La musique médiévale



Le chant grégorien (ou plain-chant*)


Le chant grégorien est à la fois un immense répertoire de musique vocale sacrée et un fait historique considérable qui a profondément marqué la musique occidentale pour plus d'un millénaire.
A l'origine, les liturgies des différentes églises sont très diversifiées et inégalement réparties. Parmi les premiers répertoires connus, il faut citer :
— le répertoire milanais, appelé aussi "chant ambrosien" (St Ambroise fut évêque de Milan au IVè siècle)
— le répertoire hispanique ou "chant mozarabe" (Séville, Tolède)
— le répertoire gallican ou "chant des Gaules"
— le chant romain.

L'unification progressive des liturgies, et par suite, des musiques liturgiques, découle de la volonté politique des Carolingiens d'une part, de celle de la papauté d'autre part. Le chant romain se répand dans le royaume franc. De nombreuses écoles de chant sont fondées ; parmi les plus célèbres, celle de Metz (France) et de Saint-Gall (Suisse) et ultérieurement, celle de l'abbaye Saint-Martial de Limoges.
Ce type de chant, monodique, qu'on appellera bien plus tard "chant grégorien" en référence à la légende et aux travaux du pape Grégoire Le Grand (540-604), se développera au cours des siècles suivants dans toute l'Europe occidentale.


NB : Plain-chant (cantus planus) : Terme utilisé par Jérôme de Moravie (vers 1250) pour désigner le chant grégorien.


D'autres musiques ont probablement existé parallèlement au chant grégorien, mais l'insuffisance des traces écrites conservées en rend l'étude difficile, car trop hypothétique en l'état actuel des connaissances.


Chant grégorien : abbayes européennes célèbres au Moyen-Age



Plutôt syllabique, au départ (= une seule note par syllabe), le chant grégorien va s'orner de plus en plus (plusieurs notes par syllabe) : il sera plus difficile à mémoriser.
Vers 850, un moine de Jumièges (abbaye de Normandie) met des paroles syllabiques sur les vocalises de l'Alléluia, pour mieux les retenir.
Ce moine, fuyant l'invasion normande, arrive à l'abbaye de St-Gall en Suisse et fait part de son initiative.
Notker, moine de cette abbaye (+ 912), s'enthousiasme pour ce procédé.
Ainsi vont naître et se développer les "TROPES" qui donneront naissance à la poésie lyrique des Troubadours aquitains, au Drame liturgique, puis aux Mystères et aux Miracles (donc au théâtre).


Exemples d'écritures :



Évolution de la musique d'église et du théâtre religieux :






Naissance et apogée de la polyphonie

Progressivement, presqu'instinctivement, le chant monodique (chant grégorien) va s'assortir d'une voix supplémentaire et cette première pratique polyphonique attestée dès le IXè siècle portera le nom d'ORGANUM (du grec : instrument, orgue...).

L'époque de Notre-Dame (~ 1160-1240) marquera sous l'influence de Léonin et surtout de Pérotin le passage de cette polyphonie à 2 voix aux organa à 3 ou 4 voix (tenor, duplum, triplum, quadruplum).

La période de l'Ars Antiqua (1210-1310) verra s'imposer le MOTET (qui supplantera peu à peu le CONDUIT) et le RONDEAU (avec Adam de la Halle en particulier). Ces nouvelles formes se libèrent peu à peu de l'emprise de l'inspiration uniquement religieuse.

L'adjonction d'un texte ainsi que les nécessités du rythme mesuré conduisent à la notion d'écriture mesurable. L'Ars Nova (1320-1377), du nom du traité de Philippe de Vitry dans lequel il définit les principes de ce "nouvel art" apportera de grandes innovations et améliorations dans les domaines du système mesuré et dans ceux de la chanson polyphonique et du motet (Guillaume de Machaut en sera le représentant le plus éminent). On peut probablement dater de cette époque les premières notions d'harmonie et le fait que les instruments se détachent maintenant de la voix pour devenir presque autonomes.

L'Ars Subtilior (1377-1417) apportera les preuves d'une culture musicale complexe et raffinée.

A partir de 1430, l'école franco-flamande portera, avec G. Dufay et Ockeghem la polyphonie à son apogée ; Josquin des Prés et Roland de Lassus poursuivront dans la même voie jusqu'à la Renaissance qui ouvrira sur une notion d'écriture claire et lumineuse.

Le 15ème siècle est l'apogée de l'Art d'enjolivement :
— en architecture : le flamboyant
— en musique : ornementation et souplesse



LES CHEMINS DE SAINT-JACQUES-DE-COMPOSTELLE

A partir du 11è siècle, et dans l'élan de la "Reconquista", le pèlerinage de St-Jacques-de-Compostelle attire toute l'Europe occidentale.

Quatre itinéraires principaux, bien pourvus en gîtes d'accueil, se rejoignent à Roncevaux.

La Réforme protestante, au 16è siècle, provoquera le déclin de ce pèlerinage.

Durant 500 années environ, les chrétiens venant de toutes les contrées d'Europe vont échanger et propager les thèmes folkloriques de diverses régions ainsi que les oeuvres musicales religieuses et profanes de leur patrimoine.

D'autres pèlerinages, comme celui de Montserrat, ont aussi des incidences musicales et artistiques.







Musique profane

Cependant, parallèlement à l'évolution de la polyphonie, la monodie a trouvé, dans le domaine profane, un prolongement très fécond à travers les chansons véhiculées par les poètes musiciens que sont :

— Les TROUBADOURS qui apparaissent dans le sud de la France dès la seconde moitié du XIè siècle (en occitan, trobar = trouver). On peut recenser aujourd'hui plus de 400 noms parmi lesquels on peut citer : Guillaume IX (+ 1127) duc d'Aquitaine et comte de Poitiers ; Jaufré Rudel (+ 1150) ; Bernart (ou Bernard) de Ventadour (+ 1195) ; Raimbaut de Vaqueiras (+ 1207) ; Guiraut Riquier (+ 1298).

— Les TROUVERES qui sillonnent le nord de la Loire (où l'on parle la langue d'Oïl) un siècle plus tard. Nous en connaissons plus de 600 qui ont laissé 2000 mélodies et 4000 poèmes (au moins... ). Parmi les plus célèbres, on peut citer : Chrétien de Troyes (+ 1180) ; Richard Coeur de Lion (+ 1199) ; Conon de Béthune (+ 1219) ; Colin Muset (+ 1250) ; Thibaud de Champagne (+ 1258).
— Les MINNESANGER en Allemagne, à partir de 1150 et jusqu'au début du 14è siècle. Leur poésie, de style aristocratique, s'exprime en Moyen Haut Allemand, comme celle des Goliards.

— Les MEISTERSINGER leur succèdent à partir du 14è siècle. Ce sont des artisans qui organisent des Ecoles de chant en Allemagne, Autriche, Alsace, Bohème. Le plus célèbre d'entre eux est Hans SACHS (1494-1576), cordonnier de Nuremberg. Richard Wagner le fait revivre dans son opéra "Les Maîtres chanteurs de Nuremberg" (1868).




Dotés d'une solide culture acquise dans les abbayes, les troubadours et les trouvères qui appartiennent généralement aux classes aisées ou nobles confient progressivement leurs chansons et poèmes aux jongleurs et ménestrels qui les colportent aux "quatre coins" du pays. Ces chansons, souvent d'inspiration lyrique chez les troubadours ("chanson courtoise"), guerrière chez les trouvères (thèmes des chevaliers partis pour les croisades...), étaient aussi associées aux épisodes et événements de la vie de tous les jours (danses pour les fêtes, célébration de mariages, de funérailles, des corporations, des travaux des champs, de la gloire de Dieu... ).

Le développement de cette musique profane allait atteindre son apogée vers 1200 et se propager en Italie, Espagne jusqu'en Hongrie avant de décroître à la fin du XIIIè. Ce déclin coïncidait avec celui de la chevalerie mais également avec l'essor de la polyphonie.


Musiciens de l’Europe médiévale et renaissante




La danse

Au Moyen-âge, il existe des danses qui sont des estampies (les plus anciennes sont du 13ème siècle). La musique instrumentale est minime par rapport à la musique vocale au moyen-âge… et elle est souvent liée à la danse.

L’art instrumental apparaît très différent de l’art vocal : plus simple, fondé sur la répétition de formules mélodiques. On note l’utilisation des modes rythmiques. L’invention est assez limitée. Il y a une nette tendance à la carrure. Et le mode majeur est très fréquent.