet extrait se situe plutôt dans une perspective romantique par l’utilisation des contrastes de nuances, les cuivres en masse, la recherche d’un “climat sonore” (esprit médiéval par moment / moments de tensions-détentes), de recherches de couleurs orchestrales inédites (association harpe-trompette)... ce qui laisse penser au style romantique et annonce la période moderne.

Le requiem de Bruckner






Le requiem de Charles Gounod


Écrit juste avant sa mort, le requiem de Gounod est une superbe oeuvre sacrée avec des thèmes doux et mélodieux.


Analyse du début de l’extrait (jusqu’au Tuba mirum) :

Cet extrait est caractérisé par un tempo modéré. C’est une oeuvre pour orchestre (beaucoup de cordes et un orgue) et choeur mixte. C’est une musique sacrée car le texte, chanté en latin, correspond aux paroles du Dies Irae. Le caractère de l’extrait est pesant, lourd, “processionnel” et très marqué rythmiquement (les temps sont accentués par une basse régulière aux cordes graves de l’orchestre : contrebasses) ce qui donne l’impression d’une marche funèbre... marche qui est annoncée par une descente mélodique vers les graves des violons en guise d’introduction (un peu comme pour nous emmener vers la mort, symbolisée par le grave). L’aspect funèbre est encore renforcé par le choeur qui fonctionne sur le principe d’alternance (qui n’est pas sans rappeler la technique de l’alternatim fort appréciée à l’époque médiévale dans les chants grégoriens et plus tard dans les polyphonies vocales) : d’abord choeur d’homme (basse / ténor) puis choeur de femme (alto / soprano) qui reprennent la mélodie des hommes en imitation mais transposé... puis les deux choeurs s’unissent dans une polyphonie (sur les paroles teste david cum sibylla). La façon dont le texte est chanté est aussi incantatoire, rituelle, envoûtante.
Le climat change ensuite pour laisser place à un passage beaucoup plus “tendu”, “incertain” (sur les paroles quantus tremor...= quelle terreur...) avec toujours ce principe d’alternance des choeurs mais inversé (les femmes débutent). L’atmosphère “tendue” est rendue ici par les mouvements mélodiques chromatiques descendants des choeurs et une harmonie incertaine qui aboutissent sur l’arrivée de l’orgue seul avec un registre de trompette aux claviers annonçant le “tuba mirum”.
Le volume donne aussi toute l’expression à cet extrait avec palette très riche de nuances avec des ménagements en crescendos ou decrescendos sans toute fois donner des contrastes violent.
La conception de cette oeuvre semble assez “classique” mais la présence de l’orgue dans l’orchestre, la masse chorale, l’harmonie tendue et les chromatismes font que cette oeuvre est une oeuvre romantique.

La musique religieuse de Charles Gounod


Au 20è siècle… la révolution du monde sonore


Il est vrai que le 20ème siècle avait certainement été le plus violent de toute l’histoire de l’humanité. La musique et ses lois furent bouleversées : elle était nouvelle.

Le requiem de Britten : « The war requiem »


Créée pour l'inauguration d'une cathédrale détruite pendant la Seconde Guerre mondiale, cette oeuvre émouvante se devait de faire le point sur toutes les guerres, particulièrement sur celle qui fut surnommée la “der des der”, mais qui ne fut que l'amorce de la Seconde. Ainsi, l'idée de génie qu'a eue Britten est d'avoir associé à la liturgie chrétienne traditionnelle (la Missa pro defunctis avec son terrible Dies Irae) les poèmes de Wilfred Owen écrits lors de la Première Guerre.
Wilfred Owen est un poète peu connu et peu traduit en France. Pourtant c'est un poète reconnu en Angleterre. Homosexuel, et en cela Britten s'en est certainement senti proche, Wilfred Owen décide de servir son pays durant la Première Guerre Mondiale. Bien qu'ayant accompli tous ses devoirs, et cela jusqu'à mourir pour son pays quelques jours avant l'Armistice, il écrit durant la guerre un cycle de poèmes extrêmement amers, d'une tristesse rare, pour tous les morts, to the boys of Flanders, dont la préface est une leçon de style pour tous les élèves anglais : My subject is War, and the pity of War. The Poetry is in the pity... Jusqu'à récemment encore, un autre poète, Paul Monette, mort du Sida, s'en est inspiré dans la préface de son dernier recueil.
Ce requiem, à l'instar du Requiem allemand de Brahms, est un texte avec intention créé et mis en forme par son compositeur, avec la même intensité dramatique et la même beauté. Et tout d'abord, la solennité de la liturgie traditionnelle latine qui atteint le sommet de compassion et de supplication dans le Recordare chanté par le choeur d'enfants, anges de consolation s'il en est, et le Lacrymosa chanté par la soprane ; le drame, lui, est créé par la juxtaposition quasi concordante des sections de la messe et des poèmes d'Owen. Cette concordance de principe cache un terrible désarroi de l'Homme face à l'absence d'intervention divine ; elle atteint aussi un sommet lors du Quam olim Abrahae, quand Dieu accordait son alliance à Abraham, et le poème d'Owen : So Abram Rose qui évoque cette alliance perdue qui aboutit, non au sacrifice d'Isaac, mais à celui de milliers de vies. L'émotion est maintenue jusqu'à la fin, lorsque le ténor, censé représenter le soldat anglais, et le baryton, censé représenter le soldat allemand, mourront côte à côte. Oh ! le merveilleux accent allemand de Dietrich Fischer-Dieskau choisi pour la création, et la douceur de Peter Pears dans le murmure du Dona nobis pacem !


à retenir :
Rôle important des cuivres et percussions
Beaucoup de contrastes (nuances).



Le requiem de Duruflé


La musique est entièrement fondée sur des mélodies originelle de plain-chant.



Le requiem de Penderecki


Dies Irae (1967) : oratorio à la mémoire des victimes d’Auschwitz de Penderecki.

Krzysztof Penderecki - Polnisches requiem - Dies irae, dies illa