Aaron Copland



L'homme



Brooklyn 14 nov. 1900 - New York (North Tarrytown) 2 déc. 1990

Le plus officiel des compositeurs célèbres aux Etats-Unis. Progressiste-National. Aaron Copland est un compositeur national au sens plein du terme (comme Bartok pour la Hongrie), car sa musique est d’essence folklorique (première introduction de chants de cow-boys et de cantiques de quakers) et respire les grands horizons de l’Ouest Américain (force, rudesse, emportement, mais aussi poésie, nature).
Né dans une famille d’émigrés Russes, il étudie, en 1917, l’harmonie et le contrepoint avec Rubin Goldmark ; en 1921-1924, le piano avec Ricardo Viñes au Conservatoire Américain de Fontainebleau et la composition et l’orchestration avec Nadia Boulanger, son mentor : "Je compris immédiatement que j’avais trouvé mon maître".
Ses compositions renommées sont une synthèse du Jazz, du ragtime et des musiques folkloriques vernaculaires (cow-boy) ; plus tard, il se convertit au sérialisme sans résultat marquant...
Il a été le chef de file de la musique américaine contemporaine, à la diffusion de laquelle il a consacré une énergie et un dévouement infatigables : série de concerts avec R. Session de 1928 à 1932, direction de l’American Festival of Contemporary Music à Yaddo (NY), grande activité au sein de la société des compositeurs américains et de la SIMC, nombreux articles et conférences sur la musique contemporaine...

Ses compositions en nombre limité sont le résultat de ses multiples activités : chef d’orchestre, pianiste-concertiste et pédagogue…

Premières œuvres significatives : Symphonie pour orgue et orchestre (n°1, 1925, monumentale), Short Symphonie (n°2, 1933), Piano Variations (1930).

Pièces emblématiques (sur un total d’environ 40) : Rodeo (1942, pour orchestre, ballet), Appalachian Springs (1944, pour orchestre), Variations on a shaker Melody (1944), Symphonie n°3 (1946, pour orchestre), Concerto pour clarinette et orchestre à cordes (1950, avec harpe et piano solos, jazzy), et, (dodécaphoniques) Connotations (1962) et Inscape (1967).



Le style

Dans sa musique au lyrisme vigoureux, une harmonie souvent âpre et austère colore une inspiration mélodique très personnelle (avec de fréquents mouvements ascendants de quarte, de septième ou de neuvième) où l’on retrouve des réminiscences du jazz et du folklore américain.

Son esthétique doit beaucoup à la connaissance qu’il fit du "Groupe des Six" français. Avant de venir en France, il avait été intéressé par la musique de jazz qu’il avait intégrée à ses propres compositions. Dans les années 1930, il se tourna vers un style plus austère, puis vers des oeuvres plus facilement compréhensibles en direction du théâtre ; après la 2è guerre mondiale, Copland montrera dans ses compositions un intérêt véritable pour les nouvelles théories sérialistes.

Ce décloisement des différents genres musicaux est un des traits fondamentaux de la musique américaine.

Cette tendance "américaniste" est prégnante chez de nombreux compositeurs qui tendent d’édifier une pratique à partir de valeurs qui ne sont pas exclusivement basées sur les critères développés par la pensée européenne depuis plusieurs siècles. Diversité des sources folklorique chez Doulgas Moore, tentatives de synthèse entre les musiques de tradition orale des Noirs et la musique symphonique chez John Alden Carpenter et surtout chez William Grant Still.

4 périodes stylistiques caractérisent son oeuvre :
  • première période marquée par l’influence du post-debussysme et du jazz 
  • une période abstraite : plus sévère, grave, austère. 
  • une période "populiste" ou Américaine. 
  • et une dernière période débutant avec le Piano Quartet (1950), influence du dodécaphonisme 

Cependant Blitzstein observe qu’aucun élément apparaît toujours brutalement dans un travail de Copland. Il est difficile de cloisonner son oeuvre autour de ces entités stylistiques. Le tout s’imbrique...


Influence du post-debussysme et du jazz

Ses premières œuvres sont influencées par le post-debussysme français (voir Impressionnisme). Copland composait principalement au piano, travaillant parfois avec une seule idée, parfois avec plusieurs. Il utilise souvent des matériaux recyclés, des œuvres ou des esquisses composés plus tôt. Il a orchestré ses œuvres seulement après avoir écrit la partition de piano. Il a rarement révisé une œuvre après sa publication initiale. En tant qu'enseignant, il a souligné l’importance de l’auto-critique au cours du processus créatif.

La jeunesse de Copland reflète les styles de l'opéra italien, des œuvres pour piano de Chopin et de Liszt, et de la musique juive de l’Europe de l’Est. Pendant ses années en tant qu'étudiant de Goldmark sa musique a assimilé les caractéristiques des compositeurs contemporains européens, dont Debussy et Scriabine, ainsi que la chanson populaire américaine.

Au milieu des années 1920, Copland se tourne vers le jazz et le blues qu’il découvre à Paris et New York mais il va savoir s’en détacher au fil des ans car il est devenu de plus en plus conscients et respectueux du « vrai » jazz, des travaux de Duke Ellington, Albert Ammons et, plus tard, Lennie Tristano, Miles Davis, Charles Mingus et bien d’autres. Sa musique a continué plus tard pour tenir compte de l’évolution de l’idiome du jazz, le Concerto pour clarinette (1947-8) fait référence au style « swing », par exemple, et Something Wild (1961) révèle l’impact de la « cool jazz ».

En dépit de ces multiples influences, Copland développe un style personnel qui sera cristallisé dans une oeuvre : Music for the Theatre (1925). Le style Copland est maintenant reconnu comme typiquement américain (même si au début de sa carrière, certains considéraient son « urbanité jazzy » comme relativement exotique). Son intérêt pour le développement d’un style typiquement américain provenaient en partie d’une inclinaison vers styles nationaux en général.


Période abstraite 

Sa création évolue très vite selon un style très personnel qui, après quelques essais sur des rythmes de jazz, aboutit à des atmosphères plus dissonantes. En attestent, par exemple, les Variations pour piano (1930) et Statements (1932-1935) dont la première représentation intégrale a lieu à New York en 1942.


Période "populiste" ou américaine

Au milieu des années trente, grâce en partie à l’émergence d’un « front populaire » dans la politique américaine, Copland adopte un style plus simple, plus mélodique et plus lyrique, s’inspirant souvent de la musique populaire traditionnelle. Alors qu’il avait parodié le Star Spangled Banner en Hear Ye! Hear Ye! (1934), il a utilisé une chanson de la Révolution américaine, The Capture of Burgoyne, pour l’époustouflant point culminant de The Second Hurricane (1936). Il a fait un usage intermittent de ce matériau jusque dans l’oeuvre plus tardive Emblems for band (1964), qui cite Amazing Grace.

Ou encore, avec Lincoln Portrait pour récitant et orchestre (1942), sur des textes adaptés des discours du célèbre président des États-Unis, et avec les ballets Billy the Kid (1938), Rodeo (1942) et Appalachian Spring (1944, prix Pulitzer en 1945) où il met à profit des mélodies et des rythmes du folklore américain, sa production des années quarante évoque, quant à elle, des thèmes spécifiquement américains.

Même les compositions qui n’usent pas de vrais thème folk américains dénotent l’influence de ce répertoire, en particulier les œuvres dramatiques de l’Amérique rurale, comme Our Town (1940), Appalachian Spring, The Tender Land (1952-4).

Dans le même temps, en commençant par le finale de la Short Symphony (1932-3) et, plus tard, avec El salón México (1932-6), Copland s’empare du style de la musique folklorique mexicaine. Grâce à ses voyages en Amérique du Sud dans les années 1940, il a commencé à s’approprier certains aspects de la musique populaire brésilienne et cubaine.

Son style de maturité peut être considéré comme incorporant des éléments issus des musiques juives, Noirs américaines, anglo-américains et latino-américaines.


Influence du dodécaphonisme

Après avoir composé une série de bandes sonores, dans les années cinquante, Copland renoue avec un style plus austère : dans la remarquable et très complexe Piano Fantasy (1952-1957) et dans d’autres œuvres orchestrales comme Connotations (1962) et Inscape (1967), créées sous la direction de Leonard Bernstein, il revient au modèle dodécaphonique.


Son écriture musicale 

L’écriture mélodique de Copland est directe et vigoureuse, avec les sauts mélodiques fréquents (même dans les oeuvres vocales). Evite les chromatismes. Les mélodies souvent assez courtes, incisives, développées peu à peu de façon modulaire. C’est cette approche qui caractérise les pièces Piano Variations, Fanfare for the Common Man et Piano Fantasy donnant une plus grande impression de spontanéité.

William Austin indique : « comme si [Copland] voulu exposer la façon dont son esprit fonctionne avec des idées musicales, plutôt que le produit fini stylisé de son travail ». Parfois, le motif se développe à chaque répétition, cette technique "additive" peut être trouvée dans la quasi-totalité de ses compositions.

Mélodies et harmonies sont étroitement imbriquées chez Copland. Harmonie quartale et en quinte dans les fanfares. Intervalles de 2de et 7è dans Piano Variations reprenant les 4 notes du motif mélodique central. Le diatonisme dans Appalachian Spring (pan-diatonique). Harmonies chromatiques dans Piano Fantasy.

Les rythmes chez Copland sont souvent déclamatoires, suggérant les accents modèles de la prose, plutôt que les modes rythmique du chant ou de la danse.

Ses orchestrations évitent les « doublures inutiles » (qu’il a t-il critiqué dans Wagner) en faveur des sonorités de chambre (qu’il a admiré chez Mahler). Contrairement à Mahler, cependant, il a exploité le potentiel « cantabile » des cordes et autres instruments avec une extrême retenue. Il devrait jouer simple sans trop de sentiment ou de vibrato. En tant que chef d’orchestre, il a souvent averti les violons avec le commentaire, "C’est "too much" Tchaïkovski » (ou "le côté Massenet").

Copland a travaillé principalement dans les petites formes, l’ampleur de la Troisième Symphonie et le Piano Fantasy reste exceptionnelle. Nombreuses sont les oeuvres en un mouvement.