Le Buxheimer Orgelbuch


Ce manuscrit est conservé à la Bayerische Staatsbibliothek de Munich sous la côte Cim 352b (olim Mus. 3725).

Il comporte 5 folios non numérotés (en chiffres romains) et 169 folios numérotés (en chiffres arabes).

Le fac-similé se trouve dans Documenta Musicologica (2ème série : Handschriften-Faksimiles) publié par l’International Geselschaft für Musikwissenschaft (= Association Internationale des Bibliothèques Musicales), Kassel und Bassel : Bärenreiter Verlag (= BV), 1955.

La transcription par Antonio Walner dans « Das Erbe Deutscher Musik », vol. 37 à 39, Kassel : BV, 1958.


Le manuscrit comporte 256 numéros (des pièces ont été copiées en double) Le format du manuscrit est « in quarto mele » tel qu’on en trouve de la fin du 14ème siècle à la fin du 15ème siècle. En France, ce type de livre est remplacé par les grands livres de chœurs « in folio » que l’on met dans les cathédrales sur des lutrins…

La période du 14ème et du 15ème siècle correspond à un développement intense et à un renouveau de la musique religieuse : c’est l’époque de la messe unitaire. Le répertoire liturgique se développe donc beaucoup.

Ce type de manuscrit comme le Buxheimer Orgelbuch se maintient dans les régions excentrées de l’Allemagne (dans les marches [territoire frontière d’un état] de Brandebourg).


1°) Historique :

Copié vers 1465-70 en vieille tablature allemande, il a été acquit par le couvent de Buxheim puis il fut donné en 1885 à la Bayerische Staatsbibliothek de Munich.

On ignore s’il a été rédigé dans ce couvent ou pas… Cependant ne pense pas qu’il pu être rédigé dans ce couvent dont la vie y était très acétique, très dépouillée (donc on ne se livrait pas à la musique instrumentale). En plus des pièces religieuses, ce manuscrit contient des pièces profanes aussi. On y trouve certaines pièces attribuées à l’organiste aveugle Konrad Paumann (1415-1473).

D’après son contenu, il s’agit de chansons françaises et italiennes, des chansons anglaises, des lieder (c’est à dire des chansons germaniques). On peut donc penser que ce manuscrit a été composé dans un lieu riche d’échanges culturels (peut-être à la cour des Wittelsbach à Munich : il se trouve en plus que Paumann était l’organiste attaché à cette cour).


2°) Les genres :

40 pièces liturgiques (kyrie, gloria) sur le modèle du codex Faenza mais à 3 voix. Donc des pièces qui doivent servire à l’alternatim. Il y a aussi un salve regina et un pange lingua.

16 préludes qui sont des pièces originales dans la tradition de ceux d’Ileborgh.

5 fundamenta qui sont des méthodes d’orgue qui montrent comment pratiquer les enchaînements. Ces fundamenta sont dû à Paumann ou son école.

• Des arrangements ou mises en tablature de chansons diverses.


3°) Les auteurs :

Il est bien difficile de définir qui sont les auteurs car ils ne signent pas les pièces mais mettent uniquement leurs initiales… Certaines initiales restent mystérieuses, comme par exemple : W.j.b.d.V. ou MCPCb (= magister Conrad Paumann [mais Cb = ?]), MCPc (= magister Conrad Paumann contrapunctus [= contrepoint de maître Paumann]), …

Par concordance, on a pu établir des similitudes avec les compositeurs suivants : Oswald von Wolkenstein (1377-1445), John Dunstable (1400-1453), Bedingham, Walter Frye, Arnold de Lantins, Jean Franchois, Guillaume Dufay et Gilles Binchois (1400-1460).


4°) Le style :

Il y a une absence totale d’unité car il s’agit de pièces très hétérogènes.

On y trouve :


• Des transcriptions directes à peines colorées : on reprend l’original vocal et on adapte des ornements stéréotypés aux valeurs longues et dans les cadences.


 


• Des transcriptions très ornées où le supérius est complètement méconnaissable. Le supérius est noyé sous une ornementation volubile en triple-croches. Dans ce cas, le souci de la virtuosité l’emporte sur toute autre considération. C’est le point terminal de la technique mise en place dans le codex Faenza.


• Des pièces originales, très simples, sans fioritures. Par exemple : le prélude n°112. Pièces qui manifestent un certain goût pour les successions « harmoniques », verticales. Mais peut-être que l’organiste ornait ces pièces…



La notation dans le Buxheimer Orgelbuch

5°) Analyse du n°19 : « Ein Fraulein Edel von Nature »



C’est la transcription, ou plutôt l’adaptation, d’une chanson allemande à 3 voix. Il n’y a qu’un accord de 4 sons à la mesure 6.

Dans cette pièce, l’ornementation – qui ne touche que le supérius – se réduit à quelques ornements stéréotypés qui ne parviennent pas à faire oublier le modèle vocal. Cette pièce est dans le style de la chanson cantilène.

Le ténor est à la partie inférieure : il conserve une allure mélodique conjointe. Cela dit, il n’est pas emprunté : c’est bien un ténor de chanson…

En revanche le contra-ténor est une voix de remplissage (donc très disjoint). C’est le modèle mélodique habituel d’une chanson.

Ténor et contra-ténor sont peut-être inchangé par rapport à la version originale.

Cette chanson comporte 6 phrases (peut-être 6 vers) marqués par des cadences. Les consonances initiales et finales sont sans tierce. Mais on remarque un goût affirmé pour une harmonie plus riche (il y a beaucoup de consonance de tierce sur les temps forts).

Les cadences sont tout à fait habituelles pour l’époque :

• Mesures 4-5 : cadence non identifiable. La mesure 4 use de la technique du faux-bourdon. De toute évidence cette cadence est un repos.

Cadences à saut d’octave (Oktavsprung Kadenz) : m. 8-9, m. 18-19, m. 22-23. Il s’agit du premier stade de la cadence parfaite. Le contra-ténor devient une basse harmonique. Ténor et supérius se résolvent comme dans la cadence à double sensible.

• Cadences à double sensible : m. 12-13, m. 26-27. Elles se font chaque fois avec une échappée à la tierce. Elles sont moins nombreuses que les cadences à saut d’octave mais la cadence à double sensible termine la pièce (elle reste donc encore la cadence forte à l’époque).


Cette chanson est typique des années 1420-1430. C’est une adaptation pour clavier de façon rudimentaire, dans l’esprit d’une musique d’usage (certainement pour les activités de cour).




Le Buxheimer Orgelbuch (vers 1460)


C’est une des premières tablatures (pour orgue de salon [pas orgue d’église]) dans laquelle apparaît un système de notation fermement établi.

Cette tablature allemande d’orgue ancienne comporte une voix en notation mensuraliste et une ou deux voix en notation alphabétique.


I°) La notation mensuraliste :


Les notes s’inscrivent sur une portée de 6 à 7 lignes avec une clef d’ut au début. La notation noire caractéristique de la notation mesurée antérieure à 1450 est employée. Pour les groupes de notes ayant une même valeur, les queues sont liées comme dans notre système moderne. Il est une différence qui néanmoins ne peut être négligée : dans un groupe de 4 semi-minimes, par exemple, le crochet de la dernière note dépasse toujours sur la droite , tandis que dans un groupe de trois notes égales , la dernière n’est pas une semi-minime, mais une minime. Une longue est surmontée d’un point d’orgue.

Les hastes (= hampes) sont invariablement tournées vers le haut. Tournée vers le bas, elles indiquent une altération chromatique. La haste boucléeprévient d’un ornement, en principe un mordant. Si altération et mordant sont désignés simultanément, à la haste bouclée s’adjoint un trait en diagonale .


II°) La notation alphabétique :



Pour altérer une note, on y ajoute une bouclette : pour sol# ou lab ; pour ré ;pour do ; pour fa.


Les signes rythmiques sont placés au dessus de chaque lettres :



N.B. : les altérations ne sont pas indiquées systématiquement (c’est le principe de la musica ficta). Généralement dans les mouvements rapides de broderie on indique pas les #. On indique pas toujours les sensibles… Cependant il faut savoir qu’il n’y a jamais de mi# et de si#.