Messe en si et interprétation
juillet 26, 2016
I/ L’interprétation d’Herbert von
Karajan
On ne présente plus la Messe en si mineur de
Jean-Sébastien Bach, tant elle fait partie des incontournables du répertoire
sacré. Vingt-cinq années de composition pour l’ultime œuvre achevée par le
Cantor de Leipzig. Un testament musical en somme. Et quel testament ! Une œuvre
monumentale, monolithique certes, mais humaine, rassurante aussi. Parmi les
premières œuvres redécouvertes de Bach au début du XIXe siècle, la discographie
de ce chef-d’œuvre s’avère de ce fait pléthorique. Traversant les siècles, il
n’existe pas une mais bien « plusieurs » Messes en si mineur, selon les
époques.
De nos jours, il devient pour
beaucoup d’amateurs difficile d’imaginer une telle pierre angulaire de la
musique baroque exécutée autrement que sur instruments d’époque et sans les
codes d’interprétations de l’art baroque. Et cela peut se comprendre. Pourtant,
il est passionnant d’en découvrir d"autres approches. C’est ce que Naxos
nous propose en rééditant la grandiose interprétation d’Herbert von Karajan.
Certes, nous sommes ici en présence
d’une lecture romantique, mais au combien impérieuse dans son recueillement,
électrisante aussi. Karajan, transcendé et transcendant la musique de Bach,
porte un quatuor vocal d’exception : Elisabeth Schwarzkopf, Marga Höffgen,
Nicolaï Gedda et Heinz Rehfuss. Vocalité baroque ? Non, en effet, mais
qu’importe quand une telle lumière vous éclabousse ! Un moment de pur bonheur.
Précisons que la messe fut enregistrée en deux fois (1952-1953) : au
Musikverein avec le Philharmonique de Vienne et la Société Chorale des Amis de
la musique de Vienne pour la partie chœurs ; à Londres avec le
Philharmonia Orchestra pour les parties solistes.
Et ne serait-ce que pour l’Agnus Dei de Kathleen Ferrier,
présent dans les « bonus» qu’offre Naxos, on ne pourrait se passer de ce
disque. A-t-on jamais entendu prière aussi intensément, dignement et simplement
vécue ? Assurément l’un des plus beaux moments de l’Histoire de l’interprétation
! Plus que de la musique : une parenthèse rêvée.
II/ L’interprétation de Philippe
Herreweghe
La beauté plastique de la
direction de Herreweghe a apporté une dimension nouvelle dans l’histoire de
l’interprétation de la « Messe en
si » : les parties chorales, idéales
de souplesse et d’expression, la subtilité avec laquelle sont abordés les
épisodes d’affliction, donnent à l’ensemble une couleur dolente et poétique
inoubliable.
III/ L’interprétation de Marc
Minkowski
a) Par Jean-Christophe Pucek -
Publié dans : Contrepoints
Marc Minkowski n’est pas le premier
à proposer une interprétation de la Messe en si mineur avec des chanteurs solistes ; son enregistrement
s’inscrit dans la lignée de celui, fondateur et inabouti, de Rifkin en 1981, et
celui, techniquement meilleur mais malheureusement privé d’épanouissement
vocal, du Cantus Cölln (Harmonia Mundi, 2003), pour ne citer que deux versions
majeures. Il est néanmoins le premier chef à tirer toutes les conséquences de
cette approche et à réunir une équipe de chanteurs et d’instrumentistes de
haute volée pour la servir. Là où toute une tradition « romantique »
a érigé cette messe en monument plus ou moins marmoréen à la seule gloire de
Dieu, Minkowski prend le contrepied de cette attitude en offrant une vision à
hauteur d’homme, puissamment incarnée (un Agnus Dei inoubliable), très
colorée (magnifiques Musiciens du Louvre), sur laquelle souffle, au cœur d’une
structure aussi fermement établie que tenue, un vent de liberté dont bien peu
de versions peuvent se prévaloir (voir, par exemple, le violon dans le Laudamus te). Cette optique aurait pu
aboutir à un résultat bouillonnant mais superficiel. Il n’en est rien ici, et
il faut saluer la maturité d’un chef qui, s’il fonde une partie de sa lecture
sur les contrastes de la partition, n’en fait jamais une fin en soi et intègre
cette donnée dans une vision superbement orante, mais sans les relents
sulpiciens ou calvinistes qui sont légion dans ce type de répertoire. Ici, le
Verbe se fait chair sans jamais oublier qu’il est Verbe, et c’est chaque Homme
en tant qu’individu qui est invité à chanter les louanges du Créateur ou à
s’identifier aux souffrances du fils de Dieu (les clous du Crucifixus, impressionnants). Sous
l’apparat catholique, la Devotio moderna à laquelle s’est abreuvé Luther n’est
jamais bien loin. Minkowski avait besoin de chanteurs à la hauteur de son projet
pour qu’il puisse s’accomplir. Les dix réunis ici n’appellent globalement que
des éloges, les seules minimes réserves apparaissant face aux prestations de
Terry Wey, un rien placide, et de Luca Tittoto, à la voix un peu trop vibrée,
s’évanouissant face aux remarquables individualités ainsi qu’au formidable
travail d’équipe que mettent en œuvre cet enregistrement.
Bien sûr, de tels partis-pris ne
seront pas du goût de tout le monde, et il y a fort à parier qu’ils risquent de
provoquer des réactions épidermiques de rejet chez ceux qui sont accoutumés à
plus de « grandeur » dans la Messe en si
mineur. Ce disque constitue néanmoins, à mes yeux, une preuve
indubitable que la musique de Bach n’a pas besoin de chœurs
« romantiques » pour se déployer dans toute sa force, pour peu que
toute position dogmatique s’efface au profit d’une vision pragmatique et
cohérente. Ceux qui prisent une approche plus traditionnelle se tourneront
cependant vers la réalisation récente de Suzuki (BIS, 2007), très équilibrée mais,
à mon avis, assez surévaluée, car handicapée par une neutralité patente ainsi
qu’un alto fade et manquant de naturel (Robin Blaze), ou celles, plus
anciennes, de Jacobs (Berlin Classics, 1992), fourmillante d’idées mais
manquant d’une véritable cohérence de vue, voire d’Herreweghe (Harmonia Mundi,
1996), dont le souci du beau son et l’esthétique très (trop ?) classique peut
lasser. Mais je conseille vivement à ceux qui n’ont pas peur de voir leur
certitudes bousculées et ne craignent ni la fièvre ni le vertige de se plonger
sans attendre dans la lecture magistrale de Minkowski, en les avertissant qu’on
ne saurait sortir indemne d’un voyage d’une aussi brûlante intimité.
b) par Philippe Delaide (lundi 25
mai 2009 )
La lecture solistique de Marc
Minkowski
Un monument comme la Messe en si de Jean-Sébastien
Bach semble décidément être le matériau de choix pour opposer les deux lectures
possibles des œuvres sacrées du Cantor. D’un côté la lecture à laquelle nous
sommes la plus habitués, aussi bien chez les classiques que chez nombre de
baroqueux, à savoir l’interprétation avec un chœur à plus ou moins grand
effectif. L’autre, résultant des thèses soutenues par Joshua Rifkin et Andrew
Parrott selon laquelle le chœur est en fait le regroupement des solistes. Après
Rifkin et Parrott, Konrad Junghänel et Sigiswald Kuijken sont les deux chefs
actuels qui ont le plus exploré cette option du une voix par partie, pas
seulement sur la Messe en si, mais aussi sur des cantates chorales.
Marc Minkowski mentionne dans le
livret du disque que le choix solistique qu’il a fait s’est plus réalisé, en ce
qui le concerne, par pragmatisme que par dogmatisme. Son fil directeur est de
considérer que l’adoption d’une voix par partie met en évidence de façon plus
épurée, plus nette, moins « diluée », la force exceptionnelle de l’écriture
musicale de Bach dans ce chef d’œuvre. On retrouve alors la marque de fabrique
de Minkowski, à savoir prendre le soin d’effectuer une lecture approfondie,
très personnelle et qui, forcément, retient l’attention. Le résultat est
indéniablement cohérent, avec un parti pris tout à fait acceptable. Nous le
percevons comme guidé par une certaine gravité, la volonté de tendre la ligne à
l’extrême pour tirer des solistes quand ils sont justement en chœur une ampleur
qui n’a rien à envier aux chœurs à effectif plus fourni. Cette tension, avec
l’accentuation des contrastes, la mise en évidence de certains frottements
harmoniques met à nu les chanteurs, les exposants fortement. Elle nous permet
également d’apprécier la richesse et le caractère littéralement divin,
transcendant du contrepoint écrit par Bach dans cette œuvre qui se revendique
comme la synthèse de tout ce que son génie musical est capable de produire. La
caractéristique de cette version est alors une certaine noirceur, une intensité
dramatique marquée, mais justement, sans emphase, dans un intimisme très net
mais sans complaisance.
Avec un effectif vocal réduit, on
pourrait avoir le sentiment de gagner en proximité avec cette œuvre intimidante
qu’est laMesse en si. Il ne faut surtout pas envisager cette impression avec le
disque de Marc Minkowski car les chanteurs, poussés aux extrêmes au contraire,
restituent un état de fébrilité permanent qui peut déranger. Le chef recentre
alors cette Messe monumentale en cherchant plus une certaine puissance
expressive qu’une forme d’élévation spirituelle (la sublime version gravée par
Masaaki Suzuki en 2008, avec plusieurs voix par partie, atteint quant à elle
cette élévation divine avec une texture bien plus aérienne, linéaire et la recherche
d’une grande homogénéité).
Les passages les plus marquants
dans cette version sont, sur les parties chorales, indéniablement le Cum Sancto Spiritu qui
révèle une tension inouïe, avec comme un sentiment d’urgence et semble agir
comme une libération après la noirceur et la tonalité en mineur dominante sur
la première partie de la Messe, le Credo in unum
Deum et, surtout, un Crucifixuseffrayant, où
l’articulation imposée par le chef aux solistes révèle toute l’intensité
dramatique de ce passage. Les parties solistes sont d’un très bon niveau, même
si par exemple Julia Lezhneva n’atteint pas la transparence et la clarté d’une
Carolyn Sampson. L’interprétation de l’Agnus Dei par Nathalie Stutzmann, poignante et d’une belle
musicalité, révèle une voix travaillée avec une expressivité qui semble se
détacher de la tonalité des autres solistes.
On pourra donc facilement opposer
deux visions très différentes mais marquantes parmi les versions récentes :
celle d’un Masaaki Suzuki, guidé par un souci certes d’ampleur mais surtout de
transparence, de netteté des plans sonores, avec une maîtrise exceptionnelle de
la ligne ; une version lumineuse, céleste, positive très homogène, avec celle
de Marc Minkowski, sombre, dramatique, plus conçue comme une série de «
tableaux » avec de forts contrastes dans les différents climats ; une version
sous le signe de la fébrilité et de la noirceur.
Les deux ont en commun les ressorts
fondamentaux d’une lecture exemplaire de la musique sacrée de Bach : une basse
continue irréprochable pour assurer une pulsation, une tenue rythmique de bout
en bout et la tension indispensable de la ligne.
c) Par Sylvie Eusèbe (Compte-rendu
de concert)
Metz, Arsenal, vendredi 30 mars
2007, 20h30.
Marc Minkowski : direction ; Les
Musiciens du Louvre-Grenoble.
Sopranos : Joanne Lunn, Blandine Staskiewicz, Judith Gauthier, Claire Delgado
Boge
Altos : Philippe Jaroussky, Nathalie Stutzmann
Ténor : Emiliano Gonzalez Toro, Markus Brutscher
Basses : Joao Fernandes, Alan Ewing
L’excellente réputation de
l’architecture et de l’acoustique de la salle de l’Arsenal à Metz est si
célèbre que même sans connaître ce lieu j’en avais déjà souvent entendu parler.
Récemment, dans une interview, à la question « à votre avis quelle est la
salle idéale pour l’acoustique ? », Nathalie Stutzmann répondait sans
hésiter « le Carnegie Hall de New York et l’Arsenal de Metz ». Cette
réputation n’est pas usurpée et cette salle est en effet magnifique.
[L’Arsenal de Metz est un long bâtiment sans étage construit sous Napoléon Ier. Comme son nom l’indique, il abritait armes et munitions, et pour bien le rappeler sur sa façade à la rigueur militaire, des cannons surmontant de petites pyramides de boulets sont sculptés en bas reliefs. Restauré à la fin des années 1980 par l’architecte Ricardo Boffil, il contient aujourd’hui une salle de concert de 1354 places.Cette salle marque l’esprit par l’utilisation du bois et ses lignes simples. De plain-pied avec le hall d’entrée, une galerie court autour de son plan rectangulaire et guide les spectateurs jusqu’à l’arrière des sièges qui plongent vers la scène, trois « étages » plus bas. On embrasse alors cet espace d’un seul coup d’oeil en ayant l’impression d’être à l’intérieur d’un studiolo d’Urbino contemporain, ou dans le décor raffiné d’un opéra, celui d’un Don Giovanni par exemple. Les murs latéraux dans lesquels s’ouvrent deux niveaux de loges sont animés par des panneaux de bois lisse qui jouent sur les nuances de couleurs et les variations des veines du matériau. L’ensemble trace des formes décoratives stylisées : colonnes, moulures et frontons antiques au-dessus des loges et des portes d’accès à la scène sont apparentés au vocabulaire architectural du XVIIIe siècle. Cette gigantesque marqueterie est parcourue par de minces fils de laiton soulignant discrètement l’assemblage des panneaux ; le long des escaliers et des loges courent des rambardes en laiton doré donnant une touche brillante à ce lieu chaleureux. De chaque côté de la scène et derrière elle, des gradins très raides montent vers la galerie qui fait le tour de la salle et, dans la lumière douce et dorée, les spectateurs qui s’y installent donnent l’impression de participer à une mise en scène savamment préparée. Devant la scène, de larges et confortables fauteurs noirs au design « année 70 » sont disposés en rangs espacés sur de forts gradins qui permettent une vue parfaite quelque soit sa place. Le sol est bien sûr recouvert d’un parquet en bois clair, et le plafond est composé de grands caissons.]
Je suis très curieuse d’entendre
la Messe en si de Bach par Marc Minkowski avec ses Musiciens du Louvre :
pour leur première interprétation de cette œuvre, il est annoncé qu’ils la
donneront sans les chœurs habituels très présents dans cette œuvre.
Les musicologues semblent s’accorder
sur le fait que Bach n’ayant pas précisé clairement les effectifs requis pour
l’exécution de cette Messe, il est tout à fait légitime d’en proposer des
interprétations qui diffèrent sur ce point. Aussi Marc Minkowski choisit d’en
présenter une version dans laquelle les voix des chœurs sont confiées à des
solistes, soit une dizaine de chanteurs : quatre sopranos, deux altos, deux
ténors et deux basses.
Je dois dire tout de suite que mes
oreilles ne connaissaient que des versions « symphoniques » de la
Messe en si, et seulement au disque. Pourtant dès les premières secondes du
« Kyrie », ces versions
s’éloignent, et celle qui est en train de naître s’impose.
Disposés en arc de cercle derrière
l’orchestre baroque, et sur des estrades qui les surélèvent légèrement, de
gauche à droite voici les chanteurs : les altos Nathalie Stutzmann et Philippe
Jaroussky puis les quatre sopranos ; au centre, les timbales, les cuivres, puis
sur la droite les deux basses Alan Ewing et Joao Fernandes, et pour finir, les
deux ténors, Markus Brutscher et Emiliano Gonzalez Toro. A propos des sopranos,
je n’en connais aucune et le programme ne me permet pas de les
« identifier ». Je regrette qu’il ne contienne pas les photos des
chanteurs ou leurs noms avec les duos et arias qu’ils chantent. C’est pourtant
facile à proposer puisque le texte de la Messe (en Latin et en Français, ce qui
est une bonne chose) est dans le programme.
Cette Messe s’ouvre donc sur la
première partie du « Kyrie » dont la large construction est parfaitement mise en
valeur par Marc Minkowski : le chœur s’épanouit en lentes vagues successives,
progressant dans un crescendo si maîtrisé qu’il ne devient
évident que lorsque les forte résonnent déjà, les appuis sur
les notes sont bien marqués et légèrement rebondissants, cette longue et
magistrale « ouverture » se résout dans un point d’orgue à
sa mesure, longtemps tenu et vibrant dans sa perfection harmonique.
Dans la plupart des passages forte où
tous les chanteurs et les instrumentistes jouent, je me permets de souligner
que les deux altos, pour lesquels je ne cache pas mon penchant, sont un peu
noyés dans la masse : seuls quelques graves très reconnaissables de Nathalie
Stutzmann ou quelques aigus tout aussi singuliers de Philippe Jaroussky percent
ici ou là, alors que les sopranos dominent par leurs éclats et que les ténors
et les basses soutiennent l’ensemble de leur puissance. De la même façon, dans
ces moments, il m’est bien difficile d’entendre les bois qui ne passent pas la
« barrière » des cordes.
Ces réserves étant faites, je peux
aborder le « Gloria » dans lequel l’alternance des passages chantés par le
chœur et ceux chantés par les solistes fait vite comprendre que Marc Minkowski
a au moins attribué à chacun des dix solistes un aria ou un duo, parfois un peu
plus. C’est équitable pour les chanteurs et cela permet de renouveler
l’attention des auditeurs.
Le premier duo marquant
pour moi est le « Domine Deus » qui réunit une soprano à la voix agréable proche du
mezzo (désolée de ne pouvoir la nommer…) et le ténor Markus Brutscher qui me
fait très forte impression tout au long de cette soirée. Son entrain et sa joie
de chanter sont extraordinairement visibles, et sa voix est si puissante, si
pleine d’énergie et de ferveur qu’elle entraîne les autres tout en s’en
détachant. Je n’oublie pas cependant le magnifique solo de flûte qui ouvre ce
duo, dont la douceur et le moelleux sont secondés par les délicats pizzicati des
violoncelles et de la contrebasse. Magnifique.
Lancé par Nathalie Stutzmann dont
les voyelles tenues sont toujours aussi spectaculaires, le « Qui tollis » rassemble peu à peu le
chœur et contraste par son ambiance qui s’assombrit pour cette prière, la
sonorité attristée des bois se détache sur les accords dramatiques du continuo.
Le premier aria pour
alto « Qui sedes » est confié à Philippe Jaroussky. Je retrouve sa voix qui
tombe des cieux, et malgré un hautbois plus rapide que dans mon souvenir, il
chante posément et avec légèreté de délicats fortissimos.
L’aria suivant « Quoniam tu solus sanctus » est
chanté par la basse Alan Ewing accompagnée par des cuivres irréprochables. Sa
voix très profonde et sans doute riche en harmonies produit sur certaines notes
une impression saisissante : on dirait que quelqu’un d’autre chante en même
temps que lui ! (Et ce n’était pas une hallucination auditive de ma part, ou
alors elle était collective, parce que plusieurs personnes autour de moi ont eu
aussi cette impression).
Le « Gloria » s’achève sur le chœur
« Cum Sancto Spiritu », final
impressionnant de clarté et de force. Chaque voix relance successivement le
thème par de délicates entrées, et cette première partie de la Messe se termine
avec un « Amen »
coupé net, dont l’acoustique de la salle absorbe immédiatement la formidable
puissance.
Il est 21h45, et le public déjà
très enthousiaste applaudit chaleureusement les musiciens.
Après une courte pause, voici la
seconde partie, le « Symbolum Nicenum » qui débute par un long « Credo ».
Les musicologues soulignent que
cette Messe n’en est pas vraiment une : elle ne peut pas être donnée dans une
église lors de l’office. Et cela non seulement à cause de sa longueur, près de
deux heures, et en raison des musiciens de haut niveau qu’elle demande, mais
surtout parce qu’elle n’entre ni dans le cadre de la musique protestante, ni
dans celui de la liturgie catholique, à cause du choix des textes et de leur
disposition. Cette remarque et les choix interprétatifs de Marc Minkowski me
font penser que cette « Messe » se rapproche de la
« Passion ». En voici un exemple très net à mon avis : l’articulation
entre les trois chœurs successifs « Et incarnatus
est », « Crucifixus » et « Et resurrexit », pendant lesquels l’épisode le plus dramatique de la vie
du Christ nous est raconté comme dans une Passion (et le souvenir du « Es
ist vollbracht ! » de la Saint-Jean à Leipzig est encore très présent dans
ma mémoire).
Le premier de ces trois chœurs
« Et incarnatus est » décrit
avec gravité l’incarnation humaine du Christ sur la Terre. La musique est lente
et profonde, l’attitude recueillie et la concentration des chanteurs, presque
tous mains croisées devant eux, accentuent la dignité de leurs chants et nous
préparent au chœur suivant, le « Crucifixus » encore plus lent, rendu inéluctable (« passus et
sepultus est », « Il souffrit sa passion et fut mis au
tombeau ») par les coups d’archets dramatiques, puis terminé par un
triple pianissimo extraordinaire et bouleversant sur le
« sepultus est » qui nous immerge dans le mystère entrain d’être
vécu. Et immédiatement enchaîné à ce fantastique pianissimo, le
« Et resurrexit » éclate
dans la délivrance et le soulagement de son énergie libérée, ses fortissimos sont
tellement forts que le sol en tremble sous les pieds !
Après ce moment intense, l’aria
solo de la basse Joao Fernandes « Et in
Spiritum Sanctum » n’atteint pas la même
concentration. Malgré de beaux graves et un délicat accompagnement par deux
hautbois, le chanteur semble rester un peu en retrait, cependant le texte de
cet aria est sans doute plus difficile à animer que les autres.
Le chœur « Et exspecto » termine le « Credo » et fait lui aussi penser
qu’il appartient plus à une Passion qu’à une Messe : le chef d’orchestre fait
ralentir ses musiciens, au point que ce « j’attends la résurrection des
morts, et la vie du monde à venir » littéralement mourrant se termine
presque a capella… avant de renaître avec le trait joyeux et
montant de la trompette dans un « Amen » fortissimo au final impeccable de
précision.
Le public, plongé dans le profond
silence qui suit les moments que l’on aimerait prolonger indéfiniment, attend
probablement comme moi le magnifique chœur du « Sanctus ». Vif, très prenant, je
remarque pourtant difficilement certaines phrases des cordes que j’aime
beaucoup entendre planer au-dessus de l’orchestre.
Vient maintenant l’ « Osanna » qui encadre le « Benedictus ». Les chanteurs changent de
place pour former une symétrie vocale, à gauche, basse, ténor, alto, deux
sopranos, puis à droite, basse, ténor, alto, deux sopranos. L’aria du « Benedictus » est confié au ténor
Emiliano Gonzalez Toro, qui déploie souplesse et douceur dans d’émouvants pianos ;
il est soutenu par une flûte très expressive aux belles nuances et aux appuis nets.
La reprise de l’ « Osanna » est dominée par les sopranos, enfin par une en
particulier qui fait claquer des « a » que je trouve un peu
agressifs…
Les solistes reprennent leurs
places initiales, et voici le second aria pour alto qui est
aussi le dernier aria de la Messe. L’« Agnus Dei » est confié à Nathalie Stutzmann, et j’en suis heureuse
parce que c’était ce que j’espérais ! Le tempo choisi par les
musiciens est très lent, dans l’introduction orchestrale, les archets frottent
les cordes dans une « rugosité toute baroque ». Il me semble clair
qu’en ralentissant ainsi son orchestre, Marc Minkowski donne le plus possible
d’espace à la contralto, lui offrant la possibilité de déployer son
accentuation et son imagination. Fidèle à son inventivité, et tout en restant
dans la sobriété qui convient à l’œuvre, elle déploie de merveilleux effets,
étirant les nombreuses reprises de « Dei », abordant certaines notes
d’entrée par en dessous, attaquant le « a » de « Agnus »
avec une rare netteté pour cette consonne difficile dans cette situation,
coupant un « peccata » en deux : « pecca-ta » en nous
laissant suspendus avant la dernière syllabe. Puis, comme à son habitude, face
au dernier mot à chanter, la voici faisant un accent indescriptible sur le
« o » de l’ultime « nobis » et bien sûr, n’oubliant pas de
refermer son aria avec le « s » délicatement
prononcé de ce même « nobis »… Tranquillité, ampleur et introspection
pour cet « Agnus Dei » où l’accord entre la chanteuse et le chef m’a paru plus
évident qu’avec les autres solistes. Mais il est vrai que de tous les chanteurs
de ce soir, seule Nathalie Stutzmann chante régulièrement avec Marc Minkowski
depuis une vingtaine d’années…
Cette « grande » Messe se
termine non pas sur un « Amen », mais sur un « Dona nobis pacem » qui rassemble une
dernière fois l’ensemble des solistes dans un large final au crescendo superbement
conduit.
Le public applaudit vigoureusement
musiciens et solistes, avec une ovation spéciale pour le jeune flûtiste Florian
Cousin. Les nombreux rappels voient les chanteurs reparaître sur scène pour un
salut en commun et recevoir, pour les femmes, un bouquet de fleur.
Le choix des solistes de Marc
Minkowski est remarquable : je n’ai pas souvent entendu un tel ensemble, tous
les chanteurs soutiennent parfaitement leur chant, leurs forte sont
justes et leurs pianissimos admirables ! J’ai bien sûr aimé
certaines voix plus que d’autres, et en dehors de Nathalie Stutzmann et de
Philippe Jaroussky qui pour moi ont vraiment des voix et une musicalité
« à part », je tiens à citer encore une fois Markus Brutscher qui m’a
impressionnée par la force de son chant.
Cette Messe en si, baroque et sans
« chœur », est une si belle réussite que cela serait une très bonne
idée de la fixer au disque !
d) par Viet-Linh Nguyen
[...] Les Musiciens du Louvre
livrent ici une interprétation cohérente, d’une grande lisibilité, d’une
constante transparence, d’une ferveur dramatique. Le secret de ce pari musical
réside d’abord dans l’usage d’un chœur restreint de 10 solistes, conformément
aux théories âprement controversées défendues par Joshua Rifkin, Andrew Parrot
ou Konrad Junghänel (partisans du OVPP : "one voice per part"). Les
ripiénistes doublent alors les solistes dans les passages choraux, dont la
texture, très allégée, permet une mousseline de contrepoint lumineuse au
détriment des effets de masse. On distingue ainsi le "Kyrie" oppressant bien que
paradoxalement aéré, le sublime "Et in terra pax" plein d’espoir et d’innocence, tiré vers le ciel par des
voix féminines angéliques, la suspension douloureuse d’un "Qui tollis" lancinant et
contemplatif, tourmenté et hiératique à la fois comme un drapé du Bernin qui se
répète dans l’ "Et incarnatus est" désespéré et l’ "Osanna" festif et triomphant.
D’autres mouvements s’avèrent hélas
moins convaincants. Les entrées fuguées du "Credo" s’enchaînent avec une
incisive netteté qui permet à Minkowski d’opter pour un tempo trop vif et une
basse contenue ferme et poussive débouchant sur un "Patrem ominipotentem" trop
pressé. Même reproche pour un "Confiteor" grisé qui s’emmêle les pinceaux et perd de sa charge
émotionnelle et symbolique.
Les solistes se plient à cette
vision d’une brûlante clarté. Humbles dans les passages choraux, l’équipe se
laisse aller à une expressivité décomplexée dans les airs solistes, bien plus
optimiste que les beautés glacées de Parrot (Virgin). On est parfois troublé
par cette rupture de ton entre des chœurs recueillis, presque
"suzukiens", et des airs quasi-opératiques, même si le chef s’en
défend et revendique une théâtralité liturgique. Quoi qu’il en soit, on y
trouvera souvent une urgence joyeuse et démonstrative, un détachement souriant
et coquet, et des voix de première classe. Lucy Crowe et Blandine Staskiewicz
mêlent leurs sopranos timbrés très différemment - l’une aigue et pure, l’autre
plus corsée - dans un "Christe eleison" extraverti et virtuose attaqué avec allant. Bientôt suit
le "Domine Deus" poétique et sensuel, qui constitue l’un des passages les
plus réussis de l’enregistrement. A la gracieuse Joanne Lunn répond Markus
Brutscher, rocailleux et grave. Julia Lezhneva dénote une agilité certaine dans
son dialogue avec le violon du "Laudamus te" quoique les articulations soient un brin lourdes et le
chant voilé (ou alors la captation est lointaine). Petit bémol pour Colin
Balzer, recueilli mais nasal dans le "Benedictus" et pour Christian Immler doucereux comme un comploteur
dans l’ "Et in spiritum". Enfin, dièse génialissime pour l’ "Agnus Dei" de Nathalie Stuzmann
aux accents déploratoires d’un âme que la vie pourrait avoir brisée. Le timbre
est sombre, une once de vibratello fragile (qu’on retrouve dans son
Winterreise) apporte la touchante humanité de la rescapée grelottante à cette
puissante prière.
Les Musiciens du Louvre
accompagnent avec précision et vivacité cette vaste fresque sacrée.
Accompagnent seulement, car le drame est porté à bout de bras par les voix, et
l’orchestre - bien qu’excellent - demeure en retrait. Marc Minkowski paraît
brider sa phalange, éviter tout excès, empêcher le continuo de fleurir, les
instruments obligés de s’affirmer trop. Il en résulte des musiciens assez
neutres, et surtout des timbres qui manquent de piquant et de caractère. Le
hautbois d’amour du "Qui sedes" ternit, le traverso cursif du
"Domine Deus" et du "Benedictus" s’échappe
discrètement, la trompette du "Patrem omnipotentem" est
difficilement audible, se contentant d’ajouter avec souplesse une couleur
cuivrée par-ci par-là . Fort heureusement, le cor du "Quoniam tu solus
sanctus" se permet de manière altière d’exposer des sons bouchés et
truculents, et les bassons et hautbois "jazzy" presque champêtres
confèrent une douceur moelleuse au "Et spiritum
sanctum".
En définitive, Marc Minkowski offre
une vision idiomatique à cette Messe en si tant de fois enregistrée. D’une clarté narrative extrême,
bénéficiant d’effectifs réduits mais résolument opposés à l’ascèse,
démonstratif dans les passages solistes, plus inégal dans les chœurs qui
alternent entre déploration nostalgique et hâte suspecte, cette version même
imparfaite, assez proche de Junghänel (Harmonia Mundi) trouvera aisément sa
place parmi les discothèques bacchiennes qui se respectent, aux côtés du
merveilleux Suzuki (Bis), de l’introspection grave de Leonhardt (Deutsche
Harmonia Mundi), de l’équilibre d’Herreweghe (Harmonia Mundi), ou encore du
premier Harnoncourt vert et enthousiaste (Teldec).
IV/ L’interprétation de Masaaki
Suzuki
a) Par Philippe Delaide / Le
Poisson rêveur / Petites chroniques musicales
Messe en si par Suzuki : monumental
Masaaki Suzuki et le Bach Collegium
Japan procèdent à un intermède de taille dans l’intégrale des cantates de JS
Bach qu’ils ont engagée déjà depuis près de dix ans pour le label BIS. Tout
simplement l’oeuvre la plus imposante et emblématique du cantor : la Messe en
si mineur.
Là encore le chef japonais nous
éblouit par sa maîtrise absolue du texte. Cette nouvelle version d’une oeuvre
aussi majeure et tant de fois écoutée, trouve le moyen de bouleverser tous les
schémas précédents. Les options esthétiques de Masaaki Suzuki, qui nous ont
déjà permis de révéler avec une simplicité étonnante toute la splendeur des
cantates, sont tout aussi efficaces sur la Messe en si.
Le choix d’une grande clarté polyphonique,
d’une tension de la ligne plus suggérée par un tempo assez étiré que par de
grands effets, la netteté des motifs permettent de revenir à l’essentiel à
savoir tout le propos mystique et la transcendance de cette messe.
Le chef japonais a porté un soin
particulier à la qualité du choeur, pilier fondamental de cette messe qui,
comme pour lesVêpres de la Vierge chez Monteverdi, constitue une forme de synthèse
fondamentale de toute la musique sacrée écrite par JS Bach.
Dès le "Kyrie Eleison" d’introduction,
soutenu sur ses 10’33", Masaaki Suzuki marque son empreinte sonore,
engageant l’auditeur dans un contrepoint infini, comme une mise en abyme du
motif principal.
La clé de voûte de cette version, à
savoir le recentrage sur la netteté des plans sonores et une grande
transparence, permet de révéler les racines de certaines parties de cette
messe. La façon dont le chef japonais interprète le "Et in terra pax" rappelle
inévitablement les grandes messes polyphoniques de la renaissance tardive. A
noter également l’enchaînement saisissant et d’une intelligence rare du duo
"Domine Deus" avec le
choeur du "Qui Tollis peccata mundi".
[Lien direct vers l’écoute de
l’intégralité du Qui tollis, disponible sur le site du label BIS (ses similitudes avec
le Requiem de Mozart
sont étonnantes...).]
Le sommet de cette messe et
incontestablement le Credo (Symbolum Nicenum) avec un "Credo in Unum
Deum" à la rythmique incroyable, intemporelle, un
"Et incarnatus est" qui
évoque avec une évidence flagrante les messes mozartiennes.
Les attaques du chœur sont
parfaitement maîtrisées, les effets et la théâtralité des versions antérieures
évités. On s’était habitué à une posture trop solennelle et emphatique de la
part de chefs précédents. Masaaki Suzuki concentre le propos sur la révélation
de la puissance intrinsèque de cette musique et qui n’a nullement besoin que
l’on force le trait.
Ainsi la grandeur de cette version
repose sur une simplicité apparente qui est en fait le fruit d’un travail
approfondi sur les ressorts rythmiques et harmoniques de cette messe, pour en
révéler toute sa puissance avec le plus de densité possible. Cette fidélité
absolue au texte porte ses fruits car elle fait le pari réussi qu’en le servant
au mieux, elle révèle toute la richesse de l’écriture musicale de JS Bach.
Cette version demande plus d’une
écoute pour en saisir toute la richesse. Si on devait la comparer avec les
versions précédentes (y compris celle de Richter qui aurait visiblement le plus
influencé Masaaki Suzuki), et pour reprendre une référence architecturale,
c’est un peu comme si on passait du gothique flamboyant à la plus pure et
émouvante des églises romanes, qui peut tout autant, voire plus, émouvoir par
la pureté de sa ligne.
Seul petit bémol que j’avais déjà
évoqué sur les cantates interprétées par le même ensemble : le quatuor de
solistes dont on aurait rêvé qu’il soit aussi convaincant que l’orchestre et le
chœur. La seule exception est bien-sûr la soliste anglaise Carolyn Sampson que
je tiens vraiment pour la meilleure soprano actuelle sur le répertoire de la
musique vocale. Elle le confirme à nouveau dans son duo avec l’excellent ténor
Gerd Türk ("Domine Deus"). Sa voix cristalline et aérienne est vraiment magnifique
et sa musicalité indéniable (cf. notes du 1er septembre 2006 et du 22 mai 2007
consacrées à cette chanteuse).
b) par Benjamin Ballifh (mercredi
12 décembre 2007)
sur le site de classiquenews.com
Messe révélatrice du génie de Bach,
la Messe en si est un
absolu de la ferveur baroque: nul ne le conteste. Sa fascination découle, outre
sa qualité d’écriture et d’inspiration, de son hétérogénéité qui pourtant
n’entame en rien son unité finale. En définitive, nous avons beaucoup de
morceaux (dérivés de ses Cantates précédentes) réutilisés, et bien peu de
compositions nouvelles. L’activité du Bach aimant se parodier occupe depuis
toujours les chercheurs. La beauté de la musique préexistante supporte d’être
réimplantée dans un contexte différent et peut-être plus valorisant. On imagine
souvent que de simples morceaux écrits pour des circonstances particulières,
puissent s’inscrire durablement, en étant "refondues" dans un cadre
plus universel: ainsi Bach préférait-il recycler quelques unes de ses
meilleures partitions et les destiner dans un grande œuvre monumentale, telle
que la Messe en si...
Conjectures et hypothèses auxquelles l’interprète doit faire
face pour préserver coûte que coûte la cohérence de son incarnation. La lecture
du japonais Masaaki Suzuki, élève de Ton Koopman, qui fréquente à présent mieux
que nul autre, l’univers des Cantates (intégrale en cours déjà bien amorcée
chez le même éditeur), impose une évidente compréhension de l’articulation et
de la rhétorique musicale. Sa flexibilité remarquable explique comment par
exemple, cette notion de réemploi d’un matériau antérieurement écrit, se fonde
dans son nouveau cadre, avec un naturel et la sensation de la vie, de manière
époustouflante. La précision de la mise en place (choeur, orchestre, solistes),
fruit de sa réflexion personnelle des lectures de Richter qu’il a abondamment
écoutées et décortiquées, relève de l’excellence, mais ce qu’apporte le chef
originaire de Kobe, c’est la vitalité et la pulsation humaine qui confèrent à
l’exaltation inquiète, la terreur à peine voilée ou le sentiment de ferveur
collective, cette évidence jubilatoire. Reconnaissons que cet équilibre des
parties repose sur la mise en avant de l’écriture contrapuntique, ici, ossature
et architecture, véritable épine dorsale de la piété de Bach. À la fois précis
et analytique mais aussi globalisant et visionnaire, travaillant et les arêtes
et l’élan progressif, Suzuki sait galvaniser voire électriser ses musiciens
(les chœurs!) , atteignant un accomplissement à la fois dense et clair du
geste musical. Le plateau vocal relève le défi, en particulier les hommes
(Peter Kooij et Robin Blaze). Nous tenons là, l’une des visions les plus
abouties et les plus limpides de la Messe en si.