Les ballets russes

HISTORIQUE
Les ballets russes de Serge DIAGHILEV ont entraîné dans leur sillage tous les arts : musique, peinture arts plastiques, entrant dans une légende qui rayonne encore sur la danse contemporaine. Leur histoire est inséparable de celle de leur créateur et mécène, DIAGHILEV fondateur de la revue d'art « Mir Iskoustva » (le monde de l'art), incarnation de la conscience artistique de l'époque, multipliant les expositions : aquarellistes allemands et anglais en 1897, peintres Russes et Finnois en 1808, impressionnistes français en 1900; assistant aux soirées de musique contemporaine qui révèlent en Russie les compositeurs d'avant-garde russes et français.

LE THEATRE MARIE (MARINSKI) VERS 1900

Le théâtre Marie (qui sera rebaptisé après la Révolution théâtre Kirov) était le temple de la danse. La puissante faction des balletomanes y distribuait à son gré les couronnes et associait ses efforts à ceux d'une direction ultra conservatrice pour maintenir le ballet dans des règles sclérosées. Le début du siècle devait voir consacrer la victoire de jeunes artistes qui, sur les plans chorégraphique, scénographique et musical régénéreraient l'art du ballet. Le 22 juillet 1899, le prince Serge Volkonsky, fut nommé directeur des Théâtres Impériaux. Il connaissait Diaghilev et son petit groupe et leur donna leurs premières chances. Diaghilev fût nommé « attaché pour missions spéciales ». D'après les mémoires de Benois et de Karsavina, il semble qu'il fit alors l'unanimité contre lui. Il apparaissait comme un jeune mondain de la clique de Volkonsky, aux manières hautaines. Son principal travail fût l'édition de l'Annuaire des Théâtres Impériaux pour 1899-1900 dont il fit un livre luxueux.Pour mettre en pratique leurs idées sur le renouveau théâtral, Diaghilev et ses amis proposèrent à Volkonsky une nouvelle production de Sylvia dont les décors et les costumes seraient confiés à Benois, Bakst, Korovine et Roerich. Volkonsky accepta mais la fraction traditionaliste protesta avec tant de vigueur qu'il dut revenir sur ses promesses.  Diaghilev refusa de faire des concessions et fut « démissionné ». Peu de temps après, Volkonsky tomba également Malgré sa courte durée, cette direction avortée ne fut pas sans conséquences Diaghilev s'était intéressé de près au monde du théâtre, Bakst et Benois avaient fait leurs débuts comme décorateurs, l'équipe s'était cimentée dans une entreprise commune. Le successeur de Volkonsky, Teliakovsky reprit, à son compte un certain nombre des idées novatrices de son prédécesseur et les appliqua avec prudence.  L'équipe de Diaghilev le considéra comme un plagiaire, n'osant aller jusqu'au bout de ses intentions et combattit vigoureusement ses productions dans le Monde de l'art.  Cependant, comme le reconnaît Karsavina, son action ouvrit aux artistes des horizons nouveaux : « un nouveau directeur, Teliakovsky, venait d'être placé à la tète du théâtre. Le prince Volkonsky fut très regretté, car avec lui disparut le prestige que son nom illustre apportait a la scène impériale. Son successeur eut à combattre la méfiance et la partialité de l'opinion publique et commença par etre impopulaire. Des années d'une politique saine et ferme finirent par faire reconnaître ses mérites. Telîakovsky donna au théâtre une orientation toute nationale et, sous sa direction, les opéras dus à des compositeurs russes remplacèrent peu à peu sur la scène les oeuvres étrangères (...) Teliakovsky dut en quelque sorte imposer les opéras de Rimsky-Korsakov à un auditoire rebelle... Don Quichotte fut exhumé d'un long oubli et repris cette année là. Costumes et décors offrirent une véritable orgie de couleurs, ils étaient lœuvre de Golovine et de Korovine, deux artistes russes ; ce fût un tournant décisif dans la mise en scène du ballet. Notre compagnie, qui restait étrangement ignorante des tendances nouvelles et conservatrice par définition et par obligation envers le public traditionaliste des «balletomanes », fût abasourdie de découvrir une tentative qui s'écartait Si franchement des traditions démodées du décor dit « réaliste » et s'affranchissait, dans la réalisation des costumes, de la tyrannie des genres établis». T. Karsavina (Les Souvenirs de Karsavina P. 118-119).
 A la même époque, Bakst brossa les décors de son premier ballet pour le théâtre de l 'Ermitage: La Fée des poupées (1904), et Benois son premier opéra Le Crépuscule des Dieux (1902). A ces innovations scénographiques correspondait un rajeunissement des cadres du ballet. Une nouvelle génération de danseurs russes est apparue avec Kschessinskaya, Trefilova, Preobrajenska, Fokina ; Lopokova et Nijinski. Michel Fokine s'affirme comme professeur, maître de ballet et chorégraphe et réalise, le premier ; l'unité artistique en travaillant avec Benois,  pour Le Pavillon d'armide, entre autres.
Succès, cabales se succèdent, DIAGHILEV déçu décide d’exporter ses idées en Europe en commençant par Paris.(Sous l'impulsion de A. Benois)
En 1906, DIAGHIKLEV présente au salon d'automne l'exposition d'art russe quil avait précédemment montrée en Russie.
1907 : cinq concerts de musique russe.
1908 : Féodor Chaliapine interprète "Boris Godounov" de Modeste MOUSSORGSKI à l'Opéra de Paris.

PREMIERE PERIODE : 1909-1914

La Mardi 18 mai 1909 le Figaro annonçait le programme
1) Le pavillon d’Armide 1 acte en 3 tableaux de M. Alexandre Benois musique de Tcherepnîne, hommage au 18ème siècle français
2) Le Prince Igor scènes chantées et les danses Polovtsiennes de l'opéra de BORODINE, fait découvrir la musique et le folklore russe à Pans.
3) Le Festin suite de danses, musique de Rimski-Korsakov, Glinka, Tcbaikovski, Glazounov; costumes de Benois, Bakst, au théâtre du Châtelet, tenue de gala exigée, succès de 6 semaines.
le 2 Juin 1909  création des Sylphides (reprise de Chopiniana) chorégraphie de M.FOKINE, sur une musique de Chopin, "rêverie romantique" en 1 acte, avec Paviova, Karsavina, Nijinski et création de "Cléopâtre" ,drame chorégraphique inspiré d'un poème de Pouchkine qui révèle le talent d'Ida Rubinstein ( qui créera plus tard un ballet concurrent) et les décors de Bakst.
 La succession de ballets courts, bien caractérisés, dont chacun possède un charme exotique ou poétique frappe les esprits. Les décors, véritables oeuvres d 'art remportent un succès énorme.N ijinski est déifié (on évoque Vestris), et remet la danse masculine en vedette. On ne tarit plus d'eloges sur Karsavina et Paviova. La parfaite cohésion de la troupe animée d'un enthousiasme communicatif frappe les esprits: chacun passe d'un emploi effacé à celui de vedette, selon son tour. Un seul chorégraphe: Michel FOKINE (sa chorégraphie des danses Polovstiennes est perçue comme une immense révélation, un spectacle fastueusement riche en couleur, émotions et dynamisme.
1910 La 1ère Saison utilisait le répertoire du théâtre Marinski ou des oeuvres de FOKINE déjà jouées à Saint-Pétersbourg.
Pour la  2è saison, Diaghîlev désire restituer â l'Europe ce qu'elle avait légué et aller de l'avant en présentant de véritables créations, montrer aussi une oeuvre entièrement russe.
 1)- reprise de « Giselie » oubliée depuis 1868 à l'Opéra de Paris mais restée vivante en Russie grâce à Marius Petipa.
2)-création de « Carnaval » de Schumann. Ravissante composition ironique et tendre, décors de Bakst, chorégraphie de Fokine.
 3)-   Shéhérazade sur le poème symphonique de Rimski-Korsakov triomphe le 4 juin 1910, (décors de Bakst,)et fait souffler un vent de folie orientale sur la mode.
 4) "l'Oiseau de feu" commandé à Igor Stravinsky, clou de la saison (décors de Bakst et Golovine).
A la suite d'un renvoi de Nijinski, Diaghîlev négocie les accords nécessaires avec l'opéra de Monte-Carlo aux termes desquels la principauté devient le point d'attache permanent de la troupe avec des saisons prévues à Paris et à Londres.
 Le 19 avril 1911 nait à Monte-Carlo "Le spectre de la rose" vision inspirée de 2 vers de TH.Gautier "je suis le spectre de la rose que tu portais hier au bal"..., sublime pas de deux composé sur l'invitation à la Valse » de C.M. Von Weber orchestrée par H.Berlioz. Nijinski triomphe aux côtés de Karsavîna .Il devient ce "grand oiseau bondissant à la rencontre d'une sublime défaite". que décrit P.Claudel.
 Le 13 juin, création au Châtelet à Paris de Pétrouchka éternel et malheureux héros de toutes les foires, follement épris de la Ballerine et victime de la jalousie meurtrière du Maure. Fokine composa une chorégraphie en accord parfait avec la musique de Stravinsky et les décors de Benois, une étonnante fusion de la danse classique et de la danse de caractère inspirée du folklore russe où se mêlent le réalisme et la poésie.
Interprètes: Ballerine Karsavina ; le Maure Orlov ; le vieux charlatan : Ceecheffi ; le mime triste Nijinski.
 Dès 1912, des préoccupations. nouvelles animent Diaghilev qui cherche à s'européaniser. Il fait appel à Jean Cocteau pour le livret du "Dieu bleu", et à Reynaldo Hahn pour la musique.
Il  commande aussi des partitions à Claude DEBUSSY, Maurice RAVEL et Florent SCIIMITT. Il met en concurrence FOKINE avec NIJINSM: Mais les décors de Bakst ne parviennent pas à relever l'insuccès de Thamar (inspiré du folklore Géorgien),et le Dieu bleu" échoue.
 1912 :-Evènement : la création de l'après-midi d'un faune
Impressionné par la statue d'un faune dansant remarqué dans un musée de Venise, Diaghilev suggère à Nijinski une création totalement libre, suggestive et païenne. DEBUSSY sollicité consent à confier la. partition inspiré par l'églogue de Mallarmé. Elle servira à dépeindre la passion du Faune lancé à la poursuite de 7 nymphes; l'une d'elles ayant abandonné son voile, il s'étend dessus, en proie à l'extase érotique. Faunistes et anti-faunistes saffrontèrent, mais Diaghilev fit bisser le ballet. Le faune avait de quoi dérouter le danseur se déplaçait à pied plat, tenait les bras en pôsition angulaire abandonnait l'en-dehors classique, restait fixé au sol.
 le 8 juin1912 la création de « Daphnis et Chloé » musique de Ravel, chorégraphie de Fokine, passa inaperçue, bien que remarquablement dansé par Karsavina et Nijinski.
 Déçu et ulcéré, Fokine donne sa démission, en accord avec Diaghilev qui avait d'ores et déjà choisi Nijinski comme chorégraphe, au grand étonnement de la troupe qui doutait de ses compétences(ex: Grégoriev); avec lui part aussi (momentanément )un autre artisan de la 1ère heure: Alexandre Benois.
 1913:- "Jeux" (Debussy ) fait suite spectacle qui anticipe sur son époque "nous dirons dans le programme que nous sommes en 1930" confie Debussy à Karsavina qui demande à Nijinski de plonger le ballet dans la réalité des gestes contemporains; une partie de tennis entre un jeune homme et 2 jeunes femmes, jeux du sport et de l'amour prétextes à variations en lignes brisées L’œuvre ne fût pas Comprise: on n'admît pas la tenue des danseuses qui portaient des tricots de jersey, et que Nijinski paraisse une raquette à la main.
 La grande révélation reste le "Sacre du printemps" dont la musique de Stravinsky apparaît aujourd'hui comme l'événement du 1er quart du XXème siècle. Le musicien entrevit de façon inattendue le spectacle d'un grand rite sacrée païen, une assemblée de vieux sages assis en cercles et observant la danse à la mort d'une jeune fille qu'ils sacrifient pour se rendre propice le dieu du printemps.
Aussitôt il s'en remet au peintre Nicolas Roerich, spécialiste du paganisme russe; ensemble ils imaginent l'argument du Sacre.
 Diaghilev s'emballe pour le sujet et demande la chorégraphie à Nijinski, mais lui adjoint Marie Rambert pour l'aider à mettre en place les rythmes complexes, avec Maria Plîtz pour le rôle de l’Elue.
La première eut lieu le 29 mai 1913 au théâtre des Champs-Élysées à Paris; c'est un scandale; le vacarme est tel que les danseurs entendent à peine l'orchestre!
 Puis ce fut la grande tournée des Ballets Russes en Amérique du sud, mais sans Diaghilev (Buenos Aires et Rio de Janeiro). Nyjinski épouse Romola de Pulszki, artiste hongroise rencontrée lors d'une tournée à Budapest.  Cela lui vaut un télégramme de licenciement de Diaghilev qui entraîne sa troupe à Moscou ou' il rencontre Léonide Massine (189~1979) Il le confie à Ceccheti pour travailler l'histoire de l 'art; visiter les musées et au peintre Larionov pour son éducation chorégraphique.
Un autre chorégraphe B. Romanov assure l'intérim et fait une brève apparition aux ballets russes (qui attendaient Massine) avec la Tragédie de Salomé de Florent Schmitt et le Rossignol de Stravinsky (décors et costumes de A. Benois,) Massine sera le chorégraphe jusqu’en 1920, date à laquelle Il quittera la troupe.

DEUXIEME PERIODE : 1914-1923
-1914 Massine en cours de formation, Diaghilev est contraint de rappeler Fokine pour tenir ses engagements a Monte-Carlo Des 4 nouveaux ballets commandés à Fokine, le plus interréssant « le coq d’or » d'après l'opéra de Rimski Korsakov (décors et costumes d'Alex.Benois et Nathalie Gonteharova), créé à l'Opéra de Paris, avec Karsavina, Boulgakov et Cecchetti. Cest une pantomime plus qu'un ballet; les chanteurs se trouvent sur la scène, immobiles tandis que les danseurs jouent l'action, à chacun correspondant une voix, un double lyrique. Il s'agit d'une innovation d'une portée considérable qui ouvre, la voie à un grand nombre de ballets contemporains inspirés du meme principe de transposition scénique de la voix humaine.
Le Cubisme s'installe pour la 1ère fois dans le décor de Natalia Gontcharova, explosant de couleurs dont les racines plongeaient dans le folklore Russe.
 La guerre éclate: les Ballets Russes se « mettent en veilleuse. »
La guerre dispersa la première troupe des ballets. On a pu dire que les petersbourgeoîs furent alors remplacés par des moscovites( Massine, Larionov), d'esprit plus libre. Divers danseurs étant retournés en Russie, Diaghilev reconstitua sa troupe avec l'aide de Cecchetti et Larionov et partit en 1916 pour New York.
En 1915,Diaghilev vit a Lausanne Villa Belle Rive, avec Bakst, Stravinsky, Larionov et sa compagne Natalia Gonteharova, Massine, Ceecheti et quelques amis parisiens.

- 1915 Il n'y a pas de saison, ni à Paris ni à Londres; beaucoup d'artistes engagés dans le conflit manquent à l'appel. DIAGHILEV parvient difficilement à honorer le contrat qui le lie au Metropolitan Opéra de New-York stipulant la venue de la troupe au complet (y compris NIJINSKY prisonnier de guerre en Autriche démarches administratives.) ERNEST ANSERMET ( chef de l'orchestre de Genève) devient le directeur musical des ballets.
"Soleil de nuit" (d'après Snégourotchka, opéra de Rimsky  Korsakov) chorégraphie par MASSINE, est donné au grand théâtre de Genève.

-1916-NIJINSKY dirige la troupe expédiée en Amérique une nouvelle fois et compose un ballet: Tili Eulenspiegel (musique de Richard Strauss) perdu quelques mois plus tard. Puis ils vont en Amérique du Sud.

-1917 NIJINSKY est acclamé pour la dernière fois à Buenos Aires le 26 septembre. Dès son retour, il sombre dans la folie: le dieu du mouvement s'immobilise

De 1916 à 1920 Léonide MASSINE présente une série de chef-d’œuvres unissant classicisme, et styles divers du folklore (espagnol, sud-américain, russe), du music-hall et du cubisme. Influencé et épaulé par Félix Fernandez, danseur andalou ramené par Diaghilev pour donner des cours et faire cette saison espagnole.
"Soleil de nuit" puis "Kikimora" d'inspiration folklorique russe
"Las Meninas"  1°  ballet d'une suite espagnole comprenant "le Tricorne" et "Cuadro Fiamenco". due à l'influence de Picasso.
Suivent les Contes Russes" avec les décors et costumes de Larionov, puis "les Femmes de bonne humeur".
 1917 « Parade » musique d'Erik Satie, le clou de la saison définie par Cocteau comme «une lucarne sur ce que devrait être le théâtre contemporain»
Créée le 18 mai au théâtre du Châtelet à Paris, présentée par un texte de G.Apollinaire, une des oeuvres les plus avant-gardistes que DIAGHILEV ait présentées.
Reproduisant l'actualité a sa manière, SATIE introduit dans l'orchestration une roue de loterie foraine, une sirène, un bouteillophone et une machine à écrire. Auteur du rideau, des décors et des costumes, PICASSO: ses costumes sont d'immenses pièces montées de près de 3 mètres de haut, faites de tuyaux de poêle et de panneaux de carton assemblés.
Un cheval caricatural animé par 2 danseurs enfermés dans ses jambes, provoqua les réactions les plus hostiles du public. Les danseurs étaient transformés en sculptures animées. DJAGHJLEV coupé de la Russie par la Révolution bolchevîque, transformait le Ballet en vitrine de l'avant- garde, devenant l'imprésario de l’art moderne. Une étroite amitié se forma entre PICASSO et lui. Jean COCTEAU était l'un des premiers Français à s 'intéresser au Ballet et à son évolution

Argument de PARADE (Jean Cocteau)
L'extérieur d'un pauvre cirque; 2 bonimenteurs, un prestidigitateur chinois, une petite fille américaine ne réussissent pas, malgré leurs numéros, à intéresser la foule des badauds. Satie fait sagement une musique conforme à l'esprit du projet objective, orchestrée en «à plat » avec des effets de bruits très sommaires, des répétitions de thèmes élémentaires, des rythmes mécaniques.
Picasso faisait de chaque danseur un décor ou un véhicule de décor mouvant autant qu'un danseur dansant
Les trouvailles de Massine dérivent directement de Cocteau par leur côté littéraire et leur stylisation de cirque.
G. APOLLINAIRE s'est chargé de convertir le public parisien à Parade (voir articles issus du programme)
 A Londres (théâtre de l'Alhambra), le peintre fauviste André DERAIN dessine les décors et tes costumes de la Boutique-fantasque musique de RESPIGHI d'après ROSSINI ; PICASSO imagine ceux du "Tricorne" de Manuel de FALLA (dansé par Massine et Karsayina et MATISSE ceux du Chant du rossignol tiré de l'opéra de STRAVINSKY (donné à l'Opéra de Paris ). (les décors de BAKST avaient été perdu pendant la guerre.)
 Au cours de ses fréquents voyages en Italie, Diaghilev avait fait copier des partitions inédites de PERGOLESE (compositeur italien 1710-1736) qu'il confia à STRAVINSK[, en lui demandant un ballet inspiré des aventures amoureuses de PUCINELLA"  Résultat: une véritable récréation reflétant moins la musique de Pergolèse que son esprit, avec un humour, une verve et un charme irrésistible (décors brossés par PICASSO, chorégraphie de MASSINE), donné à l'opéra de Paris -1920-avec Massine Karsavina, Tehernicheva, Idzikovski.
 Argument:  Des jeunes gens jaloux des succès féminins de Pulcinella
(Polichinelle de la Commedia dell'arte Napolitaine) décident de le tuer. Mais malicieux, il se fait remplacer par un compère qui feint de mourir sous les coups, puis ressuscite au grand étonnement de ses ennemis. L'histoire finit par un charivari général. Après l'accord final, les danseurs continuent de marquer la mesure dans un univers devenu surréaliste par son brusque silence.
 -1921- Diaghilev victime de sa soif de renouveau, sacrifie son chorégraphe.(Massîne) Et c'est l'échec du ballet «Chout» (musique de Serge PROKOFIEV )dû à l'insuffisance de la chorégraphie du danseur Slavinski, chargé d'illustrer le « primitivisme » de la peinture de Larionov dont DIAGHILEV voulait faire le Picasso russe!
Puis c'est le succès de « la Belle au bois dormant » jouée 150 fois à l'Alhambra de Londres (décors et costumes de Léon Bakst), hommage au ballet impérial dont DIAGHILEV conservait un souvenir ébloui depuis son enfance.
Krash financier: pour célébrer le 100è anniversaire de PETIPA, DIAGHILEV doit se contenter d'une version abrégée «le mariage de l’ Aurore» (Paris 1922).
 La compagnie regagne Monte-Carlo: elle y restera 6 mois l 'an, 4 mois étant consacrés aux tournées à l'étranger ( Italie, Espagne, Grande-Bretagne), 2 aux vacances et à l'élaboration de nouveaux projets.
 -1922 DIAGHILEV confie a Bronislava NIJINSKA sœur de NIJINSKI (auteur d'un essai : «l'école du mouvement, histoire de la chorégraphie ») « Renard et Noces » (musique de STRAVINSKI),décors de Liaronov et costumes de Gontcharova,  Faisant intervenir des chanteurs sur scène, ce sont de véritables petite opéras dansés.
NOCES dépeint en 4 tableaux la tresse de la mariée, chez le marié, le départ de la mariée, le repas de noce, l'archaïsme des rites anciens qui présidaient aux mariages chez les Slaves. Conformément au vœux du musicien, la chorégraphie s'inspire des icônes russes, se réduisant à des évolutions de masses, les 2 solistes ne se détachant que par instant de l'assemblée. Les gestes schématisés, automatiques, évoquent les attitudes des peintures religieuses. Succès.

TROISIEME PERIODE : 1923-1929

Le Groupe des Six ( G.Taillefer G. Auric D. Milhaud A. Honegger F.Poulenc L.Durey BALANCHINE – Serge  LIFAR -
C'est Jean Cocteau qui a attiré l'attention de D. sur le groupe des Six, illustrateurs de l'esthétique qu'il a lui même promue dans son manifeste de 1918 « le Coq et l'Arlequin ». DIAGHILEV suggère à Francis POULENC un ballet d'atmosphère, sorte de réplique moderne des Sylphides, les Biches" série de tableaux librement enchaînés «style Fêtes Galantes »chorégraphie de NIJINSKA, décors de Marie Laurencin, créé à Monte-Carlo le 6 janvier 1924 suivi des Fâcheux" d'après Molière, musique de George AURIC, décors de BRAQUE.
Fait suite « Le train bleu » dont Darius MILHAUD, le musicien, résume ainsi l'action: « une villégiature à la mode oû le train élégant, le train bleu, déverse chaque jour de nombreux baigneurs; ils évoluent sur la scène et s'exercent à leurs sports préférés : tennis, golf;etc.. »
La chorégraphie utilise les ralentis du cinéma les gestes du sport et du music-hall, les mouvements acrobatiques (sauts périlleux, marche sur les mains

Les décors sont de Henri Laurens, le rideau de scène de Picasso (deux géantes dépoitraillées courant Création: théâtre des Champs- Elysées à Paris Disgrâce de NIJINSKA.  MASSINE appelé d'urgence monte à Monte-Carlo ZEPHIRE ET FLORE avec Dolin, Lifar et Nikitina, puis "les matelots" de G AURIC sur un livret de Boris Kochno. DIAGHILEV confie à un nouveau venu de 19 ans, BALANCHINE, la reprise du "Chant du rossignol , puis le  Triomphe de Neptune ainsi que "Jack in the box" (musique d'ERIK SATIE ) et "la Pastorale" donnés au théâtre Sarah Bernhart à Paris
 1926: DIAGHILEV fait appel à MJINSKA pour "Roméo et Juliette (répétition sans décors en 2 parties) et à MASSINE pour "Pas d'aciermusique de Prokoviev (1927) et "Ode" (1928) Tchelitchev avait imaginé les dispositifs scéniques et peint sur les maillots des danseurs des lignes et des cercles phosphorescents, utilisant des projections filmées. musique de N.Nabokov illustrant une ode que le poète Lamonossov avait composé sur l'aurore boréale. La première eut lieu au théâtre Sarah Bernardt à Paris.
Création de "la Chatte" de BALANCHINE, musique de SAUGUET (1927) et du "Pas d’acier" de  MASSINE,,  musique  de  PROKOFIEV.  DJAGHILEV désirait  voir styliser chorégraphiquement la réalité soviétique, avec une partition qui évoquait les bruits de l'industrie, les gestes martelés du travail se combinant avec le contrepoint visuel d'un va-et-vient inlassable de leviers, pistons et la rotation de disques mobiles. Décors constructivistes de Jakoulov
Retour du classicisme avec Âpollon musagète (conducteur des Muses) Musique de Stravinsky théâtre Sarah Bernhardt créé le 12 juin 1928; chorégraphie de BALANCHINE, ou Stravinski voit "la lèr tentative de régénérer la danse Académique dans une oeuvre nouvelle composée à cet effet"- costumes de Coco Chanci
 1929- Serge LIFAR triomphe dans "le Fils 'Prodigue" (musique de PROKOFIEV décors de Georges ROUAULT, frappant d'intensité dramatique (chorégraphie de BALANCHINE)
 Mais DIAGHILEV, malade, meurt à Venise le 19 août 1929 La troupe se disperse l'année suivante, provoquant l'éclosion d'écoles nationales de ballet: LIFAR à l'Opéra de Paris, BALANCHINE à New-York Ninette de Valois, Alicia Markova, Anton Dolin à Londres, MAS SINE jusqu'en Argentine...
A travers eux se propage la leçon de DIAGHlLEV: un mélange de tradition et d'avant-garde, de rigueur et d'audace.

LES BALLETS
LE SACRE DU PRINTEMPS

Tableaux de la Russie païenne, en 2 parties, de Igor Stravinsky et Nicolas Roerich.
Musique de Igor Stravinsky.
Chorégraphie de Vaslav Nijinsky.
Décor et costumes de Nicolas Roerich; régie de Serge Grigoriev.
Créé à Paris, Th. des Champs-Elysées, le 29 mai 1913, sous la direction de PierreMonteux.
Principal interprète Marie Piltz (1a Vierge élue).
Reprise en 1920, dans une nouvelle chorégraphie de Léonide Massine avec Lydia Sokolova dans le rôle de la Vierge élue.

Dans la première version, l’action représentait des rites primitifs de la Russie païenne

1.    Adoration de la terre.
Sur le signal du sage, jeunes gens et jeunes filles se livrent à des danses sacrées.

Il.  Le sacrifice.
Les jeunes filles choisissent l'élue qui sera sacrifiée au Printemps. Dans la seconde version de 1920, le programme précise:
Le Sacre du printemps est un spectacle de la Russie païenne. L’œuvre est en 2 parties et ne comporte aucun sujet. C'est de la chorégraphie construite librement sur la musique ».
 Le scénario du Sacre fut conçu en 1911 par Stravinsky et N. Roerich à Talaclikino, près de Smolensk, dans la maison de la princesse Tenitchev. Le compositeur écrivit la partition dans sa propriété d'Oustiloug, puis à Clarens; jusqu'en avril 1912. Diaghilev ayant décidé d1en reporter la création à la saison suivante, Stravinsky retravailla l’œuvre au moins jusqu'au 29 mars 1913.
C'est à Nijinsky qu'incomba la lourde responsabilité de régler la chorégraphie. Si ses talents de danseur étaient unanimement reconnus de tous, il n'en fut pas de même pour ses activités de chorégraphe. Stravinsky en parle avec sévérité : «lorsque je me mis à lui expliquer en lignes générales et en détails la construction de mon oeuvre, je m'aperçus immédiatement que je n'arriverais à rien avant de l'avoir initié aux rudiments de la musique valeurs (ronde, blanche, noire, croche, etc.), mesure, tempo, rythme et ainsi de suite. Toutes ces choses, il les retenait avec infiniment de peine. Mais ce n'était pas tout. Quand, écoutant la musique, il méditait des mouvements, il fallait toujours encore lui rappeler de les faire concorder avec la mesure, ses divisions et ses valeurs. C'était une besogne exaspérante, on avançait à pas de tortue. Ce travail devenait encore plus pénible pour la raison que Nijinsky compliquait et surchargeait ses danses outre mesure et créait ainsi aux exécutants des difficultés parfois insurmontables ». (Chroniques 1, p. 90-91).
« En composant le Sacre, je me représentais le côté spectacle de l’œuvre comme une suite de mouvements rythmiques d'une extrême simplicité, exécutés par de grands blocs humains, d'un effet immédiat sur le spectateur, sans minuties superflues, ni complications trahissant l'effort. Il n'y avait que la danse sacrale terminant la pièce qui était destinée à une seule danseuse... »
Le jour de la première le Sacre, fut accueilli par un chahut indescriptible. La presse souligna que «  les interprètes ont réalisé un invraisemblable tour de force en mettant à la scène, durant deux actes, les gestes primitifs, inconscients, puérils, frénétiques de peuplades primitives, s'éveillant aux mystères de la vie » (Comoedia, 31 mai 1913). Ce même périodique, lors de la reprise en 1920, ajoute que le tort de Nijinsky avait été d'exagérer la contorsion et la dislocation des attitudes. Ce défaut était particulièrement sensible dans la danse finale ou « l'interprète les pieds constamment retournés en dedans, par une volontaire violation des règles de la danse, avait l'air de demander grace » (Comoedia, 16 décembre 1920).
Pendant toute la représentation, Stravinsky resta dans les coulisses a côté de Nijinsky « celui-ci était debout sur une chaise criant éperdument aux danseurs « seize, dix-sept, dix-huit»... Naturellement, les pauvres danseurs nentendaient rien à cause du tumulte dans la salle et de leur propre trépignement. Je devais tenir Nijinsky par son vêtement, car il rageait, prêt à tout moment à bondir sur la scène pour faire un esclandre.  Diaghilev, dans l'intention de faire cesser le tapage, donnait aux électriciens l'ordre tantôt d'allumer, tantôt d'éteindre la lumière dans la salle (op. cit., p. 103).
En 1920, en dépit de grandes difficultés financières, Diaghilev parvint à remonter le Sacre, grâce à l'appui, notamment, de Gabrielle Chanel. Il demanda à Léonide Massine de régler une autre chorégraphie en étroite collaboration avec Stravinsky. La nouvelle mise en scène ne tenait « plus compte d'aucun détail anecdotique, d'aucun développement littéraire ».
L'APRES-MIDI D'UN FAUNE

Tableau chorégraphique de Vaslav Nijinsky, sur le Prélude â l’après-midi d’un faune, de
Claude Debussy, églogue d'après le poème de Stéphane Mallarmé.
Décor et costumes de Leon Bakst; régie de Serge Grigoriev.
Créé a Paris, Th. du Chatelet, le 29 mai 1912, sous la direction de Pierre Monteux.
Principaux interprètes: Vaslav Nijinsky (1e Faune) Lydia Nelidova (la Nymphe).
Repris en 1922, avec une toile de fond de Picasso et Bronisiava Nijinska dans le rôle du Faune.

ARGUMENT
« La musique de ce Prélude est une illustration très libre du beau poème de Mallarmé. Elle ne prétend nullement â une synthèse de celui-ci. Ce son plutôt les décors successifs à travers lesquels se meuvent les désirs et les rêves du faune dans la chaleur de cet après-midi. Puis, las de poursuivre la fuite peureuse des nymphes et des naïades, il se laisse aller au sommeil enivrant, empli de songes enfin réalisés, de possession totale dans l'universelle nature » (notice du programme de la 1re audition en 1894, probablement rédigée par Debussy).
 La première commande de Diaghilev a un compositeur français fut faite à Debussy, qui écrivit en 1909 le scénario d'un ballet vénitien Masques et bergamasques, qu'il laissa sans musique. C'est ainsi que Diaghilev et Nijinsky vinrent à l'idée d'adapter l'après-midi d'un faune en ballet, sous l'influence, semble-t-il, des théories « eurythmiques » du Suisse Jacques Daicrozequalifié d'« un des pires ennemis de la musique » par Debussy lui-même, qui devait en détester la chorégraphie.
Ce fut le premier essai chorégraphique de Nijinsky.  Les danseurs, évoquant les attitudes des bas-reliefs antiques, défilaient de profil, devant une toile de fond placée presque à l'avant-scène.
Sa création fut pour moi un enchantement. Je l'avais fait à moi seul, fournissant jusqu'à ridée du décor que Léon Bakst n'avait d'ailleurs pas bien saisie.  La préparation de ce ballet demanda beaucoup de temps mais, sentant auprès de moi la présence de Dieu, je travaillais avec ferveur. J'aimais ce faune et je le fis aimer du public (Nijinsky, Journal, p. 212).
Auguste Rodin, ébloui par la beauté plastique des gestes de Nijinsky, écrit dans Le Matin: Plus de saltations, plus de bonds, rien que les attitudes et les gestes d'une animalité à demi consciente : il s'étend, s'accoude, marche accroupi, se redresse, avance, recule avec des mouvements tantôt lents, tantôt saccadés, nerveux, anguleux; son regard épie, ses bras se tendent, sa main s'ouvre au large, les doigts l'un contre l'autre serrés, sa tête se détourne avec une convoitise d'une maladresse voulue et qu'on croirait naturelle. Entre la mimique et la plastique, l'accord est absolu; le corps tout entier signifie ce que veut l'esprit; il atteint au caractère à force de rendre pleinement le sentiment qui l'anime; il a la beauté de la fresque et de la statuaire antiques; il est le modèle idéal d'après lequel on a envie de dessiner, de sculpter. Vous diriez de Nijinsky une statue, lorsqu'au lever du rideau il est allongé tout de son long sur le sol, une jambe repliée, le pipeau aux lèvres; et rien n'est plus saisissant que son élan lorsque, au dénouement, il s'étend, la face contre terre, sur le voile dérobé qu'il baise et qu'il étreint avec la ferveur d'une volupté passionnée'.
Ce fut un succès de scandale. Une polémique très vive s'ensuivit. Tandis que Debussy restait silencieux, Odilon Redon et Rodin se firent les défenseurs de Nijinsky, alors que le directeur du figaro,Gaston Calmette, mena le combat moralisateur.


L'OISEAU DE FEU

Conte russe en 2 tableaux de Michel Fokine. Musique d'Igor Stravinsky.
Chorégraphie de Michel Fokine.
Décors de Alexandre Golovine, exécutés par Sapounov et Charbey; costumes de Alexandre Golovine et de Lêon Bakst (L'oiseau de feu, Tsarevitch, Tsarevna) exécutés par Caffi; régie de Serge Grigoriev.
Créé à Paris, Th. de l'Opéra, le 25 juin 1910, sous la direction de Gabriel Pierné.
Principaux interprètes : Tamara Karsavina (L'oiseau de feu), Vera Fokina (la Belle Tsarevna), Michel Fokîne (1uan Tsarevitchj, Alexis Boulgakov (Kostchéij)

 ARGUMENT
 Ivan Tsarêvitch voit un jour un oiseau merveilleux tout d'or et de flamme; il le poursuit sans pouvoir s’en emparer et ne réussit qu'a lui arracher une de ses plumes scintillantes. Sa poursuite l'a mené jusque dans les domaines de Kostchéi l’immortel, le redoutable demi-dieu qui veut s'emparer de lui et le changer en pierre ainsi qu'il lent déjâ à maint prince et à maint preux chevalier: Mais lés filles de Kostchéi et les treize princesses, ses captives, intercèdent et s'efforcent de sauver Ivan Tsarévitch. Survient l'oiseau de feu, qui dissipe les enchantements. Le château de Kostchéi disparaît et les jeunes filles, les princesses, Ivan Tsarévitch et les chevaliers délivrés s'emparent des précieuses pommes d'or de son jardin.
 Le répertoire des spectacles de St-Petersbourg montrables à Paris étant épuisé, il fallait innover et innover dans une voie plus typiquement russe.
Dès 1909 Diaghilev retint ridée d'un ballet tiré du conte pour enfants l'oiseau de feu. Fokine commença à travailler sur le scénario, tandis qu'on cherchait un compositeur:
Benois penchait pour Tcherepnine, Diaghilev semblait préférer Lladov.  Diaghilev décida finalement d'en charger un débutant dont il avait entendu, aux concerts Ziloti, une partition (Feuxd'artifice) qui lui avait paru prometteuse  Igor Stravinsky.
Agé de 27 ans, cet élève de Rîmsky-Korsakov travaillait à un opéra, le Rossignol, dont il abandonna la composition pour se consacrer au ballet commandé par Diaghilev. Ecrite en quelques mois et achevée le 18 mai 1910, la partition de l'oiseau de feu assura à elle seule le succès du spectacle car l'argument, assez schématique, manquait de force dramatique, et le décor de Golovine représentant le jardin de Kostchéi, à l'aube, admirable sur la maquette, déçut à la scène (selon Benois). Le style de la musique était Si nouveau que Pavlova refusa de créer le rôle de l’oiseau. Karsavina ne parvint à l'assumer qu'avec raide de Stravinsky, venant répéter inlassablement des passages de sa partition au piano.
Fokine lui-même a clairement défini le sens de son travail chorégraphique : recherche d'une expressivité de la danse liée au mouvement et non â la mimique
 Dans la composition des danses, j'utilisai trois méthodes totalement différentes, à la fois de caractère et de technique Le royaume du mal était bàti sur des mouvements tantôt grotesques, angulaires et laids, tantôt comiques. Les monstres rampaient à quatre pattes et sautaient comme des grenouilles... En même temps j'utilisai des pas de virtuosité technique comme les sauts et les tours. Les princesses dansaient pieds nus avec des mouvements souples, gracieux et doux, et quelques touches de danses folkloriques russes.
Je mis en scène la danse de l'Oiseau de feu sur pointes et avec beaucoup de sauts. Elle était d'une grande difficulté technique mais sans entrechats, battements ni ronds de jambes, et bien sûr sans en-dehors ni aucune préparation. Les bras s1ouvraient comme des ailes ou étreignaient le buste et la téte en complète contradiction avec les positions des bras du ballet traditionnel.
Dans les mouvements des bras de l'oiseau, comme dans ceux des serviteurs de Kostchéi il y avait un élément oriental... Dans ce ballet j'éliminai totalement les mouvements de mains stéréotypés et la pantomime habituelle au développement de l'intrigue et je racontai l’histoire avec faction et la danse (M. Fokine, Memoirs, p. 167-168)
Il y a beaucoup d'autres ballets aussi passionnants les uns que les autres.
                                                                               CITATIONS

1 « Fokine était conscient d'avoir inauguré une nouvelle ère de la danse par sa reforme de l'ancienne école classique. Il était persuadé que sa créativité était loin d'être épuisée. Mais il était clair que Diaghilev pensait qu'il n'avait plus rien à dire et cherchait quelqu'un pour le
remplacer. De plus, il était évident que son choix s'était fixé sur Nijinsky alors que ni Fokine, ni moi, ni aucun de nous ne pensions que Nijinsky suffirait à la tâche... Lorsque, finalement, Fokine apprit cela, il eut un long et sincère entretien avec Diaghilev, après lequel il décida de quitter la compagnie à l'expiration de son contrat en juin [1912]. Dîaghilev accueillit cette décision avec une certaine indifférence. Mais ceci me surprit peu car j'en étais venu à réaliser qu'il n'estimait ses collaborateurs que dans la mesure où, à son point de vue, ils avaient quelque chose de nouveau à apporter». (S. Grigonev, The Diaghilev Ballet, p. 64).

 2 « Fokine était spécialement attaché à Daphnis et, finalement, dansa le rôle titre alors que nous étions à Monte-Carlo... quelques critiques le préférèrent à Nijinsky dans ce rôle» (S. Grigoriev, The Diaghilev Ballet, p. 97-98).

 3 je reçus une lettre de Benois, qui mentionnait qu'il avait eu l'idée de persuader Sergei Pavlovich Diagliilev d'emmener la Compagnie de ballet à Paris et d'y présenter Le Pavillon d’armide et quelques autres de mes ballets...M'appuyant sur cette lettre, j'ai toujours considéré que l’origine de l'idée de présenter le ballet en Europe de l'Ouest appartenait à Benois et qu'il fallait lui laisser le crédit d'avoir insisté pour que le programme soit formé de mes ballets et non du vieux répertoire ~, (Michel FOKINE, Memoirs, p. 138)

 4 le Pavillon d'Armide :« Ceux qui étaient habitués à la fadeur maladive adoptée invariablement par les theâtres parisiens pour caractériser l'époque Rococo (comme pour Manon dans la production de l'Opéra-Comique) trouvèrent nos couleurs trop vives et la grâce de nos danseurs trop apprêtée. Mais pour ceux qui comprenaient réellement Versailles, les porcelaines chinoises de Sévres, les tapisseries, les appartements dorés des châteaux et l'architecture des parcs, notre Pavillon d’Armide fut une révélation. Parmi nos amis les plus enthousiastes étaient Robert de Montesquiou et Henri de Régnier lui même. (A. Benois, Réminiscences, p.292.)

 5 Les Sylphides  La Valse était dansée par Auna Paviova et Michael Oboukhov. A.Pavlova apparut dans un costume à la Taglioni, d'après une maquette de Léon Bakst.  C'était simplement une reproduction des gravures des années 1840 «Oboukhov portait un costume de velours noir, tout à fait romantique, pris dans les costumes du ballet la Fée des poupées, également d'après une maquette de Léon Bakst. La chorégraphie différait de tous les autres pas de deux par l'absence totale de tours de force spectaculaires. Il n'y avait aucun entrechat, tour en l'air ou pirouette. (Michel Fokine,Memoirs, p. 101)

 6 Giselle.  Nous étions, Nijinsky et moi, Si désireux de faire de nos râles dans Giselle deux chefs-d’œuvre, que notre désir de nous imposer mutuellement notre personnalité amena des conflits tumultueux, écrit T. Karsavina. Sur la scène russe, Giselle était une sorte de ballet sacré dont on ne pouvait changer un seul pas. Je savais le rôle tel que me l'avait enseigné Mme Sokolova, et j'en aimais les moindres détails; je fus donc tristement stupéfaite quand je m'aperçus que je dansais, mimais, délirais et mourais le cœur brisé, sans provoquer la moindre émotion de la part de Nijinski. Il restait là, pensif, à se ronger les ongles.  C'est à vous maintenant d'avancer vers moi, lui soufflais-je. - Je sais ce que j'ai à faire, me répondait-il bougon. Après de vains efforts pour répéter le dialogue toute seule, je me mis à pleurer, Nijinsky boudait et ne se laissa pas attendrir. Diaghilev m'entraîna dans les coulisses, moffrit un mouchoir et me conseilla de me montrer indulgente. Vous ne connaissez pas les volumes quil a écrit sur ce rôle, me dit-il, ni ses traités sur la manière de l'interpréter ! » (Les souvenirs de T. Karsavina, p.242-43).

 7 L'oiseau de feu. Dans la composition des danses, j'utilisai trois méthodes totalement différentes, à la fois de caractère et de technique. Le royaume du mal était bâti sur des mouvements tantôt grotesques, angulaires et laids, tantôt comiques. Les monstres rampaient à quatre pattes et sautaient comme des grenouilles... En même temps j'utilisai des pas de virtuosité technique comme les sauts et les tours. Les princesses dansaient pieds nus avec des mouvements souples, gracieux et doux, et quelques touches de danses folkloriques russes. Je mis en scène la danse de l'Oiseau de feu sur pointes et avec beaucoup de sauts. Elle était d'une grande difficulté technique mais sans entrechats, battements ni ronds de jambes, et bien sur sans en-dehors ni aucune préparation. Les bras s'ouvraient comme des ailes ou étreignaient le buste et la tête en complète contradiction avec les positions des bras du ballet traditionnel. Dans les mouvements des bras de l'oiseau, comme dans ceux des serviteurs de Kostchéi il y avait un élément oriental... Dans ce ballet j'éliminai totalement les mouvements de mains stéréotypés et la pantomime habituelle au développement de l'intrigue et je racontai l'histoire avec l'action et la danse » (M. Fokine, Memoirs, p. 167-168)

 8 Pétrouchka « Quant à la composition des danses de Petrouchka  je dois répéter ce que j'ai déjà dit pour la composition des tableaux : je voulais que tous les danseurs qui visitaient la foire dansent gaiement et librement, comme Si les pas n'étaient pas composés mais jaillissaient spontanément d'une surabondance d'émotion et de gaieté, amenant la foule à une improvisation débridée. Rien dans la nature de ce spectacle ne devait suggérer l'existence d'un chorégraphe. Mais, en même temps, chacun des danseurs devait exécuter tous les mouvements en détail sans apporter le moindre changement à ma chorégraphie. Pour les solistes, je tentai de créer des mouvements artificiels comme ceux des marionnettes, et, en même temps de rendre compréhensible l'intrigue matérialisée par trois personnages totalement différents, de sorte que, en dépit des mouvements de marionnettes, le public puisse répondre et sympathiser.»

(M. Fokine, Memoirs p. 188, 191.)

9) L'APRES MIDI D'UN FAUNE
       J'ai vu le faune. Il louche de l’œil son pelage pie. Un malaise de résurrection accompagne ses gestes. Lenteur de Lazare! Il sort des siècles. Il est grave, il est attentif, il inspecte ; il est le faune ; il ne sait rien d'autre. Ses lourdes cornes l'obligent à pencher son profil de chèvre. Il possède sa flûte, sa corbeille, sa mousse et ses raisins violets. Nous avons vu le Faune. Jamais encore ce spectacle, et jamais cette stupeur sacrée ! » (J. Cocteau dans Comoedia, 28 mai 1912).