Parsifal et l’érotisme

Parsifal et l’érotisme
Revue du Cercle Belge Francophone R. Wagner, Bruxelles, 2003-04, n°3, p.4 à 14.
« Parsifal gardera toujours sa place dans l’histoire de la séduction,
celle d’un coup de génie dans l’art de séduire… »
Friedrich NIETZSCHE
Parsifal et l’érotisme ? Du désir, de la séduction – bref du sexe – dans une « représentation dramatique et sacrée » (Bühnenweihfestspiel) ? Est-ce bien compatible, est-ce bien raisonnable, est-ce bien légitime ? Le sacré en effet semble bannir toute dimension sulfureuse tandis que la représentation d’un drame en 1882 exclut a priori tout épanchement sensuel sur scène. Or Parsifal présente une petite vingtaine d’années après Tristan et Isolde cette force de séduction dont témoigna un Nietzsche alors bien détaché du maître de Bayreuth.
La conception wagnérienne de l’érotisme fut en partie inspirée à Richard Wagner par les théories développées par Feuerbach dans son Essence du christianisme paru en 1841, œuvre qui influencera la « conception fondamentale du Ring », notamment en ce qui concerne l’idée d’une « religion terrestre fondée sur l’amour humain » (1). Quoiqu’il en soit, l’expression érotique, constante tout au long de la production de Richard Wagner, concerne le désir charnel et ses dérivés (le désir de rédemption par exemple, fondé sur la sublimation), que l’amour s’y adjoigne ou non. Or l’acmé du désir chez Richard Wagner exclut sa résolution – le plaisir –, laquelle ruine le processus dramatique. Le Venusberg, lieu du plaisir à l’état pur, est d’ailleurs trop intense et trop long pour Tannhäuser (« Zu viel ! Zu viel ! » s’écrie-t-il). Le paroxysme du désir lui-même reste un événement isolé dans la production de Richard Wagner, comme les amours de Siegfried et Brünnhilde (Siegfried, III / 3). De la même manière, l’acte II de Tristan et Isolde et le baiser de Kundry à Parsifal (Parsifal, acte II) sacrifient le plaisir, l’un au paroxysme de la tension sonore, l’autre à l’autel de la séduction.
L’érotisme, c’est-à-dire les mouvements du désir, est ainsi une constante du drame wagnérien. Latent ou exacerbé, il participe à une expression de la tension, élément clef de toute cohérence dramatique et temporelle. Le désir semble reposer chez Wagner sur deux éléments : d’une part sur une forme de « besoin » (2) proche du « vouloir vivre » schopenhauerien ; d’autre part sur la faute et une problématique de la culpabilité. Ainsi, le désir wagnérien coïncide avec « un « ça » freudien dans la souffrance et la passion, dont témoigne le Journal de Cosima » (3). Il conjugue deux aspirations qui tendent à se confondre : la réunion de l’androgyne (4) et la mort. Tendu vers ce double terme, le drame wagnérien agit grâce à un triple processus : rhétorique (forces en présence), dialectique (interactions de ces forces) et dramatique (acmé de ces interactions). Ce triple processus permet dans Parsifal une fascinante expérience d’érotisme sonore.
Exprimer musicalement le désir : voilà bien une gageure. Pourtant, Parsifal se présente comme une évidence, se moquant de toutes légitimité, explications, péroraisons et autres arguties (5). L’expression du désir, et c’est là un point de première importance, s’intègre à un drame — un rapide parallèle avec Tristan et Isolde s’impose de ce fait. Dans sa lettre de Turin de mai 1888 intitulée « Le Cas Wagner », Friedrich Nietzsche se récriera contre une traduction, abusive selon lui : « Ce fut pour l’esthétique un vrai malheur que l’on ait toujours traduit le mot « drama » par « action ». Wagner n’est pas seul à se tromper sur ce point » (6). Selon le philosophe, le drame antique relève davantage d’un « fait accompli » que d’un « faire ». Qu’en est-il réellement chez Wagner ? Le désir est-il agi ou exprimé ? Le sous-titre « Handlung » (action) donné à Tristan et Isolde peut être considéré comme la traduction littérale du grec « drama ». De la même manière, le sous-titre « Bühnenweihfestspiel » propre à Parsifal met entre autres l’accent sur la composante dramatique de cette ultime œuvre du compositeur (die Bühne : la scène) (7). Tristan et Isolde, Parsifal — drames du désir et de la séduction. Or nulle scène proprement érotique. Il est vrai que la loi de bienséance règne (une relative chasteté est de rigueur) : de fait, il faut sans doute considérer les didascalies comme des litotes. Cependant, l’acte sexuel n’est le sujet d’aucun de ces deux « drames », ni leur but. En effet, la chair dans le drame se fait verbe. Et par le verbe, le désir non seulement s’exprime mais agit, œuvre dans l’instantanéité du son. Parsifal et Tristan et Isolde paraissent donc comme des « dramatiques » du désir via le verbe dans les deux sens que Nietzsche distingue dans sa lettre : expression et action. Par ailleurs, l’abréviation Tristan utilisée pour parler de Tristan et Isolde a l’inconvénient de dissimuler l’originalité du titre qui présente un couple et non un héros isolé, comme c’est le cas dans les opéras et drames précédents du compositeur : Rienzi, Le Hollandais volant, Tannhäuser, Lohengrin, La Walkyrie, Siegfried. Et le « Bühnenweihfestspiel » de 1882 s’intitule bien Parsifal et non Parsifal et Kundry. La composante érotique – le lien de Parsifal et Kundry à l’acte II – est donc éradiquée avant même le début de l’œuvre : dès le titre. Ainsi, Tristan et Isolde et Parsifal suivent deux chemins radicalement différents. Après le paroxysme érotique du deuxième acte, le premier consiste en un accomplissement érotique (Liebestod) tandis que le deuxième coïncide avec la célébration de son abolition.
L’érotisme n’était pas à l’ère romantique un sujet de prédilection. Certes il y eut les nombreuses versions musicales du Faust de Goethe et l’ambiguë Marguerite. Mais les figures dominantes du XIXè siècle musical sont davantage celles, pures et héroïques, de l’Agathe du Freischütz ou de La Péri chez Schumann avec lesquelles contraste fortement le personnage de Kundry (bien postérieur il est vrai). Époque assez prude donc, surtout après la Révolution de 1849. L’érotisme wagnérien fait ainsi figure de cas isolé. De ce point de vue, la réception de l’œuvre dans la société de l’époque, du fait – pour reprendre la terminologie de Jauss – d’un « horizon d’attente » non pas pudibond, mais au moins pudique, produisit un certain « écart esthétique ». Cependant, Wagner est davantage dans l’exacerbation de composantes propres à son époque que dans une forme de transgression ou de provocation. Ainsi, malgré les « beuglements érotiques à la Wagner » que récuse Hugo von Hofmannsthal dans une lettre du 2 septembre 1909 à Richard Strauss (au sujet du duo de Sophie et Octavian dans Le Chevalier à la rose), l’érotisme wagnérien ne paraît non pas comme un abus provocant et gratuit, mais bien comme une rigoureuse élaboration. Rhétorique, dialectique et dramatique : tel est le triple processus de l’érotisme au sein de Parsifal.

UNE RHÉTORIQUE ÉROTIQUE

Les forces en présence de ce drame consistent essentiellement en deux lieux antithétiques, et en deux protagonistes dont la singularité transcende ce contraste premier : Kundry et Parsifal.
Jardin enchanté de Klingsor et monde du Graal
Un des « coups de génie » de Parsifal – pour reprendre le terme de Nietzsche – est de consacrer à l’érotisme un lieu, c’est-à-dire d’en réserver l’exclusivité pour un véritable culte charnel. Le jardin enchanté de Klingsor, à l’instar du Vénusberg de Tannhäuser, est simultanément le cadre et l’objet de la séduction. La didascalie n’est que suggestive : « Les jardins enchantés occupent toute l’étendue de la scène. Végétation des tropiques et splendeur florale ». Foisonnement — et non disposition régulière de massifs et bosquets —, telle est la caractéristique première de ce décor. Les filles-fleurs – ces chimères vassales de Klingsor – s’en élancent d’ailleurs de manière désordonnée. Et c’est l’alliance, la confusion de la chair et du végétal qui, par les filles-fleurs, constitue le contexte érotique du deuxième acte. Ce jardin rapidement suggéré par Richard Wagner conjugue ainsi nature et artifice, luxure et luxuriance, magie et relents religieux.

À ce monde enchanté situé au cœur de
Parsifal, irradiant de sensualité, s’oppose le monde du Graal, centré autour de la salle de la forteresse, lieu de célébration inspiré de la cathédrale de Sienne que Richard Wagner découvrit lors d’un voyage. Ce royaume magnétise une phalange masculine régie par Amfortas, blessé au flanc et dont le père, Titurel, est à l’agonie. Gurnemanz, doyen des chevaliers, voit son influence s’étendre jusqu’aux jeunes pages dont la voix aiguë s’abrite au haut de la coupole de l’édifice. Ce monde au sein duquel une confrérie fait corps rejette l’érotisme, ou plutôt relève de la sublimation. À cet égard, le royaume de Klingsor consisterait en un « retour du refoulé » que tentent d’éradiquer les valeureux croyants. Ces deux mondes, aux allures manichéennes, se trouvent de surcroît opposés par les personnages qui les hantent et les symbolisent : Amfortas, Titurel, Gurnemanz, les chevaliers d’un côté, Klingsor et les filles-fleurs de l’autre. Deux protagonistes transcendent néanmoins cet antagonisme premier et donnent ambiguïté et complexité à cette rhétorique articulée autour de l’érotisme : Kundry et Parsifal – surgis de « nulle part » et hantant simultanément les deux mondes.

Kundry la serve
Kundry — unique individualité féminine de Parsifal (8) — apparaît dès le premier acte et disparaît à la fin du troisième acte. Participant au monde de la foi aussi bien qu’au monde des charmes, elle réalise une synthèse des héroïnes wagnériennes : elle est à la fois Ortrud et Elsa (Lohengrin), Vénus et Elisabeth (9) (Tannhäuser). Wagner écrivit avec enthousiasme à Mathilde Wesendonck en août 1860 : « « Vous ai-je déjà dit que la passagère fabuleusement sauvage du Graal ne doit faire qu’un avec la séductrice du deuxième acte ? Depuis que cette idée s’est levée en moi, je me sens maître de presque toute ma matière » (10). Ainsi cette héroïne a-t-elle une existence double entre « sommeil et veille, mort et vie, torture et rire » (11). Kundry cherche alternativement le dévouement au monde du Graal, fondé sur l’expiation selon Gurnemanz — lequel s’interroge : « peut-être est-ce une damnée » —, et la réalisation de son désir charnel : elle chante au deuxième acte son propre Leitmotiv sur les mots : « mit mir Alle verfallen » (12) (« Avec moi, tous succombent »). Dès l’acte I, elle est doublement caractérisée : plus les individus sont haut placés dans la hiérarchie du Graal, plus ils semblent à même de discerner la profonde piété de Kundry, et inversement : les écuyers perçoivent dès l’acte I l’aspect sulfureux du personnage que résume à merveille l’adjectif allemand « wild » (sauvage, farouche, turbulent, déréglé). Ils la traitent de païenne, de sorcière. Et l’exclamation qui échappe de la bouche d’un des jeunes hommes assistant à son arrivée échevelée — « der Teufelsmähre die Mähnen » (« la jument du diable ») — caractérise aussi bien la monture que la cavalière, vêtue de peau de serpent. Brünnhilde et Grane (La Walkyrie, Le Crépuscule des dieux) avaient quant à eux une attitude plus « olympienne ». De même, Gurnemanz la considère comme une femme sauvage. Amfortas en revanche prendra sa défense en évoquant son rôle de « servante farouche, infatigable ».
Le mot d’ordre de Kundry est en effet « dienen » (servir) — servir pour participer obscurément à la « rédemption ». Les trois héroïnes de la trilogie romantique de Wagner dans les années 1840-1850 (Le Vaisseau fantôme, Tannhäuser, Lohengrin) exprimaient déjà ce désir en des termes paroxystiques, et d’ailleurs non dénués d’érotisme :
Ach, wenn Erlösung ihm zu hoffen bliebe,
Allewiger, durch mich nur sei’s (13) !
(Ah, si vraiment il peut encore espérer rédemption,
Dieu tout puissant, que ce soit grâce à moi seule !)
Senta,
Le Vaisseau fantôme, II, 3.

Pour lui seul je te [Dieu de la grâce et du pardon] veux implorer,
Que ma vie désormais soit prière [...]
Accepte ce sacrifice
Avec un tressaillement d’allégresse !
Prends ma vie, oh ! prends-la (14).
Elisabeth,
Tannhäuser, II, 4.

Wie ich zu deinen Flüssen liege,
geb’ich dir Leib und Seele frei(15) .
(Comme je suis à tes pieds,
Je me donne à toi corps et âme.)
Elsa,
Lohengrin, I, 3.
De la même manière que Senta, Elisabeth et Elsa, Kundry conçoit sans doute dans son asservissement volontaire au monde du Graal – asservissement qui touche au sacrifice – une forme sourde de volupté. Et le geste du troisième acte (laver, oindre de parfum puis essuyer de ses cheveux les pieds de Parsifal, telle Marie-Madeleine à l’égard du Christ dans l’Évangile) le corrobore. Pourtant, le rôle vocal de l’héroïne se réduit souvent à l’acte I à des onomatopées ou, comme elle le constatera elle-même à l’acte II, à des rires, des pleurs, des cris, des hurlements, des gémissements (16) . Son discours sera entrecoupé jusqu’à l’incohérence lorsque Klingsor lui donne des ordres (début de l’acte II) : « Ach ! Ach ! [...] Tiefe Nacht… [...] Wahnsinn [...] Oh ! Wuth…[...] Ach ! Jammer ! Schlaf… Schlaf… tiefer Schlaf… Tod… ! » (Immer langsamer) (17). L’orchestre lui-même se délite. (Le processus se renouvellera lorsque la séductrice se trouvera en butte aux réticences de Parsifal (18)). Le cœur du personnage de Kundry tient sans doute en ces quelques mots énoncés a cappella, fait rare chez Richard Wagner : « [la malédiction] me tourmente sans fin à travers l’existence » (19).
Ainsi, Kundry peut être comparée à la future Elektra, dans sa complexe culpabilité et son sacrifice au devoir (Elektra, 1909) mais aussi à la future Salomé de Richard Strauss dans l’opéra éponyme (1905), grande séductrice devant l’Éternel. Ces prémices d’une double personnalité trouveront leur pleine confirmation par les imprécations de Klingsor à l’orée de l’acte II : « fiancée du diable », « démone primordiale », « rose d’enfer »… Le traitement vocal participera à ce contraste, particulièrement entre les actes I et II (20). Lorsque Kundry se trouve dans son rôle de séductrice, elle se fait lyrisme. Ainsi ensorcelle-t-elle Parsifal d’un long récit concernant ses origines, récit au cours duquel l’orchestre entrelace le Leitmotiv de la « magie » et celui de Kundry. L’apparition magistrale de Kundry – Parsifal est fasciné avant même de la voir – contraste avec la séduction primesautière des filles-fleurs. Elle est bien la « femme d’une beauté terrible » ayant envoûté Amfortas (« ein furchtbar Schönes Weib / hat ihn entzückt ») qu’évoque Gurnemanz à l’acte I. Alanguie « sur un lit de fleurs et vêtue d’une légère draperie aux formes fantaisistes » (21), entourée des bosquets de cet étrange Éden qu’est le jardin enchanté, elle évoque la Vénus de Tannhäuser « étendue sur une couche richement parée » au sein de sa grotte (22). Kundry trouve aussi en la reine de Saba entourée de ses femmes – vision fugace de La Tentation de Saint-Antoine de Flaubert (23) – une figure jumelle. L’enjeu, sur fond fantastique d’une foule d’animaux (onagres, chameaux, chevaux pie, éléphant), est d’ailleurs dans cette œuvre littéraire polymorphe le même que celui de l’acte II de Parsifal : la maîtresse du roi Salomon cherche à embrasser Antoine pour le faire défaillir et faillir. Le jardin enchanté est ainsi au château de Klingsor ce que cette opulente caravane est à la Thébaïde de l’anachorète : pure séduction, pure vision.
Le monde de Klingsor paraît en effet comme un monde onirique : l’acte II constituerait les visions de Kundry ou de Parsifal. On pourrait reprendre le mot de ce dernier — « Dies alles — hab’ich nun geträumt ? » (« Tout cela — ai-je rêvé ? ») — pour caractériser l’ensemble de cet acte. Ou, à l’inverse, le monde du Graal consisterait en un monde onirique, rêvé depuis le château enchanté de Klingsor. Et Kundry, sans cesse engoncée dans la léthargie et déambulant telle une somnambule au point de sombrer à l’issue de Parsifal, n’a de répit entre ces deux mondes qui la tyrannisent également. Elle inscrit ainsi son désir, son aspiration (« Sehnsucht ») non, comme Isolde, dans la Liebestod, mais dans une forme de Todessehen (aspiration à la mort). Pour Kundry, l’érotisme n’est pas puissance mais asservissement. Klingsor en effet la contraint à séduire Amfortas puis Parsifal ; et le monde du Graal la condamne pour ses agissements érotiques. Kundry est donc doublement victime. La pitié que professent les chevaliers ne lui permettra que de disparaître lors de l’ultime célébration du drame – et non d’y participer. Kundry est ainsi la proie d’un double totalitarisme : le monde du Graal – fondé sur une Agapè élitiste – lui impose le dévouement à perte d’âme (« entseelt »), tandis que le royaume de Klingsor – ancré dans un Éros calculateur – prescrit l’abnégation de sa volonté et une séduction à corps perdu.

Parsifal : du naïf au rédempteur
L’ignorance est la première qualité des deux principaux « rédempteurs » wagnériens. Comme le constate Fernand Leclercq (24), Parsifal « montre plus d’une ressemblance avec Siegfried : sa vaillance, sa prédestination (Wotan dans le Ring, l’Oracle dans le cas présent) mais aussi sa « nature » naïve opposée à la culture (là celle de Mime et de Wotan, ici celle de Gurnemanz et de Kundry) ». Siegfried ne cesse d’enquêter auprès de Mime pour connaître ses origines (Siegfried, I / 1). Sa force irrésistible, lui permettant de passer outre les machinations d’Alberich et de son frère comme de sortir vainqueur du combat avec Fafner, provient de sa méconnaissance de la peur. Lorsqu’il découvrira la peur, il découvrira la sensualité (Siegfried, III / 3). Sa quête sera alors vouée à l’échec, d’autant plus qu’il est alors détenteur de l’anneau et donc voué à la mort.
Parsifal est caractérisé par une extrême naïveté très proche de celle de Siegfried ; c’est néanmoins la découverte de la sensualité, par le baiser que lui donne Kundry, qui fera éclore en lui la connaissance de la douleur. La rédemption deviendra alors possible. À naïveté égale, destinées dissemblables. Élevé par Herzeleid loin du monde des armes, Parsifal ne connaît de la vie, comme Siegfried, que la forêt. Il est le « fol » qui méconnaît. De plus, cette méconnaissance est doublée d’oubli. Aux questions d’Amfortas à l’acte I, Parsifal avoue ignorer ses origines, son nom. Sa réponse imperturbable à l’interrogatoire serré du doyen des chevaliers (« Dass weiss ich nicht » (25) : « Je ne sais pas ») produit presque un effet comique. Il n’a pas plus conscience du sacrilège qu’il vient d’accomplir. Parsifal a en effet tué en toute innocence un cygne sacré du domaine du Graal. Il est étonnant que l’arrivée en scène du futur héros rédempteur soit précisément marquée par un sacrilège (26). Le parallèle avec Wotan n’est pas négligeable (le dieu des dieux a bu à la source sacrée et rompu une ramure sacrée du frêne du monde, lequel a de ce fait dépéri) et confirmerait l’hypothèse selon laquelle le Leitmotiv de la rédemption par l’amour qui résonne à la toute fin de la Tétralogie annonce Parsifal. Le dieu des dieux serait racheté par le jeune héros naïf qui, lui, saura dompter ses désirs. Autant la transgression chez Wotan est-elle délibérée, autant est-elle chez Parsifal empreinte de naïveté. Autant devient-elle par Wotan la cause du crépuscule des dieux, autant — surmontée — est-elle chez Parsifal le gage d’une rédemption. Cette rédemption est annoncée dès le début de l’acte I : Gurnemanz affirme qu’une « seule chose peut le [Amfortas] secourir, un seul être ». Il se dérobe au moment de dire son nom. Ceci permet de ne pas ruiner le suspense dramatique. Par ailleurs, Gurnemanz ne connaît peut-être pas ce nom. Et s’il le connaît, il n’est guère avancé puisque Parsifal l’ignore lui-même. Le Leitmotiv de l’oracle accompagne l’expression de cette divination et sera repris par Amfortas. Le fils de Titurel a en effet une apparition sainte à l’acte I de Parsifal :

Durch Mitleid wissend,
Der reine Tor ;
Harre sein,
den ich erkor (27).
Cet oracle deviendra le Leitmotiv littéraire et musical de Parsifal, tandis que l’expression « tör’ger Reiner » retrace avec exactitude l’étymologie du nom « Parsifal », évoquée à l’acte II (« Fal parsi » est le « fol et pur » selon Kundry (28)). Le nom de Parsifal nous est ainsi donné à l’acte I dans sa traduction en allemand : « der reine Tor » (29). À l’acte II, les filles-fleurs se gausseront de lui lorsqu’elles le quittent définitivement : « Du — Tor ! »(30). Il existe en effet un double sens à cette expression, double sens sur lequel Nietzsche jouera dans son Cas Wagner : « die reine Torheit » peut à la fois signifier « sainte simplicité » et « chaste niaiserie » (31). Cette caractéristique de Parsifal, quel que soit le sens retenu, est indispensable au héros pour devenir rédempteur (« Erlöser »). Il doit néanmoins connaître et surmonter la tentation et la « transmuer » en pitié à l’égard de la tentatrice (Kundry) pour donner à sa pureté un sens de foi, de volontaire abnégation et non d’innocence. D’ailleurs Parsifal tombera dans les filets de Kundry à cause de la culpabilité que celle-ci réussira à déclencher : le « fol et pur » se sentira suite au récit de la séductrice responsable de la mort de sa mère (« Wehe ! Wehe ! Was tat ich ? Wo war ich (32) ? »). Le baiser – cette transgression involontaire à l’égard du monde du Graal – provient paradoxalement d’une prise de conscience de la culpabilité et engendre une intime connaissance de la douleur. De cette prise de conscience instantanée proviendra la rédemption du troisième acte. Parsifal, donc, accomplit un parcours initiatique, depuis sa naïveté première (« Torheit ») jusqu’à ses vertus de rédempteur (« Erlöser ») via la transgression, la culpabilité, la douleur. L’érotisme – le baiser de Kundry opère sur Parsifal une révélation, dans le sens mystique du terme – transmue ainsi la « chaste niaiserie » du jeune héros en une puissance d’ordre religieux.

FOI ET CHARME : UNE DIALECTIQUE ÉROTIQUE
Les trois actes de Parsifal se construisent grâce à un fort antagonisme entre domaine du Graal et château enchanté de Klingsor. La structure de l’œuvre met ainsi en scène de manière saisissante un antagonisme irréductible entre foi et charme, « précipitant » une dialectique érotique. La tonalité de la bémol majeur qui ouvre et referme Parsifal (ferveur religieuse) s’oppose au si mineur marquant le royaume de Klingsor (ton relatif de ré majeur, en triton avec la bémol majeur). Cet antagonisme entre les deux mondes ne sera pas résolu mais prendra fin par la destruction du château de Klingsor (33). Il s’inscrit dans une téléologie du drame impliquant la chair. Parsifal peut être considéré comme une « triple messe », une triple « célébration » du corps. Le premier acte est la célébration de la douleur humaine grâce au personnage d’Amfortas, une célébration de l’être voué à la mort. Le thème de l’agonie est récurrent : en témoignent Titurel, être « d’outre tombe », et les multiples états d’inconscience de Kundry. Richard Wagner aurait d’ailleurs écrit à Mathilde Wesendonck le 29-30 mai 1859 : « Si l’on y regarde de près, Amfortas est le centre et le sujet principal. [...] J’en ai pris soudainement conscience, c’est mon Tristan du troisième acte incroyablement intensifié » (34). (Par ailleurs, les esquisses de Tristan portent la trace d’une apparition de Parsifal, chevalier rédempteur apparaissant lors de l’agonie du troisième acte.) Le deuxième acte est une sorte de « messe noire », célébration du désir humain, dans toute son effervescence et son illusion (selon Richard Wagner). L’acte III enfin aboutira à une Célébration, fondée sur la croyance chrétienne des chevaliers du Graal. Parsifal célèbre ainsi le corps dans ses faiblesses (mortalité et désir, actes 1 et 2) et dans la possibilité d’une rédemption transcendant ces faiblesses. Charme et foi : une intense dialectique. Comme l’affirme Adorno, Parsifal relève par excellence de la « conciliation des deux tendances de sa jeunesse, c’est-à-dire celle de la sexualité libérée et de l’idéal ascétique (35). »

Charme : séduction & maléfice
Le charme se tient du côté de l’Eros. Il a chez Richard Wagner un double sens : il est simultanément maléfice surnaturel (« Zauber ») et séduction irrésistible. Le premier sens provient vraisemblablement d’un héritage mozartien (La Flûte enchantée), lequel prit une grande dimension lors du romantisme, et particulièrement avec Weber dans les années 1820 (Freischütz, Euryanthe, Oberon) ou Hoffmann (Undine en 1814). Les deux sens se conjuguent déjà en certains personnages de l’histoire de l’opéra telle Armide, enchanteresse notoire (Lully, Gluck). L’invocation aux dieux de la vengeance par Ortrud (Lohengrin, II, 2) par exemple évoque la scène similaire dans l’opéra de Gluck. Pecht, un peintre ami de Wagner lors de son premier séjour parisien, affirmera d’ailleurs que Richard Wagner était « sans cesse plongé dans Gluck » (36). Contrairement à la foi, le charme est dévolu à des groupes féminins « gouvernés » par une individualité marquante : les filles-fleurs de Parsifal se trouvent sous les ordres de Klingsor tandis que le Venusberg se tient, comme il se doit, sous la loi de Vénus.
À l’acte II, les deux chœurs de filles-fleurs (12 chanteuses chacun) sont écrits à trois voix, tandis que les six solistes constituent deux groupes de trois. La triade vocale féminine (à nouveau sans doute une influence mozartienne, celle des trois dames de La Flûte enchantée) semble donc être — les filles du Rhin ne le renieraient pas — le signe même de la séduction (les Nornes, étrangères à toute séduction, ne chantent qu’un court instant de concert à la fin du prologue du Crépuscule ; elles sont indépendantes). Wagner visita le 26 mai 1880 avec Joukowsky le Palazzo Rufolo. « Du château de style mauresque du XII° siècle à demi ruiné un escalier de marbre conduisait à un jardin de roses qui ravit les visiteurs. [...] Wagner écrivit dans le livre d’hôtes : « J’ai trouvé le jardin enchanté de Klingsor ! »(37). » Paul von Joukowsky s’inspira du lieu et imagina une esquisse pour le décor du deuxième acte. C’est d’après ces esquisses que Max Brückner réalisa une peinture à l’huile demeurée célèbre. Les filles-fleurs sont des créatures mi-féminines mi-végétales (Wagner indique qu’elles doivent se vêtir de parures florales lorsqu’elles séduisent Parsifal). Le parfum est une des caractéristiques de leur séduction, tandis que la couleur est étrangement absente du livret, tant dans les didascalies que dans les parties vocales. D’abord effarouchées par le combat « hors-champ » de Parsifal avec leurs amants, elles se montrent craintives et demandent justice. Mais cela ne durera guère, et leur grand numéro de charme commence. À partir de l’instant où Parsifal saute dans le jardin (38) apparaît le Leitmotiv du désir (quinzième mesure du chiffre 156). Puis Parsifal accepte de se prêter aux jeux des filles-fleurs, avec une candeur encore un peu guerrière : son Leitmotiv est prononcé fortissimo aux bois (chiffre 158). Conquises, les filles-fleurs le convient à s’approcher d’elles : « So bleib’ nicht fern ! ». En toute logique advient une modulation en la bémol majeur dont la signification récurrente au sein du romantisme allemand (ton de la ferveur amoureuse) se verra confirmée par les Leitmotive de la séduction (39) et de l’adulation (40). Cette modulation (41) s’organise autour de deux notes pivots, et grâce à l’enharmonie : le fa # (sol b) et le do. Elle est à elle seule un charme, une séduction sonore inédite et évoque la métamorphose des filles-fleurs dont certaines sont déjà allées revêtir leurs costumes de fleurs. Mais ces créatures de Klingsor auront beau déployer tous leurs atouts et se disputer l’exclusivité ou la primauté du héros, fort inexpérimenté, elles ne parviendront qu’à un rejet de celui-ci, exaspéré au sens premier par leurs « agaceries ». Son refus ne provient pas d’une vertu ayant trait à la foi mais met l’accent sur l’innocence du « fol et pur ». En cela est préparée à tout point de vue l’entrée de Kundry dont les armes se révèleront bien plus efficaces.
Foi : croyance & fidélité
La foi est la croyance accordée à un être (principe de l’amour), à une religion (chevaliers du Graal). Ainsi, les chevaliers du Graal (Parsifal) et le monde de la Wartburg (Tannhäuser) trouvent-il leur identité dans la croyance chrétienne ; leur identité s’organise en étroite adéquation avec la cérémonie. À titre d’exemple, le double chœur (acte III) formé par les deux cortèges de chevaliers, l’un portant le cercueil de Titurel, l’autre le Graal, contraste de manière prodigieuse avec celui des filles-fleurs déjà évoqué. Sa couleur très sombre (si bémol mineur), l’unisson des ténors et des basses et son hiératisme rythmique l’opposent point par point avec le chant des créatures de Klingsor. Cette opposition dans Parsifal entre hommes – tenants de la foi – et femmes – créatures de charme – n’est pas récurrente dans l’œuvre de Wagner. Il semblerait au contraire que dans les œuvres antérieures la foi soit fréquemment affiliée à des individualités féminines. Ainsi, les personnages déjà évoqués de Senta (Le Hollandais volant) ou Elsa (Lohengrin) trouvent sans doute leur racine dans les personnages de Pamina (La Flûte enchantée de Mozart, 1791) ou d’Agathe (Der Freischütz de Weber, 1821). Elles expriment leur foi amoureuse par la fidélité, exprimée par un serment. Foi « chrétienne » et foi amoureuse sont pourtant incompatibles pour les chevaliers du Graal. Croyance et fidélité, cérémonie et serment, loyauté et engagement les caractérisent.
Dialectique
Le point commun des quatre principaux personnages de Parsifal, à savoir Parsifal, Kundry, Amfortas et Klingsor, est leur conception du charme et de la foi. Le désir est pour eux une malédiction (« Sehnen [...] Mein Fluch » : « Désir [...], ma malédiction » affirme Kundry). Et la foi, ancrée dans l’espoir de rédemption (« Erlösung »), la seule aspiration digne de l’humain. Foi et charme se trouvent donc être fondamentalement et définitivement inconciliables. Pour ces quatre protagonistes, le charme est une puissance néfaste : Klingsor s’est émasculé pour échapper au désir (« Infernal aiguillon d’un désir terrifiant / auquel j’ai imposé un silence de mort » s’écrie-t-il au début de l’acte II (42)) ; Kundry tente par tous les moyens d’échapper à son désir (le sommeil, les refus aux ordres de Klingsor) ; Parsifal conçoit la révélation de la sensualité (le baiser de Kundry) comme une intense douleur (association immédiate à la blessure d’Amfortas) ; et Amfortas expie dans sa chair l’heure passée avec Kundry. La foi paraît en revanche comme le véritable but de leur désir, menacé par l’illusion de la volupté : Kundry recherche l’expiation ; Amfortas : un rédempteur ; Klingsor : la légitimité face au Graal ou à défaut sa possession ; et Parsifal paraît hanté par la compassion et le souci de « réparer » la faute d’Amfortas. Le désir leur paraît donc comme un destin périlleux, s’opposant à la téléologie chrétienne, tendue vers la célébration et le salut.
Or cet antagonisme commun ne suffirait pas à alimenter les trois actes. Ainsi, la téléologie de Parsifal est assurée par l’articulation – la dialectique – que chacun de ces protagonistes opère entre foi et charme. Parsifal, dans son innocence, ne distingue pas le charme et la foi. Il en aura donc une révélation conjointe lors du baiser de Kundry, au cœur de l’acte II. Kundry vit charme et foi intensément et alternativement grâce à un « clivage ». Quant à Amfortas, son unique expérience du charme l’a voué à vivre la foi dans la douleur. À l’inverse, le charme permet à Klingsor d’acquérir des objets de culte (la lance, le Graal). Ces dialectiques fondamentalement différentes se trouvent dramatisées par la chronologie des trois actes. Et ces quatre personnages seront opposés deux par deux, en une étonnante complémentarité dramatique dont témoignent les tableaux suivants.

Dialectique et téléologie d’Amfortas et de Klingsor entre foi et charme

Les blessures d’Amfortas et de Klingsor constituent la preuve physique de l’incompatibilité totale entre foi et charme. Le trajet dramatique de ces deux personnages est parallèle. En effet, ils sont tous deux blessés et souffrent (souffrance physique et psychique pour Amfortas, souffrance psychique pour Klingsor). Ils ont par ailleurs tous deux la volonté de posséder le Graal. Cependant, la cause et le terme de leur douleur s’opposent : Amfortas souffre d’avoir une unique fois cédé au charme tandis que Klingsor s’est lui-même châtré, espérant se montrer ainsi digne du Graal. Le nom de « Klingsor » contient d’ailleurs à double titre le principe qui oriente pour ce magicien sa propre quête du Graal : « Die Klinge » (la lame). « Die Klinge » est en effet la lame qui a permis à Klingsor de s’émasculer, mais c’est aussi la lame de la lance sacrée qu’il détient aux actes I et II et qui lui confère une puissance inquiétante aux yeux des chevaliers du Graal. Le Leitmotiv de Klingsor paraît d’ailleurs en grande partie fondé sur le saut de quarte, caractéristique du Leitmotiv de la lance. (De la même manière que l’épée « Nothung » de la Tétralogie, la lance sacrée de Parsifal est le lieu de focalisation des protagonistes qui se l’arrachent les uns aux autres.) La lance structure donc la quête et le personnage de Klingsor (sans parler de son aspect symbolique de puissance). L’émasculation qu’il s’est infligée avait tout d’abord pour but d’accéder au monde de la foi en supprimant de manière radicale une des sources du désir. Or cette castration, suite au deuxième rejet de Klingsor par le monde du Graal, devient paradoxalement une puissance dans le monde du charme. Le magicien est en effet le Maître (« Meister ») de Kundry parce que cette dernière n’a par son charme aucune emprise sur lui. C’est peut-être le fétichisme de Klingsor, lequel désire posséder les objets de culte à défaut de pouvoir servir le culte, qui entraînera la destruction de son monde enchanté. Tandis qu’Amfortas trouvera la régénération grâce à la lance, au sein du culte.
Un autre type d’articulation dramatique fondée sur la foi et le charme oppose Kundry et Parsifal :
Dialectique et téléologie de Parsifal et de Kundry entre foi et charme


Parsifal (43) et Kundry (44) sont tous des deux des « Namenlosen ». Cependant, leurs téléologies dramatiques s’opposent : de l’oubli et de l’innocence à l’apothéose de la foi pour Parsifal, et de l’apothéose du charme à l’innocence et l’oubli pour Kundry. Leurs Leitmotive respectifs contrastent avec une grande efficacité : celui de Parsifal est pondéré, presque bonhomme, très stable par le rythme et l’harmonie diatonique. Celui de Kundry, fondé sur une terrible dissonance, déchire d’un grand trait mélodique sauvage (« wild ») l’espace orchestral. Son rythme est heurté, et le chromatisme, patent.
De manière beaucoup plus évidente, ces quatre personnages forment deux autres « paires ». Ainsi, Kundry et Klingsor sont des proscrits de la foi et se trouvent de fait contraints de bâtir leur identité par opposition à la chevalerie du Graal : un monde de chair et de charme. Ils sont tous deux fascinés par la foi, mais dans un but différent : Kundry y cherche l’expiation et Klingsor, sorte d’ange déchu, la puissance et la possession. La séduction propre au monde enchanté n’est qu’un moyen pour aboutir à une puissance bien supérieure à celle du désir : la possession du Graal. Le château enchanté de Klingsor ne consiste en une apologie du désir qu’au premier degré : le désir n’y est que sortilège, illusion, et promesse de chute et de douleur. Ce royaume est constitué par tout ce qui porte le sceau de l’interdit dans le monde du Graal. Il célèbre la fascination de Klingsor non pour la chair mais pour la foi. Par ailleurs, les liens qui asservissent Kundry à Klingsor ne sont pas explicites. Plusieurs hypothèses peuvent être émises : Kundry et Klingsor ont le même rapport au désir, qu’ils considèrent comme la faille profonde de leur personnalité. Deuxième hypothèse : Kundry, « démone primordiale » (45) selon le magicien (acte II) aurait séduit Klingsor, avant Amfortas. De cette séduction découlerait toute la dramaturgie manichéenne de Parsifal puisque le royaume de Klingsor prendrait sa source dans les ébats de Kundry et de Klingsor et de la castration qui s’en serait ensuivie. Troisième hypothèse : Kundry et Klingsor seraient frère et sœur ou père et fille. En effet, leur prénom a la même initiale (K), ce qui était dans La Tétralogie le signe d’un lien de parenté (Fasolt et Fafner, Siegmund, Sieglinde et Siegfried, Gunther et Gutrune, Wotan et les Walkyries). Cette troisième hypothèse ne contredit d’ailleurs pas la deuxième puisque les relations incestueuses (à différents degrés de parenté et de réalisation) sont monnaie courante dans les drames wagnériens (Wotan et Erda, Siegmund et Sieglinde, Wotan et Brünnhilde, Brünnhilde et Siegfried).
Or cette intense dialectique entre charme et foi – articulant les complexes relations des quatre protagonistes – atteint au cœur de cette œuvre un sommet dramatique, le baiser, duquel découle le sens même de l’érotisme propre à Parsifal. Cette révélation par l’érotisme avait semble-t-il préoccupé Louis II de Bavière puisqu’il écrivit au compositeur depuis Hohenschwangau le 5 septembre 1865 ces quelques lignes :
Je ne me permets qu’une question, ami adoré, à propos de Parsifal : pourquoi notre héros n’est-il touché par la grâce qu’à travers le baiser de Kundry ? Pourquoi est-ce ce baiser qui lui révèle sa divine mission ? Pourquoi ne peut-il qu’à partir de cet instant pénétrer dans l’âme d’Amfortas, saisir et ressentir sa misère sans nom (46) ?
Le jeune roi de Bavière, peut-être ému par certains scrupules face à cette « intrication » du charme et de la foi, avait néanmoins bien saisi l’importance dramatique de ce baiser.



LE BAISER DE KUNDRY : UNE DRAMATIQUE ÉROTIQUE
Au centre de l’acte II, c’est-à-dire au cœur de Parsifal, a lieu le baiser de Kundry à Parsifal. Le « fol et pur » avait jusque là gentiment folâtré avec les filles-fleurs, sans trop se laisser approcher. Il avouera d’ailleurs à Kundry être « empli de crainte » (47) face au monde érotique de Klingsor. Kundry « l’enchanteresse » réussit à déjouer cette crainte et à séduire Parsifal en plongeant celui-ci dans la culpabilité : la peur s’évanouit au profit d’une introspection douloureuse qui pourra être détournée au profit de l’érotisme. Ainsi, lors du récit de Kundry, celle-ci joue habilement sur ces ressorts psychologiques : « Mais tu es resté sourd à sa douleur » affirme-t-elle au sujet de Herzeleid voyant son fils s’éloigner. La mère de Parsifal en serait morte. Les Leitmotive de l’angoisse et de l’accablement envahissent progressivement l’orchestre.
Toute l’habileté de Kundry se tient dans la dialectique, devenue indispensable depuis que la pure séduction visuelle, tactile, olfactive et sonore des filles-fleurs a échoué. Le grand numéro érotique de Kundry se déroule en quatre phases :
1 – nommer « Parsifal » (première occurrence du nom du héros dans l’opéra). Le jeune homme, qui s’apprêtait à prendre la fuite face au filles-fleurs est immobilisé. Le processus d’anamnèse s’entame grâce à ce nom que donnait Herzeleid à son fils, et que celui-ci avait oublié.
2 – récit de la mort de Herzeleid (48), imputée à Parsifal. La crainte de Parsifal face à l’érotisme est convertie en culpabilité à l’égard de sa mère.
3 – Kundry propose à Parsifal une consolation, une expiation, un repentir via l’érotisme.
4 – Elle met en parallèle les embrassements des parents de Parsifal (Gamuret et Herzeleid) et le baiser qu’elle projette de lui donner « en tant que mère ».
C’est donc l’image de la mère et la révélation des origines qui permettent à Kundry, au terme d’une brillante et langoureuse dialectique verbale, d’embrasser Parsifal. Le complexe incestueux, qu’on pourrait qualifier d’œdipien (49), est au centre de l’abandon de Parsifal. Kundry, quelques instants avant le baiser, chante son propre Leitmotiv sur les mots suivants : « Die Liebe lerne kennen » (50) (« Apprendre à connaître l’amour »). Elle se pose donc en initiatrice, en grande séductrice et rejoint en cela Lulu, l’héroïne éponyme de l’opéra d’Alban Berg (1935). Après le rejet de Parsifal, elle sera « secondée » par un violon concertant (51), exactement de la même manière que Vénus tentant dans Tannhäuser de retenir le héros éponyme dans son royaume. Parsifal quant à lui est le « fol et pur » : la pureté, c’est la naïveté et la chasteté qui en découle. Et la « folie », c’est la méconnaissance — particulièrement sensuelle. C’est pourquoi le baiser de Kundry permettra une double révélation : révélation du désir, et révélation de son aspect néfaste en regard de la foi (« Le désir, le désir effrayant / qui saisit tous mes sens et les dompte (52) ! »). Parsifal conçoit alors subitement que Kundry est une « séductrice » (53) (« Verderberin ! »). Mais sans doute distingue-t-il d’ores et déjà que sa personnalité ne s’y restreint pas.
Le traitement musical du baiser est une gageure. Il doit en effet sous-tendre une action clef et exprimer tant la sensualité de cet instant que les implications psychologiques qui en découleront immédiatement (la « révélation » de Parsifal et l’effroi, la douleur). Or le baiser de Parsifal a un « précédent » : celui qui permet à Siegfried d’éveiller Brünnhilde à la fin de l’acte III de Siegfried. Tout, du traitement musical à l’impact dramatique, sépare ces deux baisers. En effet, la peur ouvre Siegfried à la sensualité (« Das ist kein Mann » s’écrie-t-il lorsqu’il devine le corps de Brünnhilde à travers sa tunique (54)) et Siegfried éveille Brünnhilde par un baiser. À l’inverse, Kundry est éveillée par Klingsor pour séduire Parsifal, lequel découvre par le baiser de cette femme fatale « malgré elle » la douleur. Une telle différence provient non pas des protagonistes masculins, jumeaux dans leur méconnaissance de la sensualité, mais dans la disposition dramatique du couple (ce sont Kundry et Siegfried qui embrassent) et dans les intentions et la nature des femmes. Brünnhilde est chaste et endormie, tandis que Kundry déploie sans relâche tout l’arsenal de sa séduction. Ce qui est en revanche étonnant dans ces deux baisers si différents, c’est l’importance, avant le baiser, de la figure maternelle du côté des hommes (55) , et celle du sommeil du côté des femmes (Kundry est tiré du sommeil par Klingsor pour séduire Parsifal ; Brünnhilde est éveillée par le baiser de Siegfried). Le baiser de Siegfried sera sobre et timide (56). Le Leitmotiv de Freïa, ascendant, est répété plusieurs fois ("ausdruckvoll") et conduit au réveil de Brünnhilde.
Or le baiser de Parsifal saura se souvenir de cette courbe ascendante et de la transition à laquelle il donne lieu, tout en ayant un sens radicalement différent. Les huit mesures qui le constituent (57) (Sehr langsam), atteignant selon Adorno « immédiatement le seuil de l’atonalité » (58), sont construites sur l’unique Leitmotiv de la magie. La didascalie indique : « Elle a penché sa tête sur la sienne et pose à présent ses lèvres sur sa bouche en un long baiser (59). » L’orchestration est somptueuse : quatre cors bouchés dans le médium et le grave (piano), dont la sonorité est un instant « cuivrée » par les trois trombones et le tuba (pp), laissent ensuite la place à un éclairage tout différent : deux flûtes, deux hautbois, un cor anglais et deux clarinettes dans le médium et l’aigu. L’orchestre procède ainsi à un « tuilage » entre instruments, évoquant avant l’heure une forme de Klangfarbenmelodie (mélodie de timbres) (60). Ces tenues dressent une « toile de fond » devant laquelle progresse voluptueusement le chromatisme du Leitmotiv du charme. Mais cette évidente séduction sonore n’est encore rien auprès de la transition psychologique à laquelle assiste l’auditeur. Selon la didascalie, dans la continuité de ce baiser, Parsifal « sursaute, en proie à une grande frayeur : on peut lire sur ses traits la terrible métamorphose qui a lieu en lui : il presse violemment les mains contre son cœur, comme pour surmonter une douleur déchirante ; enfin, il éclate (61). » Seules trois mesures (Sehr belebend) assurent la transition de l’atmosphère de langueur propre au baiser au cri de Parsifal : « Amfortas ! Die Wunde ! ». Elles seront placées sous le signe des Leitmotive de la lance et de la plainte du sauveur. La grande habileté dramatique de Wagner réside ici dans le lien musical explicite établit entre le motif de la magie et celui de la souffrance. Le premier culmine avec des intervalles chromatiques qui ne sont pas sans évoquer le motif du désir de Tristan et Isolde. Or le compositeur systématise le demi-ton ascendant, laissant en suspens ce motif : hautbois et clarinettes le répètent (sixième et septième mesures du chiffre 183). La tension érotique parvient à son sommet sans pour autant être soumise à une quelconque résolution. Bien au contraire, elle se dirige non vers une « décharge » mais vers une transmutation : les deux dernières notes de ce motif de la magie et du désir deviennent les deux premières notes du Leitmotiv de la souffrance. Et le tour est joué. C’est ainsi au cœur de Parsifal — et en même temps que Parsifal — que l’auditeur découvre la clef de cette "représentation dramatique et sacrée" : désir et foi ne sont antithétiques que dans les apparences. Ils sont au contraire intimement liés, comme les deux faces d’un même monde. C’est ainsi que Klingsor et Amfortas se présentent comme des doubles et que le personnage de Kundry se construit autour de sa « double personnalité ». À l’instar de l’intime parenté des Leitmotive de la magie et de la souffrance, le royaume enchanté de Klingsor et le monde du Graal, rivaux, sont néanmoins étroitement dépendants, comme les deux faces d’un même monde.

CONCLUSION
Parsifal – de l’érotisme au narcissisme
À en croire Parsifal, Richard Wagner est bien le « plus célèbre artiste érotique du monde bourgeois » dont parle Adorno (62). Mais qu’en était-il de l’homme ? Selon Martin Gregor-Dellin, « Wagner était hystérique et névrosé, neurasthénique [...], il était de tempérament hypomaniaque (égocentrisme stimulant la combativité). On retrouve indubitablement quelques-uns de ces traits, sublimés, dans son œuvre : le caractère sensuel, excité et ardent, l’élan, l’érotisme (63). » Le tableau clinique paraît bien lourd et hétéroclite. Et ses manifestations bien communes. Minna, Cosima, Mathilde, Judith : peu de témoignages subsistent quant aux relations intimes de Wagner avec ces quatre femmes. Il est vrai que la dernière, Madame Gautier, eut sans doute un fort ascendant sensuel sur le compositeur à l’époque de l’élaboration de Parsifal.
Mais au-delà, le véritable enjeu érotique des œuvres de Richard Wagner, c’est une « réalité sensuelle totale ». C’est ce qu’affirme le compositeur dans Une Communication à mes amis en 1851, en ajoutant qu’existe « le désir d’un objet qu’on puisse appréhender par tous les sens et qu’on puisse concevoir avec toute la force de l’être réel, profond et intime (64). » Ainsi, la rhétorique, la dialectique et la dramatique érotiques sont-elles non seulement le processus de toute œuvre wagnérienne, mais elles en traduisent aussi le but : l’œuvre d’art totale (Gesamtkunstwerk). Il s’agit d’un principe général puisque, pour reprendre une idée de Mallarmé (« Richard Wagner, rêverie d’un poète français »), « des deux éléments de beauté qui s’excluent et, tout au moins, l’un l’autre, s’ignorent, le drame personnel et la musique idéale, il effectua l’hymen. » Les réflexions de Jean-Jacques Nattiez corroborent cette idée :
Wagner, le poète de l’avenir, est un être androgyne, porteur du principe actif masculin — la germination poétique — et du principe féminin incarné par la musique. Et l’œuvre qui résulte de cette fécondation intérieure est elle-même une créature androgyne, puisque le drame musical de Wagner consacre l’union de la poésie-mâle et de la musique-femme (65).
L’œuvre théorique elle-même est soumise à cette vision androgyne puisque « l’ensemble d’Opéra et drame est conçu comme le développement d’une métaphore sexuelle fondamentale (66). » Richard Wagner développe en effet dans cet ouvrage cette idée avec le lyrisme de plume qui le caractérise :
Le charme qui éveille ce désir ardent et l’élève jusqu’au comble de l’exaltation, réside hors de celui qui l’éprouve, dans l’objet de son aspiration, lequel lui apparaît d’abord avec tout son charme, grâce à l’imagination — cet intermédiaire tout puissant entre l’entendement et le sentiment — charme dont il ne peut jouir jusqu’à complète satisfaction que lorsqu’il s’épanche dans la plénitude de sa réalité (67).
L’œuvre de Richard Wagner consiste donc, tant dans le processus de création que dans la dramatique musicale, en un désir d’idéal et de plénitude, lequel emprunte son intensité à un art consommé de l’expression érotique.
Au terme de la trajectoire wagnérienne, Parsifal constitue un drame de l’ambiguïté. En effet, la ferveur des actes I et III égale sans peine celle de l’acte II. Cette intime parenté que révèle le baiser de Kundry entre monde de la foi et monde du charme infiltre toute l’œuvre. La foi n’est-elle pas submergée par un désir, n’est-elle pas le lieu d’une sublimation au sein de cette confrérie éminemment virile ? À l’inverse, Klingsor ne fonde-t-il pas sa foi en la séduction de Kundry ? Son attirance pour le Graal n’est-elle pas davantage une forme de superstition et même de fétichisme ? Bref, le charme n’est-il pas le faire-valoir et le prétexte d’une foi qui se masque mal son érotisme latent ? La couleur de la bémol majeur n’est-elle pas — simultanément — celle des filles-fleurs et du Graal ? Foi du désir, désir de foi : le domaine du Graal et le royaume de Klingsor ne sont guère manichéens. Et que devient le monde des chevaliers après l’éradication du jardin enchanté ? Plus de désir, plus de craintes, plus de culpabilité : plus de foi !
Pour cette raison sans doute, la célébration qui clôt Parsifal relève de l’orgie froide, apollinienne (68) – une mise à mort collective, une éradication de l’érotisme –, de la même manière que les jardins enchantés de Klingsor consistent en un culte dionysiaque. De l’orgie apollinienne au culte dionysiaque, Parsifal constitue certes un sacre de l’érotisme sacrifié, mais davantage encore une sacralisation du narcissisme. En effet, les célébrations du corps (acte II) comme les célébrations spirituelles (actes I et III) ont pour but la détention ou l’affermissement d’un pouvoir symbolisé par le Graal et la lance. Et l’érotisme ne semble être que le prétexte ou l’instrument de ce désir individualiste et narcissique de pouvoir. C’est ainsi par un narcissisme fétichiste, forcené, quasi orgiaque, soumettant à son principe l’érotisme, que s’accomplit la séduction wagnérienne. Le « coup de génie » proclamé par Nietzsche – une séduction inouïe –, la « source inépuisable d’orgie émotive » célébrée par Gracq (69), se tiennent dans ce narcissisme qui relègue l’érotisme au rang de curiosité, voire d’importune agitation. Parsifal dédaigne l’érotisme.


NOTES (1) Martin Gregor-Dellin, Richard Wagner, R. Piper & Co. Verlag/Fayard, Vienne/Paris, 1980/1981, p. 160.
(2) « Le Besoin » est le titre d’un poème politique composé par Wagner en février 1849, en pleine révolution.
(3) Martin Gregor-Dellin, Richard Wagner, op. cit., p. 245.
(4) L’idée est développée d’après
Le Banquet de Platon par Jean-Jacques Nattiez, lui consacrant un ouvrage intitulé Wagner androgyne, Christian Bourgeois éditeur, collection Musique/passé/présent, 1990, 415 p.
(5) Je tiens donc à m’excuser de prime abord pour ce que je tente de réaliser. Mais l’analyse d’une fascination ne renforce-t-elle pas la fascination ?
(6) Friedrich Nietzsche,
Le Cas Wagner, Folio Essais, 1974, note page 38.
(7) Wagner affirmera d’ailleurs à Louis II au sujet de Parsifal qu’il s’agit d’un « drame où les plus sublimes mystères de la foi chrétienne sont montés sur la scène ». Bühnenweihfestspiel peut d’ailleurs être traduit par « festival sacré de scène ».
(8) Selon Martin Gregor-Dellin, Wagner a créé ce « sinistre personnage à double visage en le fondant avec la Orgeluse de Wolfram von Eschenbach », in
Richard Wagner, op. cit., page 728.
(9) Ces deux héroïnes sont d’ailleurs interprétées par Gwyneth Jones dans la mise en scène de Götz Friedrich (Bayreuth, 1972-73).
(10) Cité in
Avant-scène opéra n° 38-39, janvier-février 1982, p. 4.
(11)
Parsifal, partition aux éditions Könemann Music Budapest, page 248.
(12)
Parsifal, partition op. cit., page 162.
(13)
Le Vaisseau fantôme, livret page 51, in Guide des opéras de Wagner sous la direction de Michel Pazdro, Fayard, Les Indispensables de la musique, 1988.
(14)
Tannhäuser, livret page 111, in Guide des opéras de Wagner, op. cit..
(15)
Lohengrin, livret page 168, in Guide des opéras de Wagner, op. cit..
(16)
Guide des opéras de Wagner, op. cit., livret page 838.
(17)
Parsifal, partition op. cit., p. 152-153 (« Ah ! Ah ! Noire nuit ! Démence ! Oh ! Rage ! Ah ! Larmes ! Nuit… Nuit… Noir sommeil !… Mort ! »).
(18)
Parsifal, partition op. cit., chiffre 193 page 246.
(19)
Parsifal, partition op. cit., page 248.
(20) Kundry est quasi muette au troisième acte.
(21)
Guide des opéras de Wagner, op. cit., p. 835.
(22)
Guide des opéras de Wagner, op. cit., p. 90.
(23) L’ultime version date de 1874, soit huit ans avant la création de Parsifal.
(24)
Commentaires de Parsifal, in Guide des opéras de Wagner, op. cit., page 852.
(25)
Parsifal, livret op. cit., page 817.
(26)
Parsifal, livret op. cit., page 816.
(27)
Parsifal, livret page 815, in Guide des opéras de Wagner, op. cit..
(28)
Parsifal, livret op. cit., page 835.
(29)
Parsifal, livret op. cit., page 815.
(30)
Parsifal, livret op. cit., page 835.
(31) NIETZSCHE Friedrich,
Le Cas Wagner, op. cit., Note du Traducteur page 40.
(32)
Parsifal, livret op. cit., page 836.
(33) L’engloutissement de ce haut lieu de la séduction évoque l’anéantissement du Venusberg dans Tannhäuser (fin de la scène 2, acte I). Parsifal trace le signe de la croix avec la lance, tandis que Tannhäuser évoque Marie à pleine voix. Dans les deux cas, la couleur orchestrale est la même : un ré majeur scintillant, avec une intervention marquante de la harpe. Ces deux héros éponymes inscrivent d’ailleurs l’aboutissement de leur quête dans une apothéose de la foi.
(34) Cité in Martin GREGOR-DELLIN,
Richard Wagner, op. cit., page 727.
(35) Theodor W. Adorno,
Essai sur Wagner, Gallimard, NRF, 1966, p. 10.
(36) Cité in
Richard Wagner, op. cit., Martin Gregor-Dellin, p. 140.
(37) Martin GREGOR-DELLIN,
Richard Wagner, op. cit., p. 773.
(38)
Parsifal, partition op. cit. , page 182, chiffre 156.
(39)
Parsifal, partition op. cit., chiffre 161, page 190 : premier chœur.
(40)
Parsifal, partition op. cit., chiffre 162, page 191 : soliste, première flûte, premier hautbois.
(41)
Parsifal, partition op. cit., chiffre 159, page 187.
(42)
Guide des opéras de Wagner, op. cit., p. 826.
(43)
Guide des opéras de Wagner, op. cit., livret page 835.
(44)
Guide des opéras de Wagner, op. cit., livret page 824.
(45)
Guide des opéras de Wagner, op. cit., livret page 824.
(46) Cité in
Avant-scène opéra, op. cit., p. 5.
(47)
Guide des opéras de Wagner, op. cit., p. 835.
(48) Kundry a déjà annoncé cette mort à l’acte I.
(49) Wagner parle avant Freud du personnage d’Œdipe et de ses amours avec sa mère dans une note d’Opéra et drame, Éditions Delagrave /Éditions d’aujourd’hui, Collection « Les Introuvables », 1910-1928/ 1982, p. 78.
(50)
Parsifal, partition op. cit., page 224, chiffre 182.
(51)
Parsifal, partition op. cit., page 241, chiffre 190. Le premier violon seul et sans sourdine énonce d’ailleurs le Leitmotiv dit « de la tentation ».
(52)
Guide des opéras de Wagner, op. cit., page 837.
(53)
Guide des opéras de Wagner, op. cit., page 838.
(54)
Siegfried, partition aux éditions Eulenburg, page 983.
(55)
Siegfried, partition op. cit., page 986.
(56)
Siegfried, partition op. cit., page 1000-1001.
(57)
Parsifal, partition op. cit., pages 226-227, chiffre 183.
(58) Theodor W. Adorno,
Essai sur Wagner, op. cit., p. 87.
(59)
Guide des opéras de Wagner, op. cit., livret page 837.
(60) Ce terme de Klangfarbenmelodie désignera le relais de timbres que Schoenberg instaurera dans une des pièces de son opus 16 en 1909. Wagner aurait par ailleurs affirmé à Cosima qu’il concevait l’orchestration de Parsifal « comme des couches de nuages, qui se divisent et se reforment ».
(61)
Guide des opéras de Wagner, op. cit., livret p. 837.
(62) Theodor W. Adorno,
Essai sur Wagner, op. cit., p. 176.
(63) Martin GREGOR-DELLIN,
op. cit., p. 791.
(64) Cité in Richard Wagner,
op. cit., Martin Gregor-Dellin, p. 219.
(65) NATTIEZ Jean-Jacques,
Wagner androgyne, p. 62.
(66) NATTIEZ Jean-Jacques,
Wagner androgyne, p. 60.
(67) WAGNER Richard,
Opéra et drame, p. 78.
(68) Nietzsche distingue dans
La Naissance de la tragédie l’apollinien du dionysiaque.
(69)
Entretien de J. Gracq avec J. Roudaut, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, t. II, p. 1220. Julien Gracq écrivit d’ailleurs un drame en trois actes intitulé Le Roi pêcheur (cf. Pléiade, tome I, p. 325) inspiré du livret de Wagner (se perçoit aussi une influence du Pelléas et Mélisande de Maeterlinck et Debussy).