Constantes expressives dans le langage musical de Bach



Nous traiterons sur cette page des constantes expressives dans le langage musical de J.S. Bach. Nous exposerons ces constantes en les illustrant d'extraits de partitions et d'enregistrements (non commercialisés) réalisés par Jacques Fischer.
Cette approche du langage musical de J.S. Bach, qui n'est pas nouvelle, eût été impossible sans les travaux d'analyse considérables de personnalités telles que André Pirro ("L'esthétique de Jean-Sébastien Bach" éditions Minkoff, 1907 réed. 1984), Albert Schweitzer ("Jean-Sébastien Bach, le musicien poète" éditions Fœtisch, 1904) ou, dans ces trente dernières années, Marie-Claire Alain.
* * * *

I) Les constantes expressives chez Bach : introduction

Comme le dit Marie-Claire Alain, l'Orgelbüchlein constitue un véritable dictionnaire des constantes expressives chez Bach, autrement dit, de son langage musical que l'on rencontrera partout dans ses œuvres religieuses voire profanes.
Nous avons donc choisi les exemples les plus typiques de l'Orgelbüchlein, le Petit Livre d'Orgue, mais aussi d'autres volumes ou de cantates.
Nous citerons Pirro dont le livre "L'esthétique de Bach" paru en 1903 traite du langage expressif de Bach dans les cantates : "Profondément attaché à la Religion Evangélique, il juge indispensable, pour l'édification des fidèles, que le texte religieux agisse sur eux dans sa plénitude et leur aille droit au coeur. 
L'esprit du public était façonné à cette manière d'entendre la musique comme un langage. A cette formation des auditeurs, correspondait celle des jeunes musiciens. Une part importante est faite aux recettes expressives dans les traités de composition aux 17° et 18° siècles..." Tout musicien désireux d'étudier cette rhétorique dans les chorals ou les cantates devra obligatoirement faire correspondre le texte aux notes principales du thème : en langue originale ou, à défaut, en français, à condition que les mots soient strictement parallèles à ceux de la langue allemande.
En 1608 déjà, Claudio Monteverdi a dépeint, dans son Orfeo, la profondeur des abîmes en utilisant une tessiture très grave. En 1623, Heinrich Schütz, dans son "Histoire de la Résurrection", accompagne le mot "résurrection" par un motif ascendant et plus loin, sur les mots "je plie les genoux", il se sert d'un motif descendant. Buxtehude dont l'influence sur Bach n'est pas à rappeler usait aussi d'un langage figuratif.
Bach suivra, à sa manière et avec son génie propre, la leçon des Anciens...

II) Les mouvements conjoints descendants

C'est le sens Ciel-Terre ou Terre-Tombeau.
Il peut donc s'agir de la naissance, comme de la mort. C'est aussi la réponse du Ciel à la prière (voir la sinfonia de la cantate 4)
Les Chorals de Noël renferment beaucoup de lignes descendantes, le plus typique étant "Von Himmel kam der Engel Scharr" BWV 607, "Du Ciel est venue une légion d'anges" qui débute par une grande descente aux voix intermédiaires et à la pédale.


III) Les mouvements conjoints ascendants

Ce sont des portions de gammes ou des gammes entières.
C'est le sens Terre-Ciel : c'est l'espoir du chrétien qui regarde vers Dieu, la Prière.
Fréquents dans les chorals de Pâques, ces mouvements ascendants concernent donc la résurrection qui représente l'espoir par le rachat.
Dans les cantates, lorsque nous rencontrons des mots comme "aufstehen" (se lever), "aufwachen" (se réveiller), on retrouve ces motifs ascendants.
Ils impliquent également la notion d'espace et d'ouverture : dans le choral "Herr Gott, nun schleuß den Himmel auf" BWV 617 "Seigneur, ouvre-moi ton Ciel", les paroles qui suivent sont : "mein' Zeit zu End' sich neiget", "j'ai terminé ma course" et sont très clairement illustrées dans la partition :

Les gammes peuvent aussi symboliser l'écoulement inexorable de la vie comme dans le choral "Ach wie nichtig, ach wie flüchtig" BWV644, "Ah, combien vaine et fugitive est la vie". Des traits rapides ascendants et descendants sur octaves à la basse décrivent la vie comme un nuage qui apparaît puis disparait.

Elles expriment la réjouissance et parfois l'idée de chemin.
Dans la cantate 150, sur les paroles "Leite mich, in deiner Wahrheit", "Conduis-moi dans ta vérité", on trouve une gamme qui va de la voix de basse jusqu'aux violons en passant successivement par les voix de ténors, d'alti puis de soprani pour enfin terminer sur un accord consonnant sur le mot "Wahrheit". cette montée en gamme ascendante indique bien le chemin à suivre jusqu'à la Vérité.
Dans la cantate 152, "préparez les routes, préparez la voie", on retrouve ces gammes.

IV) Combinaison des deux formules

Si les mouvements ascendants expriment l'espoir, la prière, et si les mouvements descendants expriment la naissance, la réponse du Ciel, alors le mélange des deux mouvements exprime la prière exaucée.
Mais on retrouve ces mouvements contraires dans les chorals où il est question de la joie de la naissance ou de la résurrection. Nous appellons ces broderies dans un sens et dans l'autre, le mouvement de liesse.
Trois chorals bien typiques expriment cette liesse, il s'agit de :
- "Lobt Gott, ihr Christen allzugleich" BWV609, "Louez Dieu, chrétiens, tous ensemble"
- "Christ ist erstanden" BWV627, "Christ est ressuscité"
- "Heut' triumphieret Gottes Sohn" BWV630, "Aujourd'hui le Fils de Dieu triomphe"

Lors d'une étude approfondie que nous avons faite sur la Passacaille en ut mineur pour orgue BWV 582 nous avons constaté que ses 21 variations constituent un rappel de nombreux chorals de l'Orgelbüchlein allant de l'espoir du chrétien dans l'attente du Sauveur, de la Nativité, du Calvaire à la Résurrection : précisément, les dernières mesures sont bel et bien écrites en mouvements conjoints et contraires...

V) Les mouvements disjoints

Ce sont les intervalles dans la mélodie.
L'intervalle marque une idée de distance. Dans les cantates, lorsque Bach parle du Monde, il utilise des mouvements ascendants et descendants disjoints et sur toute une octave. C'est également l'idée de plénitude, ce qui nous mène à la notion d'univers. Regardons, à ce propos, le début de la grande fugue en mi mineur, le motif que Marie-Claire Alain baptise à juste titre "l'éventail de l'Univers" :

Les mouvements disjoints marquent aussi l'idée d'ouverture, avec toujours cette notion d'espace.
Dans le choral "Herr Gott, nun schleuß den himmel auf" BWV 617, "ouvre-moi ton Ciel", dont nous avons déjà observé les lignes mélodiques aux voix manuelles, nous retrouvons à la basse d'impressionnants intervalles d'octave qui figurent l'idée d'une ouverture jusqu'au Ciel (la basse parcourt le pédalier sur presque toute son étendue).

Lorsque les intervalles descendants deviennent dissonnants, ils dépeignent alors la corruption, le péché, la mort.
Déjà, dans le premier choral, "Nun komm, der Heiden Heiland" BWV 599, "Viens maintenant, Sauveur des païens", non seulement nous trouvons les retards et notes tenues qui figurent l'attente (l'harmonie et ses résolutions se font attendre), mais nous rencontrons l'état de corruption du monde des païens non encore secourus par la Calvaire. Nous remarquons dès la première mesure, l'intervalle très dur (avec battements en tempéraments anciens) de LA-RÉ dièse,comme SI-FA dièse, appelés "intervalles de la mort".
Nous le retrouvons d'ailleurs quatre fois dans la partition, symbolisant ainsi les quatre branches de la Croix salvatrice.

Un choral très caractéristique des intervalles dissonants altérés est "Durch Adam's Fall ist ganz verdebt" BWV637, "Par la chute d'Adam, tout est corrompu". Nous y rencontrons des chutes de 7ème diminuées on ne peut plus figuratives au pédalier, tombant de surcroît sur les temps faibles de la mesure à quatre temps.
Les circonvolutions du serpent sont exprimées au manuel par des hésitations de l'orientation mélodique et l'idée de poison est dépeinte dans les hésitations harmoniques : l'harmonie est sournoise et indéterminée.

Un autre choral très descriptif en matière de dissonances est "Christus der uns selig macht" BWV620, "Christ qui nous rend bienheureux", choral du Jardin des Oliviers. L'harmonie y est très tendue, pleine de fausses relations et de dissonances, sur des paroles telles que : "...als ein Dieb gefangen, geführt von Gottlose Leut' und fälschlich verklaget, verlarcht, verhöhnt und verspeit...", "...arrêté comme un voleur, conduit devant des gens impies, et faussement accusé, moqué, couvert de honte et de crachats...".

Les grands intervalles dissonnants ascendants peuvent dépeindre une imploration angoissée, les grands intervalles descendants ou les deux mêlés, les plaies physiques et morales de l'homme voué au calvaire.
Dans la cantate BWV78, "Jesu, der du meine Seele", sur les paroles "Erbarme dich", "aie pitié de moi", nous trouvons ceci :

De manière analogue mais dans un rythme différent, dans la cantate BWV47, "Wer sich selbst erhöhet, der soll erniedriget werden", sur les paroles "...les plaies, les clous, la couronne d'épine et le tombeau, l'homme n'est qu'ordure, poussière, cendre et fange.... Ô douleur, ô misère..." :


VI) Les chromatismes
Les chromatismes (intervalles de demi-tons) font partie des intervalles altérés et occupent une place à part :
Les chromatismes descendants figurent le désespoir ou la mort : c'est la douleur du chrétien qui regarde vers la tombe, la résignation dans le malheur. Dans le choral donné en exemple précédemment nous les rencontrons sur les mots "Dieb" et "verklaget"
La fugue de la Fantaisie et Fugue dite "fantaisie chromatique pour clavecin" a, dans son thème, des chromatismes ascendants. Ces chromatismes préfigurent l'espoir du chrétien en la naissance du Christ. Dans les tempéraments anciens, ces chromatismes sonnent inégalement (ce qui n'est pas le cas dans le tempérament égal actuel) et prennent donc une valeur toute particulière.
On retrouve des chromatismes dans les chorals BWV614 "Das alte Jahr vergangen ist", "l'ancienne année s'en est allée" ou le BWV622 "O Mensch bewein dein Sünde gross", "Ô homme, pleure tes lourds péchés"

VII) Les mouvements arpégés
Ils apparaissent souvent quand il s'agit de l'Esprit. Nous en trouvons un exemple dans le Choral Fantaisie de Leipzig BWV 651 sur "Komm, Heiliger Geist", "Viens, Esprit Saint".

Un autre exemple est donné par le choral de l'Orgelbüchlein "Herr Jesu Christ, dich zu uns wend" BWV 632, "Seigneur Jésus Christ, tourne toi vers nous" :


VIII) Les rythmes
Certains rythmes sont particulièrement expressifs comme la danse de l'Esprit Saint au manuel dans le choral "Komm, Gott, Schöpfer, heiliger Geist" BWV631, "Viens, Dieu, Créateur, Esprit Saint" :

ou, comme dans le choral "Der Tag, der ist so freudenreich" BWV 606, "Ce jour, si plein de joie", ou on trouve le dactyle de la joie :

Les deux exemples précédents montrent des rythmes bien affirmés.
Cependant, dans le langage de Bach, on trouve aussi des hésitations rythmiques qui expriment l'incertitude, la peur, les hoquets de l'angoisse. C'est l'interruption d'une suite modérée, se dressant comme un obstacle qui figure l'allure chancelante de l'homme enchaîné, du chrétien accablé.
Nous en venons donc à parler des silences :
Ils peuvent être une solution de continuité proprement dite, mais, dans les rythmes joyeux et solennels, ils peuvent donner un appui plus marqué à certaines notes. Dans les syncopes, ils donnent un accent sur un temps faible, c'est pourquoi les notes syncopées ne sont jamais liées.
Le choral où les silences donnent du poids au rythme est , parmi ceux de l'Orgelbüchlein "Der Tag, der ist so freudenreich" BWV 606 ci-dessus.
IX) Les rythmes syncopés
La syncope est un rythme dont les appuis sont transposés sur un temps faible de la mesure : par exemple, la basse du choral des sept dernières paroles du Christ sur la Croix "Da Jesu an dem Kreuze stund" BWV621 se trouve décalée par rapport aux temps forts. Ces hoquets expriment l'angoisse et la douleur.

Des sentiments identiques sont musicalement exprimés de cette façon dans la première aria de la cantate "Ich steh mit einem Fuß im Grabe" BWV156 "J'ai un pied dans la tombe", la basse, syncopée, présente le motif suivant :


X) Sixtes et tierces conjointes parallèles
La tierce est longtemps demeurée signe de paix et de douceur du fait que bien des tempéraments anciens renfermaient des tierces pures. Choral "Mit Fried und Freud ich fahr dahin" BWV 616, "Avec paix et avec joie je quitte ce monde".

Les sixtes parallèles symbolisent la volonté divine ainsi que l'obéissance à Dieu, souvent associées au canon (voir plus loin). Choral "Christ, du Lamm Gottes" in canone alla duodecima BWV 619, "Christ, Agneau de Dieu" immolé pour le rachat du Monde selon la volonté de Dieu.


XI) Le dactyle
C'est un petit groupe rythmique rapide de notes figurant la joie.
Choral de l'Orgelbüchlein "Der Tag, der ist so freudenreich" BWV 605, "Ce jour si plein de joie"


XII) Les notes répétées
Les notes répétées figurent souvent la Loi Divine comme dans le choral des dix Commandements "Dies sind die heil'gen zehn Gebot" BWV 635 "Voici les dix Saints Commandements", le même choral dans la messe luthérienne.

Remarquons que les notes répétées, le sont par groupes de 2x5 (=10) en canon.

XIII) Les liaisons de notes par groupe de deux
La liaison de notes par deux implique un appui insistant, douloureux, régulier : C'est la pénible marche au Calvaire ou le fardeau des péchés de l'humanité supporté par l'Agneau.
Choral de l'Orgelbüchlein "O Lamm Gottes, unschuldig" BWV 618, "Ô innocent Agneau de Dieu" :


XIV) Ouvertures à la française (rythmes surpointés)
C'est un rythme de croche pointée - double croche.
Elles représentent la marche solennelle, l'entrée dans l'église, la majesté divine.
Prélude en MI bémol majeur de la Messe Luthérienne pour orgue BWV 552.


XV) Les broderies en croix
La broderie en croix est un motif musical couramment utilisé par Bach dès qu'il s'agit du Calvaire, de la Passion du Christ. Ce motif est le suivant :


Le choral le plus descriptif, où foisonnent les motifs qui figurent la Croix du Christ est le choral "Christ lag in Todesbanden" BWV625, "Christ gisait dans les liens de la Mort" ainsi que dans la cantate du même nom BWV4 qui en comporte à toutes les voix et à tous les instruments.

Les croix en mouvements disjoints peuvent figurer l'étoile de Noël comme dans le choral "Herre Christ, der ein'ge Gottes Sohn" BWV601 "Seigneur Christ, l'unique Fils de Dieu" au moment où la musique correspond au texte "il est l'étoile du matin, il lance son éclat au loin, surpassant en clarté les autres étoiles :

Ainsi les croix ne se rencontre-t-elles pas uniquement dans les chorals liés au calvaire mais aussi dans des chorals de Noël. Toutefois, la venue du Christ à Noël a aussi pour but le Calvaire futur et Bach le rappelle dans ses chorals. Ainsi dans "Jesu meine Freude" BWV 610, "Jesus, ma joie" le texte dit : "Jesus ma joie, nourriture de mon cœur, Jésus ma parure. Ah, combien longtemps mon cœur est anxieux et soupire après toi ? Agneau de Dieu, mon fiancé...." Fiancé indique indique l'idée de liaison : les chrétiens sont liés au Christ par ce qu'il a fait pour eux : il a accepté le sacrifice de la Croix. Dès les premières mesures nous rencontrons des dissonances telles que les secondes et des motifs en croix qui impliquent donc l'idée de la mort même dans un choral de joie : le Christ est né pour mourir.



XVI) Le canon
Bach l'emploie souvent quand il s'agit de donner l'idée de soumission à la Loi Divine. Il est présent dans les chorals de la Passion, ce qui signifie en clair que le Fils a accepté la souffrance du Calvaire.
Bach écrivait avec génie le canon renversé. C'est aussi une façon de suggérer, au-delà de l'idée de soumission, celle d'opposition, de résistance.
Un exemple est donné plus haut par le choral "Christ, du Lamm Gottes" BWV 619, "Christ, Agneau de Dieu"
XVII) Les voix médianes ou intermédiaires
Le Fils est la plupart du temps représenté aux voix de l'alto ou du ténor, parce qu'il est, dans le texte des chorals, considéré comme le Médiateur.
Choral de la Messe Luthérienne pour orgue "Christe, aller Welt Trost" BWV 670, "Christ, consolateur du Monde"

Notez, mesures 7 et 8, sur le mot "Christe" la présence de tierces et de sixtes.

XVIII) Les notes en valeurs longues
Elles symbolisent l'éternité, la langueur et surtout la plupart du temps, la voix du Père présente soit au soprano, soit à la basse.
Troisième Fugue de la Triple fugue de la Messe Luthérienne pour orgue BWV 552,2 : Le thème du Père de la première fugue apparaît à la basse mesure 101.


XIX) La symbolique des nombres chez Bach
La symbolique des nombres, déjà présente dans l'Orgelbüchlein, l'est de manière plus recherchée dans la Messe Luthérienne pour Orgue. Nous ne parlerons que des chiffres les plus importants de cette numérologie, alchimie mathématique et musicale.
pastedGraphic_31.pdf"1" : Le Dieu Unique. Bach a écrit le choral "Wir gläuben all an einen Gott" BWV 680 de la Messe Luthérienne sur 100 mesures (1+0+0 = 1)
pastedGraphic_32.pdf"2" : Le couple, la comparaison. Dans la musique religieuse du Cantor il représente l'image du Fils par rapport à celle du Père : Dans la troisième fugue de la triple fugue terminale de la Messe Luthérienne, Bach mèle le thème du Père à celui de Fils à la mesure 92 (9+2=11 ; 1+1=2) et non par hasard sur le 2eme temps de la mesure.

C'est aussi l'effet de miroir en musique : le thème et le renversement du thème comme dans le choral de Leipzig "Vor deinen Thron tret ich" BWV 668a "Devant ton trône je vais paraître"

pastedGraphic_32.pdf"3" et ses multiples : La Sainte Trinité.
Le plus bel exemple que nous puissions donner est celui du symbole trinitaire Père-Fils-Esprit dans la Messe Luthérienne pour orgue : Le prélude renferme trois thèmes majeurs et comporte trois bémols à la clef :
1° thème : Le Père représenté par le rythme à la française de la Majesté Divine.

2° thème : Le Fils à l'image du Père, motif répété deux fois en écho (forte, piano) et suivi de croix sur tierces dans les voix médianes :

3° thème : Une gamme descendante représente la venue de l'Esprit Saint et s'enchaine sur un motif aux intervalles croissants représentant le feu de l'Esprit.

La fugue terminale après les 21 chorals de la Messe, encore appelée triple fugue renferme aussi trois thèmes distincts :

1° fugue, 1° thème : composée sur 36 mesures (4x9 ou 3+6=9 : exaltation de la Trinité). Le canon intervient à la 3° mesure et la réponse du thème à la pédale mesure 14 (voir plus bas). De plus, foisonnent tierces et sixtes.

2° fugue, 2° thème sur 45 mesures (4+5=9) et se termine donc à la 81° mesure du triptyque (8+1=9). C'est le thème du Fils à l'image du Père : en effet, sur son propre motif en croix réapparait à la mesure 59 (5+9=14, voir plus bas) le thème du Père de la 1° fugue, en double canon (encore un symbole du Fils à l'image du Père et qui lui doit soumission).

3° fugue, 3° thème sur 36 mesures (comme la 1°). L'ensemble des trois fugues comprend donc 117 mesures (1+1+7=9). C'est la "danse de l'Esprit". La mesure est à 12/8 comme dans le choral de Leipzig BWV 667 "Komm, Gott Schöpfer, heiliger Geist" qui est aussi représentatif de cette "danse de l'Esprit".

pastedGraphic_42.pdf"4" : Les quatre éléments, les quatre branches de le Croix.
L'exemple le plus convaincant est bien celui du choral de l'Orgelbüchlein BWV 625 ":Christ lag in Todesbanden" (exemple déjà donné plus haut : "
Motifs en croix") : quatre groupes de quatre doubles croches à chaque mesure.... à quatre temps !
pastedGraphic_31.pdf"5" : Les cinq plaies du Christ.
pastedGraphic_42.pdf"6" : Chiffre du Créateur, le Monde a été conçu en six jours. Bach a regroupé grand nombre de ses œuvres par six (6 concertos Brandebourgeois, 6 sonates en trio pour orgue, 6 suites pour orchestre, 6 partitas pour orgue et pour clavecin, 6 suites pour violoncelle, etc...)
Le premier Kyrie de la Messe Luthérienne pour orgue (voix du Père au soprano) s'étend sur 42 mesures (4+2=6)
Le second Kyrie (voix du Père à la basse) sur 60 mesures (6+0=6)
pastedGraphic_43.pdf"7" : Chiffre parfait, la totalité, les 7 sons de la gamme traditionnelle, les sept dernières paroles du Christ sur la Croix. Il est dit "chiffre de l'Homme" :
Dans la trilogie Kyrie-Christe-Kyrie de la Messe Luthérienne, le choral se référant au Christ contient 61 mesures (6+1=7)
Mais c'est aussi l'humain corrompu représenté parmi d'autres intervalles dissonnants par des accords de septièmes diminuées (exemple du choral BWV 637 déjà traité 
plus haut)
Dans le choral "Da Jesu an den Kreuze stund" BWV 621le ténor et la basse font sept entrées combinées.
pastedGraphic_32.pdf"10" : La Loi, les Dix Commandements. Dans le choral "Dies sind die heilgen zehn Gebot" BWV 679, "Voici les Dix Saints Commandements", sur la première mesure, le SOL est répété dix fois....

pastedGraphic_32.pdf"12" : L'Église, les douze apôtres, les douze sons de l'échelle chromatique, le cycle des quintes.
pastedGraphic_42.pdf"13" : L'incertitude, la crainte.
pastedGraphic_43.pdf"14" et son inverse "41" : Très souvent, la signature de Bach. En numérotation de l'alphabet allemand B=2 + A=1 + C=3 + H=8 : 14. Bach signait souvent ses œuvres à la mesure 14 ou son inverse 41, parfois avec les notes B-A-C-H de la gamme anglo-saxonne ou de façon cachée sur les mêmes notes transposées dans une autre tonalité (Franz Liszt a écrit une somptueuse fugue pour orgue dite "fugue sur B-A-C-H").
Dans le choral "Vater unser in Himmelreich" BWV 682 de la Messe Luthérienne pour orgue Bach signe d'une manière inédite en faisant intervenir pour la seule et unique fois au pédalier le rythme lombard, constant dans toutes les parties manuelles, à la mesure 41 :

pastedGraphic_42.pdfNotons qu'il est arrivé à Bach de signer une œuvre à la mesure 158 : C'est Johann Sebastian Bach en toutes lettres.