Evolution de la messe


Œuvre composée de textes liturgiques, c’est la forme la plus importante de la musique sacrée.
Jusqu’au IIe concile du Vatican (1962-1965), la principale cérémonie de la liturgie catholique comporte trois genres : basse (sans musique), chantée (avec orgue) et solennelle (usant de la polyphonie vocale, avec ou sans instruments et, à partir du XVIIe siècle, éventuellement avec orchestre, par exemple dans cette Messe en si). La messe romaine se divise elle-même en deux parties, qui s’interpénètrent : l’ordinaire (ou commun) et le propre. L’ordinaire, immuable, enchaîne kyrie, gloria, credo, sanctus benedictus et agnus Dei. Le propre désigne les parties variables en fonction des fêtes religieuses : introït, graduel, alléluia, séquences et antiennes.

La messe, une composition à la structure bien établie

Dans la messe grégorienne à une voix et a cappella, l’unité de l’œuvre est assurée par le choix d’un même mode. Au XVIe siècle, la messe atteint la plus haute expression de l’art polyphonique sacré. Un thème unique est emprunté au répertoire grégorien, à un motet polyphonique ou à une chanson profane. Le plan de la messe est déterminé par le texte. Elle est parfois construite sur le cantus firmus, motif qui circule d’une partie à l’autre et se répète à la même voix à la manière d’un thème de choral. Avec la messe concertante, ce genre s’apparente à la cantate mais le récitatif et le choral en sont absents. Quand l’œuvre prend de vastes proportions, la division traditionnelle en cinq ou six pièces est abandonnée et l’œuvre est beaucoup plus morcelée. La Messe en si mineur de Bach comporte 24 numéros (15 chœurs, 6 airs et 3 duos).

La messe est tout d’abord l’expression musicale d’une ferveur religieuse.

Ses origines remontent aux premiers temps du christianisme. On a conservé 27 messes de l’époque du chant grégorien, composées entre le Xème et le XIVème siècle, où apparaissent les premières messes à quatre voix (Messe de Notre-Dame de Guillaume de Machaut : écouter le kyrie).


Avec Palestrina, le style polyphonique s’épanouit au XVIe siècle : l’œuvre prend une certaine cohérence, alors qu’elle était jusqu’ici assimilable à une suite de motets (écouter le credo de la messe brève).



Puis la messe se détache un temps de la liturgie. Marqués par l’inspiration profane, plusieurs compositeurs reviennent à plus de rigueur et de simplicité. Les Italiens rompent avec les traditions en introduisant l’orchestre dans la messe et en faisant de la messe concertante une sorte de cantate, conception qu’élargira Bach avec sa Messe en si mineur (1733-1738). Avec Haydn (Theresienmesse, Nelsonmesse : écouter le kyrie), Mozart (Messe en ut mineur, 1782, écouter le et incarnatus est) et Beethoven (Missa Solemnis, 1823 : écouter le agnus dei), les styles de la symphonie et de l’opéra pénètrent dans la messe.







Le romantisme éloigne la messe de sa vocation sacrée

Au XIXème siècle, la messe devient plus une œuvre de concert qu’une œuvre d’église. Elle subit l’influence parfois trop évidente de l’opéra (Rossini, Verdi, Puccini), et le requiem, au texte plus dramatique, attire plus volontiers les romantiques. Une exception, la Messe de Gran (1855) de Liszt, qui conserve un caractère religieux profond.


Au XXème siècle des tentatives sont faites pour rendre à la forme son caractère liturgique (Messe de Stravinski). P. Henry s’écarte encore plus de la tradition dans la Messe pour le temps présent (1976) : il utilise les rythmes de danse moderne et des ballets. Le déclin de la messe semble être en rapport avec le déclin de la ferveur religieuse.