Machuel - Amal waqti


Amal waqti, n°5 (2'10'')
La voix humaine pour dépasser les conflits



— C’est un ensemble de 5 pièces pour voix de baryton et cornet à bouquin. Thierry MACHUEL en a fait ensuite une version pour mezzo-soprano et cornet à bouquin. C’est celle-ci qui est au programme du bac...


— Les poèmes ont été écrits par Mahmoud DARWICH 

Mahmoud DARWICH

Né le 13 mars 1941 à Al-Birwah en Galilée (Palestine sous mandat britannique) et mort le 9 août 2008 à Houston (Texas, États-Unis), il est une des figures de proue de la poésie palestinienne.
Profondément engagé dans la lutte de son peuple, il ne cesse pour autant jamais d'espérer la paix et sa renommée dépasse largement les frontières de son pays. Il est le président de l'Union des écrivains palestiniens. Il publie plus de vingt volumes de poésie, sept livres en prose et est rédacteur de plusieurs publications, comme Al-jadid - (الجديـــد - Le nouveau), Al-fajr (الفجــر - L'aube), Shu'un filistiniyya (فلســــــــطينية شؤون - Affaires palestiniennes) et Al-Karmel Il est reconnu internationalement pour sa poésie qui se concentre sur sa . ) الكرمــل( nostalgie de la patrie perdue. Ses œuvres lui valent de multiples récompenses et il est publié dans au moins vingt-deux langues.
Il est connu pour son engagement au sein de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). Élu membre du comité exécutif de l'OLP en 1987, il quitte l'organisation en 1993 pour protester contre les accords d'Oslo. Après plus de trente ans de vie en exil, il peut rentrer sous conditions en Palestine, où il s'installe à Ramallah.


Commentaire du compositeur : 
« Je connaissais depuis longtemps la poésie de Mahmoud Darwich (Murale notamment) lorsque je suis tombé sur l’anthologie publiée par Actes Sud, qui regroupe un certain nombre de recueils dont Etat de siège. Ce recueil m’a tout de suite interpellé, à la manière d’une injonction : il fallait que je m’y attelle ! Le choix des poèmes, en revanche, fut plus difficile, tant ils sont forts chacun à sa manière. » 


— Les 5 poèmes choisis par le compositeur sont extraits du recueil « Etat de siège » publiés par le poète en 2004. Ils ont été transcrits par Roula SAFAR.


Commentaire du compositeur :

« Comme l’écrit Farouk Mardam-Bey dans le texte d’introduction à l’anthologie, ce recueil « cherche à capter en une centaine de fragments des choses vues ou entendues à Ramallah en 2002, lors de l’offensive de l’armée israëlienne contre le territoire palestinien autonome ». Cela explique l’aspect photographique de ces courts poèmes, tout comme l’impact qu’ils provoquent sur le lecteur. On pense aux Cahiers de Voronej de Mandelstam, aux Poèmes de la bombe atomique de Toge Sankichi... Peu de mots, et une vérité, tranchante comme une lame effilée, affrontant l’indicible. J’ai donc choisi ces textes en formant, là encore, un parcours plus intérieur que narratif. »


 Amal Waqti a été créé par Marcel PERES (baryton) et Jean TUBERY (cornet à bouquin) le 27 septembre 2010 au festival « Ombres et Lumières » de Clairvaux.


Analyse du n°5




— C’est la dernière pièce du recueil 

Commentaire du compositeur : « Le final exprime la liberté intérieure enfin reconquise, la possibilité de ressentir hors de la haine et des contraintes de l’occupation politique : les sens nous rapportent toujours des échos du monde, le goût du café, le chant des oiseaux, les arbres, les nuages et surtout la lumière du soleil qui se lève. »

— Texte transcrit en français : 
Nos tasses de café.
Les oiseaux.
Les arbres verts
Aux ombrages bleus et le soleil qui saute d’un Mur à l’autre telle la gazelle..

L’eau des nuages aux formes infinies
Dans ce qui nous reste de ciel,
Et d’autres choses encore
Dont le souvenir est remis à plus tard, Montrent que ce matin est fort, resplendissant, Et que nous sommes les hôtes de l’éternité.



— Effectif : ce poème est chanté en langue palestinienne par une voix de mezzo-soprano accompagnée par un cornet à bouquin. C'est un duo : les deux partenaires sont traités à égalité, il n'y en a pas un qui fait la mélodie et l'autre qui accompagne. Les timbres sont très proches. La couleur vocale de la femme est très proche de celle du cornet.


Commentaire du compositeur :« ce Duetto pour baryton et cornet à Bouquin a été enregistré avec la mezzo-soprano Roula Safar, la partie vocale étant donc transposée le plus souvent à l’octave supérieure. Les rapports harmoniques en ont certes été changés par moments, mais nous avons conservé les tensions et le travail du timbre autant que possible, celui de la chanteuse étant parfois très proche du cornet.


Le cornet à bouquin (tiré de wikipédia)

Le cornet à bouquin est un instrument de musique à vent de la famille des cuivres. Certains hasardent à faire remonter ses origines à l'olifant, taillé dans une défense d'éléphant, ou au shophar, taillé dans une corne de bouc. Le cornet à bouquin est un instrument généralement en bois qui se joue grâce à une embouchure (corne, en ivoire ou en bois), ce qui le classe dans la famille des cuivres. L'étymologie pour bouquin de l'italien bocca (bouche) pour embouchure est souvent invoquée. Le cornet à bouquin est fabriqué à partir de deux planches creusées à la gouge puis collées, suivant une forme conique et courbe, le tout recouvert de parchemin ou de cuir, et percé de sept trous, six devant, un derrière. Le cornet muet est un cornet dont l'embouchure est taillée directement dans la masse du cornet (comme pour le shophar); il est fabriqué en une seule pièce droite et n'est pas recouvert de cuir ni de parchemin. Cette méthode de facture est aussi parfois utilisée pour certains cornets à bouquin. Il a été très utilisé entre la fin du XVIème siècle et le milieu du XVIIème siècle, principalement en Italie du Nord et en Allemagne.


3 vidéos intéressantes sur le cornet à bouquin :





— Structure : Intro / A / B / A’
Toutes les phrases ont des carrures de 4 mesures.

Longue introduction au cornet à bouquin de 15 mesures qui fait entendre deux phrases de 8 mesures. La 1ère a sera ensuite reprise par la voix :
a :


.../ ... b :


L’introduction nous met d’emblée dans le caractère de la pièce, qui est pleine d’allégresse (appoggiatures, rythmes sautillants, trilles...), tempo rapide (mesure à 2/2).
2 phrases de 8 mesures a puis b (début = a transposée à la 5te)



- A (mes. 17 à 24) : Entrée de la voix qui reprend la 1ère phrase (a) du cornet tandis que celui-ci reprend sa 2ème phrase (b) à l’octave inférieure = imitations entre les 2.



- B (mes. 25 à 39) : la musique est différente. L’instrument et la voix s’entrelacent joyeusement. On perd un peu la notion de pulsation (= sentiment d'improvisation, de liberté, on se "dégage de la notion du temps" écrit le compositeur)

>> On note des petites imitations entre les deux (mes. 31; mes.34) :


>> Sur la fin (mes. 37 à 40, on a une forte impression d'improvisation au cornet alors que tout est écrit = sentiment de liberté.



- A’ (mes. 40 à 47) : on retrouve le matériau thématique du début La phrase a au chant accompagnée par une phrase proche de b au cornet à bouquin


Commentaire du compositeur :« La partie de cornet, mélodie très simple écrite d’un seul jet et la voix qui s’en fait l’écho se répondent sans cesse, en un jeu serré d’imitations et d’ornementations, un dialogue dégagé des contingences du temps, souverainement insouciant. »



— Figuralismes :
On note quelques exemples de figuralismes :
- mes. 19 : trille sur "oiseaux"
- mes. 28 : appoggiature sur "gazelle"
- mes. 34/35 : mélodie ascendante sur "ciel"
- mes. 43 : long trille sur "resplendissant"
- mes. 46 et 47 : voix tourne autour du la (= 1er degré) puis la note est tenue sur le mot "éternité"


— Modalité : utilisation du mode de ré sur la. 
C’est un mode beaucoup utilisé dans la musique bretonne, nous dit le compositeur : « Le mode utilisé est simple, il rappelle les chants traditionnels bretons, et contraste ainsi avec la langue, qui porte la chanteuse vers une interprétation orientalisante. »




Donc, cette pièce est une rencontre culturelle entre l'orient et l'occident : 
— orient : langue arabe / perte progressive de la notion de pulsation

— occident : cornet à bouquin / utilisation d'un mode utilisé dans la musique bretonne / voix chantant de façon lyrique (ce n'est jamais le cas dans les musiques arabes)