Cette tablature date de 1448. On y trouve 3 aspects de la musique d’orgue à cette époque :
— Des compositions originales en petit nombre (danses : estampies et ses dérivées).
— Des compositions liturgiques originales fondées sur une mélodie grégorienne en valeurs longues au ténor en guise de cantus firmus (c’est le cas des versets, des fragments de messe et des benedicamus domino).
— Des arrangements de motets, de chansons pour le répertoire français, et, de ballate et voire de madrigaux pour le répertoire italien.
Entre 1425 et 1450, une série de manuscrits d’orgue tous originaires d’Allemagne sont les témoins d’un nouveau style. C’est le début d’un goût, d’une passion pour la musique d’orgue en Allemagne (et cela jusqu’à Bach). Cela s’accompagne d’un nouveau type de pièces : des pièces originales sans modèle et non soumises à la danse… C’est la naissance des préludes, fantaisies et plus tard des toccate, ricercare…
Cette tablature d’Ileborgh est sans doute la plus intéressante. On la trouve dans « Keyboard Music of the 14th Cent. », in Corpus of Early Keyboard Music (= CEKM), vol. 1, American Institute of Musicology, 1963 ; et chez Willi Appel : « Die Tablature des Adam Ileborgh » in ZfMw, vol. 16, 1934, p. 193-212.
La notation y est soit purement mensuraliste, soit mixte. Dans cette notation, la hampe descendante avec un crochet a gardé une partie de son secret car on ne sait pas de quoi il s’agit…
Adam Ileborgh était un compositeur et un organiste allemand (et un frère franciscain). Il fut recteur de l’école à la ville de Stendal (dans les Marches du Brandebourg). On ne sait pas si il est l’auteur du manuscrit, le compilateur ou tout simplement le copiste.
Ce manuscrit a d’abord été conservé à Londres puis aux Etats-Unis à Philadelphie.
Il comporte 8 pièces au total :
• 3 mensurae : qui sont des arrangements sur un même ténor profane allemand. Ce ténor est le suivant : « Frowe al myn hoffen an dyr lyed » (c’est à dire « Frau alles mein Hoffen an dir Liegt » = « Dame, toute mon espérance à vos pieds »). Il s’agit de variations sur ce thème (à 3 voix ou à 2 voix) dans le style du codex Faenza. Il n’y a donc rien de neuf…
• 5 préludes : ils s’agit des premiers témoignages du genre. Ce sont des pièces sans ténor emprunté et il ne s’agit pas de danses non plus. Ils dénotent un grande fantaisie de l’invention, une grande originalité rythmique pour la voix supérieure (on y évite les formules ornementales stéréotypées).
Les préludes 2 et 5 (cf. ci-dessus : préludes 34 et 37) sont marqués différemment (leur ténor et contra-ténor ne sont pas étalés dans le temps comme pour les autres préludes). Le prélude 35 peut soit être joué avec le pédalier, soit manuellement.
On retrouve la mobilité et la cantabilité du supérius (c’est l’époque du motet cantilène et de la messe cantilène). Les accords terminaux sont à 4 sons !