Les vièles à travers le monde





Cordes frottées tendues entre une caisse et un manche droit situé dans le même plan. Cordes parallèles.

On parle souvent de « violon primitif » pour désigner un instrument à cordes frottées dont l'évolution ultime, au niveau de sa fabrication comme à celui de la musique produite ou écrite pour cet instrument, serait le violon occidental.
A ce terme souvent péjoratif, l'organologie préfère celui, plus exact, de vièle, « instrument à manche et à cordes frottées ».
S'il est vrai qu'un « Stradivarius » ou un « Guarneri » n'a pas encore livré tous ses secrets, et que les pages composées pour cet instrument ont exploité toutes ses ressources, le violon n'est somme toute qu'un des instruments, élaboré certes, parmi beaucoup d'autres de la famille des cordophones.
Un survol assez général des musiques du monde démontre l'extraordinaire inventivité et la richesse que les hommes et les cultures ont développées autour de ces instruments.


C'est dans les pays d'influence islamique qu'ils se sont épanouis, avec des extensions jusqu'en Indonésie et en Extrême-Orient.




On distingue deux grandes formes :
• Les instruments à long manche et à pointe.
• Les instruments à manche court.










LES VIÈLES ARABES


Le Kamandjeh iranien est le prototype des vièles arabes. Muni d'une pique, il est tenu verticalement, la pique posée sur le genou du musicien. C'est l'instrument qui pivote autour de l'archet. Le kamandjeh est très présent dans la musique savante persane mais sera remplacé, au XIXème siècle, par le violon occidental quelque peu modifié et auquel il donnera son nom.

Le Rabab (ou Rebab) arabe, monocorde ou pluricordes, s'utilise dans les musiques populaires au Maghreb, les musiques savantes au Moyen-Orient, les musiques de théâtre en Malaisie. Il en existe de nombreuses variantes organologiques.

Le Kemençe turc , appelé aussi « Violon caucasien » accompagne les danses populaires de l'Anatolie et de la côte Est de la mer Noire.








LES VIÈLES ASIATIQUES

L'Esraj est une petite vièle encore utilisée dans la musique classique indienne. C'est l'instrument favori des femmes pour accompagner leurs chants. Dotée de frettes mobiles, c'est une sorte d'hybride entre le Sarangi et le Sitar.


Le Sarangi indien accompagne le chant, dans la musique classique de l'Inde du Nord. Mais considéré comme moins noble que d'autres instruments indiens, on le rencontre très souvent dans les musiques de danse et le répertoire de théâtre. De plus, il est joué par des musiciens de confession musulmane. Il possède 3 ou 4 grosses cordes mélodiques et de 13 à 35 cordes sympathiques. Sa très belle sonorité le fait souvent comparer à la voix humaine.

La Morin-Khuur est l'instrument emblématique de la Mongolie et des régions avoisinantes. Connue sous le nom de « Vièle à tête de cheval », elle symbolise le rapport qu'entretiennent les mongols avec la nature.



Le Rhabob birman dérive du rebab arabe dans sa forme, mais les matériaux qui le constituent sont beaucoup plus raffinés : velours, ivoire, or, argent. Il sert à l'accompagnement du théâtre chanté « Ma'Yong ».



LES VIÈLES DE L'EXTREME-ORIENT

La vièle Eur-Kou est l'un des instruments les plus populaires en Chine. Elle est souvent d'ailleurs appelée « violon  chinois ». Elle est constituée d'une petite caisse de résonance et d'un long manche. Elle comporte 2 cordes, généralement de soie.
Le musicien joue assis en tenant l'instrument sur ses genoux, et l'archet est passé entre les deux cordes, qui sont ainsi frottées simultanément. La sonorité est assez grave, avec des effets caractéristiques de vibrato et de glissandi provoqués par le jeu de la main gauche.


La Kokyo japonaise dérive du Eur-kou chinois. Elle est souvent associée au shamisen (luth) et au koto (cithare). Elle est utilisée par les musiciens populaires ainsi que dans les scènes de Kabuki.

On trouve au Viet-Nam la vièle Dan Co, employée dans l'orchestre de théâtre traditionnel, les orchestres de cour et la musique de divertissement.



LES VIÈLES AFRICAINES

Souvent monocordes, elles se retrouvent de la zone équatoriale jusqu'en Afrique du Sud. Malgré leur facture rudimentaire, les vièles africaines offrent des possibilités sonores insoupçonnées : utilisation des harmoniques, jeu sur le chevalet.
Elles sont jouées en soliste la plupart du temps, par des femmes, et ne figurent que dans la musique de divertissement.
La caisse de résonance peut-être une demi calebasse sur laquelle sera tendue une peau (vièle Riti sénégalaise, Inzad nigérienne, Kakou camerounaise.)
En Ethiopie et régions avoisinantes de l'Afrique de l'Est, la vièle Masenqo a une caisse de résonance en forme de losange.



LES VIÈLES EN AMERIQUE

Elles sont peu répandues. Certains instruments primitifs ont des caractéristiques qui les rapprochent plutôt de la famille des cithares.
Par contre le violon occidental, ou dans sa forme plus ancienne du rebec, a été introduit sur le continent par les colonisateurs portugais, espagnols et plus tard anglo-saxons. Il s'est implanté dans les différentes cultures devenues métisses et l'on retrouve aujourd'hui encore sa place ou sa trace dans les musiques populaires mexicaines, antillaises et caribéennes, brésiliennes, vénézuélienne, etc.




LES VIÈLES EN EUROPE

On va trouver sur le vieux continent divers avatars de la vièle. Les nombreuses recherches des luthiers vont donner naissance à des instruments dont l'évolution sera très différente selon qu'ils seront adoptés ou non par la culture savante dominante. Ainsi du violon et dérivés (alto), violes, etc.
D'autres instruments verront leur parcours stoppé ou modifié par les cultures populaires qui adapteront, transformeront, accommoderont ces « outils » à leurs besoins.

Ainsi la Hardingfele norvégienne, violon auquel on a ajouté 4 cordes vibrant par sympathie et qui permet d'obtenir la résonance et la durée sonore caractéristiques des musiques scandinaves. Cet instrument est également remarquable par la marqueterie qui orne la touche et le cordier.

Le Rebec du Moyen Age, avec sa caisse de résonance piriforme et bombée, sera adopté et quelque peu modifié par les différentes cultures balkaniques : Lyra et Liraki grecques, Gadulka bulgare, Gusla serbe etc.


DEUX HYBRIDES PARTICULIERS : LA NYCKELHARPA ET LA VIELLE A ROUE

La Nyckelharpa est un instrument suédois qui combine un archet manié par la main droite du musicien tandis que la main gauche actionne un « clavier » complexe de mécaniques de bois qui, en appuyant sur les cordes, vont produire les notes de la mélodie.



La Vielle à roue était connue au Moyen Age sous le nom d'Organistrum. Sa taille imposante nécessitait 2 musiciens pour la faire sonner. Instrument de musique savante, il connut une réduction de proportions et passa au domaine populaire vers le XVIème siècle sous le nom de Chifonie. Après une réapparition dans la musique savante au XVIIIème siècle, la vielle à roue retourna au peuple et fit partie de l'instrumentarium provincial français (Bretagne, Normandie, Landes gasconnes, Alpes, Bresse et surtout le Centre-France).




C'est à Jenzat dans l'Allier que la facture de la vielle a trouvé son centre de production. Cailhe-Decante, Nigoud, Pimpard, la dynastie Pajot, ont fabriqué des instruments mythiques toujours très recherchés des musiciens et collectionneurs.

Sur une caisse de résonance bombée comme un luth, ou parfois plate et cintrée à l'image d'une guitare, est ajouté un clavier muni de touches pour jouer la mélodie. L'archet, quant à lui, est remplacé par une roue à moitié encastrée dans le corps de l'instrument, et actionnée par une manivelle. Les différentes cordes ainsi frottées par la roue produisent un bourdon continu, qui peut être rythmé par les subtilités du jeu de la manivelle.

En plus du territoire français, on trouve des vielles à roue dans certains pays d'Europe centrale : Relia Ukrainienne, Lira biélorusse, Ninera morave, Forgolant hongroise.

Enfin, sous sa forme organologique classique, le violon s'est intégré à de très nombreux répertoires populaires et savants extra-occidentaux (Inde, musique classique arabo-andalouse).

Le « Violoneux », terme péjoratif accolé au musicien qui n'entrait pas dans les canons de la culture dominante, retrouve aujourd'hui l'image du maillon incontournable dans la conservation, la transmission et l'évolution de la musique.

Compagnon fidèle de toutes les misères, de toutes les infortunes, de toutes les migrations volontaires ou contraintes, des joies et des bonheurs, le violon, du violoneux comme celui du concertiste, continue de provoquer une émotion magique toujours renouvelée.