Les formes musicales



"Une œuvre d’art n’existe que par elle. C’est une espèce de permis de communiquer. C’est la forme qui donne à l’œuvre son sens, sa raison d’être, sa vie."

Roland-Manuel




Si l’on regarde ce château d’élégante architecture, nous remarquons qu’il s’agit d’un château de plaisance (genre de château) dont la forme a fait l’objet de plans dressés par un architecte.
En musique, la distinction s’opère de la même manière entre forme et genre ; ainsi la chanson « J’ai du bon tabac » appartient au genre de la « chanson populaire » et sa forme est ABA.


Est-il nécessaire pour une œuvre d’art d’avoir une forme ?

La seule vue de ce château est déjà une réponse. L’impression de grâce et d’harmonie que respire l’ensemble de la construction provient de ce que sa forme, ou si vous préférez son plan, ménage une heureuse répartition des différentes parties. Aucune d’elles n’écrase l’autre, mais toutes concourent à l’équilibre général.

En littérature, il n’en va pas autrement.
Lisez ce rondeau de Guillaume de Machaut, poète et musicien médiéval (14ème siècle), et vous sentirez, malgré l’archaïsme de la langue, le charme que procure dans ce cas une forme élégante et concise.

Blanche com lis, plus que rose vermeille,
Resplendissant com rubis d’Oriant,
En remirant vo biauté nonpareille,
Blanche com lis, plus que rose vermeille,
Suis si ravis que mes cuers toudis veille
Afin que serve à la loy de fin amant,
Blanche com lis, plus que rose vermeille,
Resplendissant com rubis d’Oriant.



Et en musique, qu’en est-il ?

Pourra-t-on parler de « forme », alors même que la musique n’est pas figée, mais se déroule dans le temps ? Pour répondre à cette question, prenons l’exemple « J’ai du bon tabac » :



Cette chanson française est faite de 3 parties :
— La première (A) est conclusive, 
— La seconde (B), avec ses deux phrases répétées, est suspensive, 
— Et pour terminer on reprend, inchangée, la première partie (A).

Ainsi donc la musique requiert, tout comme les autres arts, les qualités de clarté, de symétrie et d’ordonnance que procure une forme bien établie.

Au premier instant, on détermine le genre musical d’une œuvre ; on distingue le concerto avec son soliste de la symphonie qui n’en a pas, la marche militaire d’une chanson populaire, parce que le genre se définit par des caractères extérieurs : modes d’exécution, destination de l’œuvre…
Au contraire, l’étude de la forme nous fait voir l’œuvre du dedans : elle nous montre comment cette œuvre est construite ; elle est aussi plus riche d’enseignements puisqu’elle essaie de reprendre la démarche qu’a suivie le créateur.

Ce terme de forme musicale désigne la manière dont le compositeur a procédé pour agencer son œuvre.
C’est la structure ou le plan adopté par le créateur. Avant d’écrire un livre, son auteur en établit le plan comme tu le fais pour une rédaction. Il en est de même pour le compositeur ! Bien sûr, il a le génie de l’invention, mais il organise et structure son travail comme toi, après avoir étudié les règles d’écriture et les œuvres de ses maîtres !


Forme = schéma ou plan de construction d’une composition.


La forme nous fait voir l’œuvre du « dedans » : elle nous montre comment cette œuvre est construite.



Les principales formes traitées par les grands compositeurs


— La forme binaire : partie A (reprise) / partie B (reprise)
— Le canon musical : A, repris à tour de rôle par plusieurs chanteurs ou instrumentistes
— La forme « lied » : A / B / A’ (retour de A avec quelques changements)
— La forme sonate : introduction / A / B / développement / A / B / conclusion
— La forme rondo : A / B / A / C / A / D / A… (proche du type couplet / refrain)
— La forme « pot-pourri » : enchaînement de tous les airs les plus connus d’une œuvre.
— La forme « thème et variations » : A /A’/A’’/A’’’ (musiques variées sur le même air).
— La forme narrative : la musique évolue en suivant les événements contenus dans l’histoire.



Forme binaire


Binaire signifie « deux », il y a donc 2 parties ! Chacune de ces 2 parties est répétée une fois. Cette forme est caractéristique des mouvements de danses de la suite à l’époque baroque (17ème siècle).




ABA (forme Da Capo)

Morceau de musique écrit en trois parties A B A avec la reprise de la première. Le plus souvent, les mots Da capo, c’est à dire « revenir au début », se trouvent placés à la fin de la partie B. On rejoue donc la partie A jusqu’au mot fine, fin.
Cette forme ce retrouve dans de nombreuses constructions, architectures (voir ci dessous)… Et aussi dans la musique, notamment dans les 2ème mouvements (qui sont lents) de symphonie, concerto ou sonate. On l’appelle souvent forme « lied ».





Le canon

Procédé d’écriture musicale complexe qui fait entendre un « modèle » puis sa « copie », de façon décalée dans le temps. Le type de canon le plus simple est celui utilisé dans la chanson Frère Jacques où les groupes musique chantent exactement la même musique. Le mot canon vient du mot « chasse » ; en effet les voix courent les unes après les autres sans jamais se rattraper.


L’imitation

Procédé d’écriture qui fait entendre une copie déformée d’un modèle musical à une autre voix. Le fait d’entendre une même mélodie jouée à une hauteur différente est une imitation.


Les formes à répétitions

Forme rondo et forme strophique (couplet/refrain). Forme simple, adoptée par les chansons de variétés et les chansons savantes (lied allemand, mélodie française). C’est aussi souvent la forme du dernier mouvement (qui est rapide) de symphonie, concerto ou sonate.




Le rondo

Forme instrumentale qui alterne des refrains et des couplets. Par exemple : a b a c a d a... où a représente toujours la même musique et les autres lettres des passages différents.


Forme « thème et variations »

Forme souvent adoptée par les peintres impressionnistes (fin du 19ème siècle). En musique, cette forme peut remplacer la forme ABA du 2ème mouvement de symphonie, concerto ou sonate.
C’est un procédé qui consiste à transformer une mélodie initiale (appelée thème) en changeant la hauteur ou le nombre des notes, le rythme, la dynamique (= intensité), le timbre (= les instruments), etc. Un seul changement a lieu à chaque variation et le modèle doit être toujours plus ou moins reconnaissable.