Luths d'Afrique de l'Ouest


Le luth, cet instrument à cordes pincées, est répandu parmi de nombreuses populations d'Afrique de l'Ouest, mais on le décèle dans une aire géographique précise : celle du désert et des savanes. Le luth n'est pas connu dans la forêt dense qui descend vers l'océan. Cet instrument est assez curieux, surtout dans la manière de l'accorder. Les cordes qui selon les modèles se limitent à 2, 3 ou plus, sont maintenues le long du manche qui n'est rien d'autre qu'un bâton rudimentaire, au moyen d'anneaux de cuir qui coulissent. Or ce procédé était déjà connu dans l'Egypte pharaonique. De nombreuses peintures murales dévoilent un luth dont l'aspect s'apparente beaucoup à celui de l'Afrique de l'Ouest. Dans l'Egypte pharaonique le luth était joué par les femmes, ce qui n'est pas le cas en Afrique de l'Ouest où le luth, est la propriété exclusive des hommes. Probablement cet instrument qui possède de nombreux noms, dont hoddu, khalam, tidinit, kountigui, ce dernier étant le plus proche de la dénomination du luth chez les Pharaons, gegenty a été probablement colporté par les Peuls qui l'ont répandu partout où ces derniers nomadisaient. Car les Peuls sont les seuls à détenir un mythe racontant l'origine de l'instrument. Ici les 3 cordes correspondent aux trois ancêtres qui ont donné naissance aux Peuls dont l'un, du nom de Demba, est également l'ancêtre des griots. Le luth en Afrique de l'Ouest est la propriété des griots, cette caste de musiciens professionnels. Le luth sert à la récitation des épopées, fait l'éloge des chefs, c'est dire son importance. Il soutient la voix dans le chant et parfois on lui connaît une musique instrumentale. Il parle aussi comme de nombreux instruments du continent africain : mais à ce niveau, il faut savoir décoder son langage. Il est donc parole et musique. C'est parmi les Hassaniya de Mauritanie que l'instrument véhicule une esthétique très particulière, chargée d'une sonorité où s'interfère le bruit et toute sorte de parasites sonores. Le luth tidinit résonne de manière bien percussive. Ailleurs, le jeu du luth est empreint d'une grande nervosité. Il recherche la fioriture, mais celle-ci est entrevue à l'échelle du microcosme. Le luth d'Afrique de l'Ouest malgré son importance historique, est un instrument peu connu, peut être parce-qu'il exprime l'inconscient de ceux qui en jouent, ce qui est le plus difficile à saisir. Pour de nombreuses oreilles, on lui préfère la sonorité du balafon ou de la kora, ses principaux rivaux.

Christian Poché