Hitchcock - La mort aux trousses


Synopsis & casting




Suite à une malheureuse confusion, un homme est pris pour un espion par deux tueurs. Il parvient à s’échapper et se rend au Palais des Nations-Unis pour rencontrer celui qu’il pense être à l’origine de son malheur. Pas de chance, ce dernier est assassiné et notre héros soupçonné. Il s’enfuit en train, rencontre une femme charmante et obtient un rendez-vous avec le vrai espion. Dans un champ désertique, il attend une voiture et c’est un avion qui arrive ! Et les rebondissements s’enchaînent...

La construction du film est ternaire, elle privilégie le plaisir de la contemplation de l’action. (contrairement à F. Lang, par exemple, construction binaire, action).

C’est le système du « film en train de se faire », ce sont les spectateurs qui font le film.

Genèse : Hitchcock a visité à Detroit une usine automobile et une chaîne de montage.

Travail sur le vide :
Tout le film est fait sur le concept suivant :faire du plein avec du vide, accéder à l’existence alors qu’on n’est que dans le paraître (Thornhill / Kaplan) : Histoire d’un personnage qui n’existait pas, qui, à la fin, veut aller vers son existence. Il faut qu’il conquiert et accepte Eve pour pouvoir exister.

Réflexion sur l’impuissance, surtout l’impuissance sexuelle.
> situer le film dans son contexte (Freud, la psychanalyse).


Hitchcock

Il est d’origine irlandaise et catholique, éduqué chez les Jésuites, né à la fin du XIX° siècle dans une Angleterre marquée par l’ordre moral, l’interdit de la sexualité (thème de la confession).

Les films de la période anglaise se caractérisent par un esprit cockney, un langage populaire, ceux de la période américaine par un esprit très « british », les criminels deviennent des dandies.

Hitchcock a lu le livre de Th. de Quincey « De l'assassinat considéré comme l’un des beaux arts » et s’en est inspiré pour tous ses films.

Avec « L’ombre d’un doute », Hitchcock accepte l’américanisme, mais il l’intègre réellement avec « Fenêtre sur cour » : il pense avoir pris la mentalité américaine et s’adresse à des Américains. Il travaille uniquement sur le mental. Qu’est-ce-que le spectateur américain pense et veut voir ? Dans cette société de consommation, il spectateur vient consommer du spectacle. Il veut voir des crimes. Le cinéma va satisfaire les désirs refoulés du spectateur.

Dans « La mort aux trousses », c’est ce que le spectateur veut voir qui est montré. Le contexte historique implicite est celui de la guerre froide, les espions sont supposés venir des pays de l’est. En politique, Hitchcock est dans la tradition anglaise, un « conservateur aux pulsions de gauche ». Dès 1936, il tourne plusieurs films contre les nazis. Un seul de ses films peut être considéré contre les communistes, « Le rideau déchiré », bien que le « héros » américain y soit disqualifié : c’est le « bon » qui fait le mal.
La construction du film est comme toujours chez Hitchcock d’une extrême précision. Le scénario est très travaillé. Dominent les notions de position et d’orientation, les rapports d’espace. La volonté est d’utiliser les caractéristiques touristiques des lieux tout en inversant les attentes du public sur un lieu.

Trois parties dans le film :

1 – Du générique au meurtre à l’ONU et à la réunion des chefs du contre-espionnage.
2 – De la scène de la gare de Chicago jusqu’à la scène de l’avion.
3 – Thornhill réalise qu’il est manipulé et décide de prendre les choses en mains : le héros devient totalement actif.

Histoire d’un personnage qui n’existait pas, qui, à la fin, veut aller vers son existence. Il faut qu’il conquiert et accepte Eve pour pouvoir exister.

Pourquoi « Eve » , alors que toutes les autres héroïnes de Hitchcock ont des prénoms qui commencent par M ? Thème de l’origine de l’homme, l’homme et la femme sont pris entre deux forces supérieures : Dieu, Satan. Pourquoi l’homme a –t –il été créé ? Il faut forcer l’homme moderne à trouver les raisons de son existence.

Le héros, chef de publicité, vit sur du vide des besoins fondamentaux, tels que le couple, l’existence ; il est pris dans le mensonge, il sollicite de petits désirs et de petits besoins. Il faut qu’il se batte pour sauver la femme, qui correspond à la raison d’être et à l’épanouissement sexuel. C’est une grande réflexion sur un thème d’amusement total.

Dans la scène de la vente aux enchères, c’est la femme qui est l’objet de la vente. La femme est l’œuvre en train de se faire.

Les apparitions d’Hitchcock au cinéma sont toujours humoristiques (private joke) ; il est le manipulateur et le créateur, il avertit ses personnages : « surtout n’y allez pas ! ». Dans « La mort aux trousses », le spectateur est sur l’écran (dans « Fenêtre sur cour », il est dans la ville).


Metteur en scène / réalisateur / auteur : approche chronologique de l’œuvre d’Hitchcock

Metteur en scène

À l’origine du cinéma (muet), on filme une scène de théâtre, sans montage, la caméra est placée à peu près au dixième rang dans la salle. Bien retenir qu’Hitchcock a commencé au temps du muet, et qu’il a avant tout une formation de metteur en scène.

ex : The lodgers (traduction : les Cheveux d’or). Mythe de Jack l’éventreur. Œuvre baignée par la notion de culpabilité et de la fausse culpabilité. Interprétation psychanalytique du doute et du faux coupable (cf. L’Ombre d’un doute : on n’est jamais sûr du coupable)


Réalisateur

Apparition du réalisateur avec l’arrivée du montage. Baroquisme visuel. Inventeur de formes.
Hitchcock à partir de 1934 : L’Homme qui en savait trop, les 39 marches, Une femme disparaît.
Hitchcock aux US : Rebecca, Soupçon, L’ombre d’un doute. Appel aux grandes stars.


Auteur

Hitchcock acquiert la liberté à la fin de sa carrière, et pourra même conserver le droit de ses films (chose extrêmement rare aux US). C’est dans cette période que l’on trouve : La mort aux trousses, Vertigo, L’inconnu du Nord-express, La Corde
En quelques sortes, le film La mort aux trousses, placé chronologiquement entre Vertigo et Psychose, résume complètement les techniques d’Alfred Hitchcock.

Hitchcock naquit à Londres en 1899, dans une famille aisée et catholique et reçut une éducation stricte de la part d'un père qui le terrifiait. Mis en pension dans un collège de Jésuites, il vécut sa jeunesse en solitaire, un corps gros et rond, ressenti comme ingrat. Adolescent, il fut fasciné comme beaucoup de jeunes anglais de bonnes familles de l’époque par l’attitude et la morale dandy. Dans le même temps, il abhorrait les jeunes gens élégants, au port distingué qui jouaient aux dandys, ce que son physique ingrat lui interdisait. Ce rapport au dandysme marquera son œuvre et North by Northwest, avec les personnages de Vandamm et de Leonard, le confirme superbement.

D’abord ingénieur dans une compagnie télégraphique, ses dons pour le dessin l’amènent au service publicité, puis dans la succursale londonienne de la future MGM, où il fabrique les intertitres des films muets. Il en profite pour s’initier aux différents métiers du cinéma avant de partir en Allemagne où il découvre l’expressionnisme et des réalisateurs comme Paul Leni ou Fritz Lang.

De retour en Grande-Bretagne, il réalise en 1925 The Pleasure Garden et épouse Alma Reville, qui sera sa collaboratrice régulière. Son premier grand succès est The Lodger (1926), qui est en même temps son premier thriller, inspiré du personnage de Jack l’Éventreur. On remarque d’emblée le don du cinéaste à visualiser à l’extrême chaque détail. Au cours de cette période anglaise, son succès ne cesse de grandir, reposant de plus en plus sur le film de suspense et d’espionnage, et son style se perfectionne dans les années 30 à travers L’Homme qui en savait trop, Les Trente-neuf marches, Une femme disparaît... Mais Hitchcock sent vite les limites financières et techniques de la production anglaise et fait en sorte qu’Hollywood s’intéresse à lui. Le producteur d’Autant en emporte le vent, David O. Selznick, le fait venir en 1939 pour réaliser Rebecca, couronné de succès et de plusieurs Oscars.

Son ambition de devenir le meilleur réalisateur américain après avoir été le meilleur dans son pays d’origine ne l’empêche pas d’aborder à plusieurs reprises la question du nazisme dans Correspondant 17, Lifeboat, Les Enchaînés et La Corde. Mais il joue longtemps de son style anglais et du dandysme attaché à la réputation britannique, montrant « le crime considéré comme un des beaux arts » dans des films comme L’Ombre d’un doute, L'Inconnu du Nord Express ou Le Crime était presque parfait. Outre le raffinement esthétique des meurtriers, la morale victorienne est accentuée, et trois thèmes dominent cette période : le secret, le chantage, l’aveu, que résument deux titres significatifs, Soupçons et le Faux Coupable.

Progressivement, l’œuvre d’Hitchcock glisse vers un fantastique de plus en plus terrifiant avec Psychose et Les Oiseaux. Puis, le metteur en scène joue avec le spectateur, répondant à ses désirs, dans un jeu qui déçoit une partie de la critique mais se révèle d’années en années plus riche (Frenzy, Complot de famille).


Principaux films

La carrière d'Hitchcock est divisée en 2 parties : la période anglaise (1922-1939) et la période américaine (1940-1980).

Période anglaise

Number thirteen (1922)
Woman to woman (1923)
The white shadow (1923), L'ombre blanche
The passionate adventure (1924), Abnégation
The blackguard (1925), Le voyou
The prude's fall (1923)
The pleasure garden (1925), Le jardin du plaisir
The mountain eagle (1926)
The lodger (1926), Les cheveux d'or
Downhill (1927)
Easy virtue (1927)
The ring (1927), Le masque de cuir
The farmer's wife (1928), Laquelle des trois ?
Champagne (1928), A l'américaine
The manxman (1929)
Blackmail (1929), Chantage
Juno and the Paycock (1929)
Murder (1930), Meurtre
The skin game (1931)
Rich and strang (1932), A l'est de Shangai
Number seventeen (1932), Numéro dix-sept
Wlatzes from Vienna (1934), Le chant du Danube
The man who knew too much (1934), L'homme qui en savait trop - première version
The thirty-nine steps (1935), Les trente-neuf marches
The secret agent (1936), Quatre de l'espionnage
Sabotage (1936), Agent secret
Young and innocent (1937), Jeune et innocent
The lady vanishes (1938), Une femme disparaît
Jamaica Inn (1939), La taverne de la Jamaïque





Période américaine

Rebecca (1940)
Foreign correspondent (1940), Correspondant 17
Mr. and Mrs. Smith (1941), Joies matrimoniales
Suspicion (1941), Soupçons
Saboteur (1942), Cinquième colonne
Shadow of a doubt (1943), L'ombre d'un doute
Lifeboat (1943)
Bon voyage (1944), court métrage
Aventure malgache (1944), court métrage
Spellbound (1945), La maison du Docteur Edwardes
Notorious (1946), Les enchaînés
The Paradine case (1947), Le procès Paradine
Rope (1948), La corde
Under Capricorn (1949), Les amants du Capricorne
Stage fright (1950), Le grand alibi
Strangers on a train (1951), L'inconnu du Nord-Express
I confess (1952), La loi du silence
Dial M for murder (1954), Le crime était presque parfait
Rear window (1954), Fenêtre sur cour
To catch a thief (1955), La main au collet
Trouble with Harry (1956), Mais qui a tué Harry ?
The man who knew too much (1956), L'homme qui en savait trop - deuxième version
The wrong man (1957), Le faux coupable
Vertigo (1958), Sueurs froides
North by Northwest (1959), La mort aux trousses
Psycho (1960), Psychose
The birds (1963), Les oiseaux
Marnie (1964), Pas de printemps pour Marnie
Torn curtain (1966), Le rideau déchiré
Topaz (1969), L'étau
Frenzy (1972)
Family plot (1976), Complot de famille
The short night (1980) - inachevé

Herrmann

Bernard Herrmann (1911-1975) dirigeant sa musique. Il voulait être un grand chef d’orchestre, il fut l’un des compositeurs qui donnèrent ses lettres de noblesse à la musique de cinéma. À travers sa collaboration avec Alfred Hitchcock, celle-ci devient un élément clé de la dramaturgie.



Véritable père de la modernité en matière de musique de film, le compositeur et chef d'orchestre américain Bernard Herrmann a trouvé ses alliances les plus fécondes avec Orson Welles et Alfred Hitchcock ; celles-ci ne doivent cependant pas faire oublier ses collaborations avec de nombreux autres réalisateurs, au premier rang desquels Brian De Palma et François Truffaut.

Né le 29 juin 1911 à New York dans une famille juive d'origine russe, Bernard Herrmann reçoit une formation musicale classique en matière de composition et de direction à l'université de New York, où il est l'élève de Philip James et de Percy Grainger, puis à la Juilliard School of Music de New York, où il travaille la composition avec Bernard Wagenaar et la direction d'orchestre avec Albert Stoessel.

Son désir de devenir un grand chef d'orchestre le hantera toute sa vie, même après sa reconnaissance comme un des plus importants compositeurs pour le cinéma. Il fonde d'ailleurs à New York, à l'âge de vingt ans, le New Chamber Orchestra. Au début des années 1930, il dirige des concerts à la radio américaine. La radio offre en effet une voie inattendue à son inspiration : Bernard Herrmann a compris que l'immense promotion de l'immédiat qu'offre ce médium est le moyen le plus puissant parce que le plus direct pour se faire connaître. En 1934, il est nommé directeur musical, chargé des émissions radiophoniques, au sein de la firme Columbia Broadcasting System (C.B.S.) et chef d'orchestre des séries estivales radiodiffusées de l'Orchestre symphonique de la C.B.S. Il écrit alors des fragments de musique qui accompagnent des émissions dramatiques... et des publicités. Que sa musique serve à mettre en valeur des biens de consommation ne le gêne en aucune façon : « Que l'un des produits de beauté les plus utilisés par les femmes permette de mettre en forme une dramatique ne me gênait pas ! Au contraire. Toutes les audaces étaient permises et flattaient l'annonceur. » Entre 1942 et 1955, Bernard Herrmann sera premier chef de l'Orchestre symphonique de la C.B.S., avec lequel il fera connaître des compositeurs américains et britanniques alors peu joués, Charles Ives et Carl Ruggles notamment, dont il se fait le champion, mais aussi Aaron Copland, William Walton, Edward Elgar, Frederick Delius, Ralph Vaughan Williams, Edmund Rubbra, Havergal Brian, Arnold Bax, Alan Gray, Cyril Scott, Joachim Raff...

En 1938, Bernard Herrmann, dont la maîtrise professionnelle impose partout le respect, rejoint Orson Welles comme compositeur du Mercury Theater on the Air. Pour leur première collaboration, Welles et Herrmann provoquent un scandale et sèment la panique dans le New Jersey : l'émission radiophonique The War of the Worlds (La Guerre des mondes) créée par Welles d'après l'œuvre de Herbert George Wells déclenche, le 30 octobre 1938, une hystérie collective chez les Américains, qui se croient envahis par les Martiens.

Malgré son conservatisme et sa frilosité, Hollywood s'intéresse à ces deux trublions qui jusque-là étaient restés étrangers au cinéma. En 1939, Welles quitte la radio et rejoint les studios de la côte ouest avec une grande partie de son équipe du Mercury Theater, dont Bernard Herrmann. Leur premier essai est un tour de force : Citizen Kane (1941) est sans doute un des films les plus inattendus de toute l'histoire du cinéma ; en mettant en scène un personnage aussi énigmatique que le magnat de la presse William Randolph Hearst, Welles offre une réflexion politique quasi philosophique par le biais du cinéma. La manière dont Bernard Herrmann conçoit la musique est complètement nouvelle. Il opère une véritable révolution orchestrale - en rompant avec la tradition des grands tutti orchestraux pour mettre en relief des timbres isolés - et formelle : ayant compris que le mouvement linéaire des structures musicales s'accorde généralement mal aux structures cinématographiques, il compose des fragments plutôt verticaux qui s'opposent aux développements horizontaux de la narration filmique afin que la musique ne devienne pas une simple redondance des images. Même s'il utilise des leitmotive, il ne s'agit que de très courtes phrases qui ne s'intègrent pas à des thèmes développés. Mais, après Magnificent Ambersons (La Splendeur des Amberson, 1942), Orson Welles et Bernard Herrmann vont interrompre à jamais leur collaboration : plus d'une demi-heure de la musique de Bernard Herrmann a été coupée au montage, en l'absence du réalisateur et sans que le compositeur ait été mis au courant. Lors de la sortie du film, Bernard Herrmann découvre que la majeure partie de la musique qu'il a composée a été remplacée par celle de Roy Webb. Malgré leur séparation, Bernard Herrmann parlera toujours de Welles avec beaucoup d'admiration et de respect : « Orson est le seul qui ait eu un background musical et culturel. Tous les autres metteurs en scène avec qui j'ai travaillé n'avaient même pas l'audace de me dire quoi que ce soit à propos de la musique. »

En 1951, Bernard Herrmann est l'un des premiers compositeurs à utiliser des instruments électriques - un violon et une basse - dans une partition cinématographique, pour The Day the Earth Stood Still de Robert Wise (Le Jour où la Terre s'arrêta, 1951).

En 1955, Bernard Herrmann commence à travailler avec Alfred Hitchcock, pour The Trouble with Harry (Mais qui a tué Harry ?). C'est pour ce film que le compositeur esquisse son célèbre accord - une septième majeure/mineure -, que l'on peut désigner comme l'accord hitchcockien par excellence puisqu'il va apparaître dans presque tous les films de ce réalisateur. Dans Psycho (Psychose, 1960), l'ambiguïté majeur/mineur de cet accord figure parfaitement la schizophrénie du personnage principal. Également présent dans Vertigo (Sueurs froides, 1958), cet accord résume toute la dialectique hitchcockienne du dehors et du dedans, du normal et du pathologique.

Bernard Herrmann a l'immense mérite de pénétrer immédiatement l'imaginaire du maître du suspense. Dans Vertigo, pour mettre en musique l'« idée fixe », cette recherche de la femme idéale, il fait référence aux compositeurs romantiques du XIXe siècle et choisit la même voie que Richard Wagner, auquel il fait allusion : il utilise comme lui un grand orchestre mais, surtout, s'inspire pour sa partition de celle de Tristan et Isolde, une de ses œuvres préférées. Référence parfaite puisque l'histoire de Vertigo présente des similitudes avec le Tristan de Wagner : les amants ne peuvent vivre pleinement leur amour, qui les mènera inéluctablement à la mort. La musique met parfaitement en évidence le ralentissement du temps : par le retour du passé sur le présent, qui finissent par se mélanger, Hitchcock et Herrmann font parvenir le spectateur à une atemporalité parfaitement figurée par une musique en suspension, interrompue par ce thème de l'amour impossible qui clôt le film.

Cinquième collaboration entre Bernard Herrmann et Hitchcock - après The Man Who Knew Too Much (L'Homme qui en savait trop, 1956, où Bernard Herrmann apparaît à l'écran dans la célèbre séquence du Royal Albert Hall à la tête de l'Orchestre symphonique de Londres, dirigeant la Storm Clouds Cantata d'Arthur Benjamin) -, North by Northwest (La Mort aux trousses, 1959) offre au compositeur l'occasion d'écrire l'une de ses plus belles partitions pour un film qui apparaît comme l'un des joyaux du cinéaste. Loin des réminiscences romantiques de Vertigo, la musique de La Mort aux trousses apparaît gaie et entraînante, cachant sa réelle complexité dans une multitude de thèmes et variations. Pour accentuer la poursuite du film, Herrmann écrit un thème fondé sur un ostinato en doubles croches à 2/4 dont le caractère obsessionnel est renforcé par un accent violent qui marque chaque temps. La mélodie bouge peu ; elle se contente de suivre les personnages dans leur « zigzag ». Les formules répétitives de l'ostinato placent l'auditeur dans une situation de grande instabilité ; cet ostinato qui se nourrit d'une phrase harmonique dissonante évite toujours les consonances, même en fin de séquence : le générique de La Mort aux trousses se termine ainsi sans résolution, ce qui laisse le spectateur dans l'inconfort et l'incertitude. Bernard Herrmann manifeste ici pleinement sa maîtrise de la suspension dramatique.

La collaboration des deux hommes se poursuit avec The Wrong Man (Le Faux Coupable, 1956), The Birds (Les Oiseaux, 1963, un film sans musique mais dont Bernard Herrmann assure la supervision musicale des sons électroniques élaborés par Remi Gassmann et Oskar Sala) et Marnie (Pas de printemps pour Marnie, 1964). Elle atteint un point de perfection rare mais va malheureusement se terminer lorsque Hitchcock rejette la partition de Bernard Herrmann composée pour Torn Curtain (Le Rideau déchiré, 1966) ; quand, en 1966, Hitchcock arrive à la séance d'enregistrement de la musique, il découvre en effet que Bernard Herrmann n'a fait aucune concession dans ses choix d'instrumentation : la composition de l'orchestre, dépourvu de cordes et comprenant douze flûtes, seize cors et neuf trombones, n'est pas acceptée par le réalisateur. Hitchcock remplacera la partition de Bernard Herrmann par une musique de John Addison.

Parmi les autres films dont Bernard Herrmann signe la musique dans les années 1940 et 1950, citons All that Money can Buy de William Dieterle (Tous les biens de la Terre, 1941), également connu sous le titre The Devil and Daniel Webster, qui lui vaudra son seul oscar, Jane Eyre de Robert Stevenson (1944), Hangover Square de John Brahm (1945), Anna and the King of Siam de John Cromwell (Anna et le roi de Siam, 1946), The Ghost and Mrs Muir (L'Aventure de Mme Muir, 1947) et Five Fingers (L'Affaire Cicéron, 1952), tous deux de Joseph L. Mankiewicz, Garden of Evil de Henry Hathaway (Le Jardin du diable, 1954), The Man in the Gray Flannel Suit de Nunnally Johnson (L'Homme au complet gris, 1956), The 7th Voyage of Sinbad de Nathan Juran (Le Septième Voyage de Sinbad, 1958), The Naked and the Dead de Raoul Walsh (Les Nus et les morts, 1958), Journey to the Center of the Earth de Henry Levin (Voyage au centre de la Terre, 1959).

Devant la demande pressante des producteurs d'Hollywood pour une musique plus « mélodieuse », Bernard Herrmann quitte les États-Unis pour Londres, où il va passer les dix dernières années de sa vie. François Truffaut, grand admirateur du maître du suspense, fait appel à lui pour la musique de Fahrenheit 451 (1966) et pour celle de La Mariée était en noir (1967). Bernard Herrmann travaille ensuite avec Brian De Palma pour Sisters (Sœurs de sang, 1972) et Obsession (1975). Il signe sa dernière partition cinématographique pour Taxi Driver (1976) de Martin Scorsese. À la fin des séances d'enregistrement, le 24 décembre 1975, à Los Angeles, Bernard Herrmann succombe à une crise cardiaque.

Bernard Herrmann a également composé de nombreuses œuvres non destinées au cinéma. Son opéra en un prologue et quatre actes, Wuthering Heights, sur un livret de sa première épouse, Lucille Fletcher, d'après Les Hauts de Hurlevent d'Emily Brontë, composé entre 1943 et 1951, sera créé en version scénique à l'opéra de Portland (Oregon), le 6 novembre 1982. Sa cantate Moby Dick, pour deux ténors, deux basses, chœur d'hommes et orchestre, est créée à New York le 11 avril 1940. De sa musique pour orchestre se détachent une Sinfonietta, pour cordes (1935), une symphonie (créée le 12 novembre 1942 par l'Orchestre philharmonique de New York), For the Fallen, créé le 16 décembre 1943 par l'Orchestre philharmonique de New York sous la direction du compositeur, et les suites Currier and Ives (1935), The Devil and Daniel Webster (d'après sa partition cinématographique, créée à Philadelphie sous sa direction en 1942), Welles Raises Kane (« portrait musical d'Orson Welles » composé à partir des partitions de Citizen Kane et de La Splendeur des Amberson, créé sous la direction du compositeur à New York en 1942). Bernard Herrmann a également composé des pièces de musique de chambre : un quatuor à cordes (1932), Aubade, pour 14 instruments (1933), Echoes, pour quatuor à cordes (1965), un quintette avec clarinette, Souvenirs de voyage (1967)...

L'immense qualité du travail de Bernard Herrmann dans l'univers du cinéma est issue de la démarche qu'il a adoptée pour écrire. Il a déclaré que son inspiration venait toujours du film lui-même : « La musique de film, c'est le cinéma. Elle fait partie intégrante de ses procédés créateurs. Ce n'est pas quelque chose que l'on ajoute après coup. »

© Encyclopédia Universalis 2005, tous droits réservés



Les thèmes hitchcockiens

Ce sont des thèmes obsessionnels dont la permanence apparaît dans presque toutes ses oeuvres...

  • La fausse culpabilité : Erreur de personne au début du film.
  • La solitude de l'homme en fuite : Des alliés potentiels se trouvent être des ennemis, sa propre mère est incrédule...
  • La séquestration - Prisonnier dans une maison, un train, de l'espace, d'un itinéraire, il ne s'échappe qu'à la fin dans le train lorsque celui-ci entre dans le tunnel (symbole phallique).
  • La frustration - Sa rencontre avec Eve. Plaisirs interrompus en permanence (dessert dans le train)...
  • Le père, homme redoutable pour Hitchcock, est l'homme à abattre (Philipp Vandamm ?) ou bien celui qui a mis en scène toute cette histoire et qui manipule Roger Thornhill (Le « Professeur » ?). La mère refuse de croire son fils, est-ce un reproche à sa propre mère ? La femme, comme dans beaucoup de films d'Hitchcock, est une blonde, distante, presque glaciale.
  • La poursuite : la poursuite est un élément fondamental dans un film d'Hitchcock : le personnage poursuivi perd ses repères et fuit sans vraiment savoir pourquoi et comment (exemple dans La Mort aux trousses).
  • Les escaliers : c'est un élément majeur dans ses films, en effet les escaliers représenteraient comme une descente aux enfers... Exemple : dans Psychose lors de la célèbre descente à la cave.
  • La police : alors qu'il avait cinq ans, à la suite d'une bêtise, son père l'envoya au commissariat avec une lettre, et Hitchcock se retrouva enfermé à peu près dix minutes dans une cellule. C'est sûrement de là que viendrait ses personnages de policiers rarement sympathiques et souvent montrés comme incompétents...
  • La religion : elle représente l'austérité et la solennité, notamment dans Sueurs froides, où à la fin, la nonne symbolise le jugement divin : l'héroïne est prise de panique par son arrivée et se jette du haut du clocher.
  • Les femmes : la pudeur retrouvée dans ses films dégage en fait un certain érotisme comme dans Psychose où l'on voit une femme en soutien-gorge allongée sur un lit. Il invente aussi un nouveau personnage : la blonde hitchcokienne qui est révélée tantôt en créature sublime et innocente tantôt en voleuse ou en espionne (exemples : Grace Kelly dans La Main au Collet, ou Kim Novah dans Sueurs froides).
  • Les apparitions : à partir de sa période hollywoodienne (= à partir de Rebecca), Hitchcock se débrouillera pour apparaître systématiquement dans ses films. Le spectateur cherchera donc à chaque fois à apercevoir le réalisateur. C'est très rare pour un réalisateur de se montrer à l'écran et ce fut une des grandes caractéristiques de ses films...


Plus particulièrement dans La Mort aux trousses

Film d’une invraisemblance totale : homme recherché par la police, et qui parvient à échapper à la police (malgré les photos diffusées partout, même dans les gares).
Autre invraisemblance : rencontre d’Eve dans le train. Comment le FBI pouvait-il savoir que Thornhill prendrait ce train ?
Rencontre d’Eve dans l’hôtel, totalement fortuite.
L’attaque de l’avion : pour des espions, elle est complètement rocambolesque.
Pour Hitchcock, la vraisemblance n’est pas intéressante. En revanche, la logique interne est très intéressante. A partir du moment où on est dans le film, tout devient d’une logique parfaite ; tout fonctionne. La vraisemblance peut ne pas exister, mais il y a toujours cohérence interne.

Eléments de symétrie

  • boîte d’allumettes dans le train et dans la maison de Vandamm.
  • allusion à l’avion au début, avec Thornhill qui ne veut pas prendre l’avion parce qu’il ne pourrait pas s’enfuir. A la fin, Vandamm veut précipiter Eve en plein vol au-dessus de l’océan.
  • « vous devriez avoir honte », dit par la mère au début, après la soirée alcoolisée, et après l’ONU, par le policier.
  • Révélation de l’identité des 2 personnages (fausse pourtant) en levant la main, dans le bar pour Kaplan, et aux enchères pour Vandamm.


Introduction à la pensée hitchcockienne

Particularités utilisées fréquemment par Hitchcock : les recettes...
Ce film présente un catalogue de tous les trucs d’Hitchcock :

  • notion de suspense (à ne pas confondre avec la surprise). Ex : la boîte d’allumettes dans la maison de Vandamm.
  • Le Mac Guffin : idée qu’il faut toujours créer un prétexte (ex : microfilms dans la statuette). Le fameux Mac Guffin : concept inventé par Hitchcock, il s'agit en fait d'un élément qui sert essentiellement à démarrer ou à justifier l'histoire (peu à peu oubliée dans la suite du film), qui va entraîner le spectateur à se soucier et même à avoir peur pour le héros ou l'héroïne... Exemples : dans Psychose, le Mac Guffin est l'argent volé par Marion à son patron au début du film. Dans Sueurs froides, il s'agit de la mission confié au héros. Dans ces deux grands films, on remarque que la suite de l'histoire est tellement prenante que l'on en oublie le but initial...
  • humour permanent, et décalage
  • théorie de la chute et du vertige, qui deviennent instruments du suspense. Chute à analyser du point de vue psychanalytique (chute des âmes)
Le cinéma d’Hitchcock n’est pas séparable d’une pensée dont le cinéaste lui-même a donné les énoncés principaux, sous forme fréquemment aphoristique, dans son célèbre livre d’entretiens avec François Truffaut. Nous avons retenu quelques exemples, qui esquissent une introduction à la pensée hitchcockienne. Un tout autre choix, bien sûr, eut été possible.


Le Mac-Guffin

Ce terme désigne en réalité la péripétie principale autour de laquelle s’organise l’action, ce après quoi tout le monde court. Le Mac-Guffin crée le mouvement et le suspense, mais en lui-même il n’est rien. Sans doute revient-il à Hitchcock d’avoir démontré, mieux que quiconque, qu’au cinéma seule la course compte, non l’arrivée. Deux exemples célèbres de Mac-Guffin sont la bouteille de Bordeaux remplie d’uranium des Enchaînés (1946), et, dans La mort aux trousses, Georges Kaplan lui-même qui, parce qu’il n’existe pas, est le Mac-Guffin idéal.

Direction d’acteurs / direction de spectateurs

Les acteurs au sens classique, partisans de la composition ou de la performance, déplaisaient à Hitchcock. Celui-ci, qui un jour avait choqué en déclarant que « tous les acteurs sont du bétail », n’aimait pas qu’on parle de « direction d’acteurs ». A ses yeux, le cinéma relève de la « direction de spectateurs ». Il prétendait jouer du public comme d’autres de l’orgue, et s’amusait d’en tirer autant d’émotions différentes qu’il y a de notes sur ce même instrument.

Il savait parfaitement, à chaque scène, à chaque plan, quelle seraient les attentes et les réactions du public.

Les décors naturels

Chez Hitchcock, l’utilisation des décors naturels a toujours été étroitement liée à l’idée de cliché. Il s’agit d’abord de jouer du décor naturel comme d’une partition musicale parfaitement connue par le public, et celui-ci apprécie d’entendre à nouveau. Ensuite, Hitchcock modifie cette partition en y introduisant quelques notes inattendues qui instillent de l’étrangeté au cœur-même du familier.



Le suspens

Le suspense comme dévoilement des mécanismes de la société.

Réalisé entre Vertigo et Psychose, La Mort aux trousses est considérée par les uns comme un simple mais brillant exercice de style, confirmant le titre de « maître du suspense » que la critique et le public lui ont décerné. Pour les autres, le sens se cache sous l'apparence du pur divertissement. Le succès, la pérennité de La Mort aux trousses tiennent précisément à cette originalité : ce film est à la fois une source de réflexion, et un pur plaisir désintéressé.

C’est le film idéal pour étudier les mécanismes du suspense : comment le réalisateur, à travers le récit, joue avec l’attente du spectateur ? Une dramatisation à l’état le plus pur.

Plus profondément, le film mène à une réflexion sur les leurres d’une civilisation fondée sur la publicité, l’apparence, sur ce que l’on voit ou croit voir plutôt que ce qui se dévoile vraiment dans et à travers l’image.

Le suspens hitchcockien

Exemple classique de Vertigo : un homme glisse sur un toit, ses doigts restent accrochés à une gouttière qui craque, il est suspendu dans le vide, dans l’impuissance de remonter. Il a deux issues, tomber ou vivre.
Le personnage suspendu est incapable d’agir sur sa vie, qui dépend d’autres éléments.
Il est pris entre le désir d’être sauvé et la peur de mourir.
Il est pris entre deux forces, bénéfique et maléfique, dont son existence dépend.
Le spectateur est pris entre désir et crainte : il est en sécurité dans la salle, il souhaite que le héros soit sauvé, mais il veut aussi le voir en danger. Hitchcock travaille la bonne et la mauvaise conscience du spectateur qui est le personnage principal. Le héros sur la toiture est la projection du spectateur, qui en dispose, son sort à lui n’étant pas menacé : jeu du double et du dédoublement. L’ombre ou le double apparaissent souvent avant le héros.
L’individu est impuissant face aux deux forces qui doivent se rencontrer et se détruire pour rendre sa puissance au personnage.

C’est le schéma d’une naissance :
  • Glissement, danger. 
  • Attente, moment d’arrêt, dilatation du temps. 
  • Les deux forces se rencontrent, résolution du suspens, heurt. 

Selon le film ou la situation, un des trois aspects sera dominant.

Il s’agit d’un suspens initiatique : le personnage traverse différentes étapes pour accepter de naître. Le personnage d’Hitchcock tend à revenir à l’univers fœtal, il refuse d’affronter la vie : le suspens va l’obliger à affronter la vie, l'amour, le sexe.

Aucun personnage principal ne meurt dans les films d’Hitchcock, (sauf dans « Psycho » mais le véritable héros est le psychopathe) puisque le spectateur s’identifie à ce héros. On est dans l’univers du conte de fées.

La figure de l’ellipse

Ellipse : figure cinématographique par excellence. C’est un raccourci narratif.


3 catégories d’ellipses :

Ellipse de confort

Ellipse pour éviter des événements inutiles, qui n’apportent rien à l’histoire.
Ex : Thornhill kidnappé, dans la voiture --> puis arrivée à la maison de Townsend.
On ne sait où se trouve la maison --> ellipse de temps et d’espace.


Ellipse dramatique

Ellipse qui donne du sens. Ellipse de signification.
Ex : Fondu enchaîné : passage de la conversation sur le tarmac avec le chef du F.B.I. à la vision du mont Rushmore par la longue vue.
Passage de l’ombre à la lumière : visage éclairé sur le tarmac, puis visages éclairés des présidents US. Le perso redevient un héros américain.

> permet de passer :
  • de l’aéroport de Chicago au Dakota du sud,
  • de la nuit au jour
  • de l’ombre du personnage à sa renaissance comme héros américain

Ellipses signifiantes : censure et métaphore


Contourner la censure

L’ellipse est une façon de contourner la censure, encore importante à l’époque.
Ex : représentation de la mort d’un personnage (rare dans le film)

Mont rushmore : mort de Léonard, l’homme qui écrase la main de Thornhill, pas vraiment montrée.
Ex 2 : l’acte sexuel, dans le train, avec plan final du train entrant dans le tunnel


Ellipse de métaphore

Pour ajouter du sens, il faut souvent enlever quelque chose. Le spectateur remplit le vide. Il est donc parfois plus parlant de cacher plutôt que de montrer.
Ex : Sur le mont Rushmore, Thornhill rattrape Eva --> puis la récupère sur la couchette du wagon
--> Ellipse de temps et d’espace complètement indéterminée
Sens : signification du mariage, il la hisse à sa hauteur, il l’élève.



Les 30 premiers plans

Travail proposé par Isabelle MILLIES, collège Paul Arène

Séance de vocabulaire d’analyse de l’image filmique
(classes de 4ème - 3ème)


Les 30 premiers plans de La mort aux Trousses, Hitchcock
(les cinq premières minutes du film)

Objectifs :

Connaître quelques termes de vocabulaire et quelques notions essentiels pour l’analyse de l’image filmique :
  • Distinguer entre plan, scène et séquence ; 
  • Reconnaître différents types de plans ; 
  • Repérer un plan en plongée, contre-plongée, champ et contre-champ ; 


Repérer les indices narratifs :

  • Le générique donne en 10 plans toutes les indications spatio-temporelles, créé un climat, une ambiance ; 
  • Le générique propose quelques éléments symboliques de l’histoire ainsi que des conditions de réalisation du film ; 
  • La deuxième séquence présente en 6 plans et 3 scènes le personnage principal ; 
  • La troisième séquence introduit « l’élément perturbateur ». 


Les élèves auront préalablement recherché les définitions des mots suivants : Plan, séquence, scène, raccord, champ, et auront recherché les noms et définitions des différents plans existants.

Un décloisonnement avec le professeur de musique permettrait aux élèves de travailler sur la musique du film ;


Déroulement : (1 heure)

Première projection sans commentaire des trois premières séquences ; (5 minutes)

Distribution de la fiche élève ; les élèves se munissent d’un surligneur et devront surligner dans la fiche tous les mots de vocabulaire à retenir, au fur et à mesure que les plans seront étudiés; Tous les mots en rouge sont à connaître et à retenir par les élèves.

Projection plan par plan avec questions-réponses (cadrage, mouvement, symboles, indications narratives…)


SEQUENCE 1 : le générique en 10 plans (répond aux questions : Quoi ? où ? quand ? quelle atmosphère ? )



Plan 1 :


Fond uni vert et lignes obliques entrecroisées de lignes verticales impression de « filet » ou de « cage » (symbolise l’histoire qui va être montrée : le héros sera pris comme un poisson dans un filet)


dynamique du mouvement vers la droite et le haut ; les noms principaux défilent dans un mouvement vertical et s’immobilisent dans les lignes obliques ; ( ils sont comme pris dans le filet)


musique lancinante, stressante, en boucle.


Raccord ( ou transition ) au plan suivant enchaîné (surimpression des deux plans) après le nom du réalisateur (Hitchcock)



Plan 2 :


Plan moyen sur la façade de l’immeuble vitré qui reflète un plan d’ensemble sur la rue ; plan relativement long ;


Illusion d’optique : le filet se révèle être une image « trafiquée » : la façade d’un immeuble vitré en perspective, elle-même reflet de la réalité. On est dans un processus où la réalité est reflétée dans les multiples facettes du miroir – comme dans l’histoire qui va suivre .


Le générique continue de défiler dans un mouvement de haut vers le bas ou de bas vers le haut ;


Indication spatio-temporelle : une grande ville américaine (les taxis jaunes : N.Y.) ; le monde des affaires (l’immeuble n’est pas un immeuble d’habitation mais un bâtiment de bureaux) ; milieu du 20ème siècle.


Raccord enchaîné au plan 3





Plan 3 :


Plan moyen large : au bas de l’immeuble les employés sortent ; plan court ;


Mouvement horizontal : les employés, les passants sur le trottoir, les noms du générique : mouvement linéaire du quotidien ; (situation initiale)


Raccord franc ( ou « cut » ) au plan 4 ;





Plan 4 :


Plan moyen large en Plongée sur la foule qui s’engouffre dans le métro ; plan court ;


Indication temporelle : c’est la fin de la journée de travail ;


Remarquer les tenues vestimentaires pour déterminer la saison ;





Plan 5 :


Plan moyen large sur la rue ;


Mouvement horizontal : les noms du générique, l’autobus, les voitures… aspect linéaire d’une vie sans histoire ;





Plan 6 :


Plan moyen large en contre plongée: descente massive et pressée de la foule dans l’escalier d’une entreprise ; chacun est pressé de rentrer chez lui ; mouvement rapide du flot humain ; atmosphère d’une grande ville ;





Plan 7 :


Plan moyen sur les deux femmes et le taxis ; atmosphère de stress, d’agressivité, excitation ambiante ;





Plan 8 :


Plan moyen large ;


Mouvement horizontal de la foule et des voitures ;


Apparition de la gauche vers la droite du nom final du metteur en scène : Hitchcock ;





Plan 9 :


Plan moyen de l’homme et de l’autobus ;


Mouvement horizontal : Hitchcock entre par la gauche dans le champ de la caméra en même temps que son nom sort du champ par la droite ; il rate le bus dont les portes se referment sur son nez ;


Signature du réalisateur et metteur en scène : apparition d’Hitchcock ; (sens symbolique du réalisateur qui rate le bus ??? voir les problèmes rencontrés par Hitchcock pour la réalisation et le tournage de ce film… )





Plan 10 :


Plan moyen large : retour à la sortie de l’immeuble de bureaux du début du générique ; ( boucle )


Fin de la musique du générique ;


Fin du générique.



SEQUENCE 2 : ( présente le personnage principal : tous les clichés de l’homme d’affaire sont utilisés )


Scène 1 : dans le couloir (unité de décor)


Plan 11 :


Plan moyen serré ( ou « plan italien » genoux) : sortie d’ascenseur dans un immeuble de bureaux ;


La voix (donnant des ordres) précède le personnage principal ;


Sortie du personnage principal accompagné de sa secrétaire ; c’est un homme d’affaire ; position importante ; il commande ; tout le monde le connaît mais lui ne connaît les gens que superficiellement ; il achète un journal (qu’il ne lira pas) ; il marche vite : sa secrétaire le suit en courant ; …


On entend pour la première fois son nom : Thornhill (« la colline d’ épines » ou « le mont aux épines »…) ; on entendra son nom un très grand nombre de fois dans les scènes qui vont suivre : le spectateur dont bien enregistrer ce nom puisque l’intrigue sera bâtie sur une méprise à propos de son identité ;


Travelling arrière pour suivre les personnages qui s’avancent dans le couloir en parlant ; (préciser que le travelling permettait ce que le zoom permet aujourd’hui) ;



Scène 2 : dans la rue


Plan 12 :


raccord du plan suivant sur la porte de sortie côté extérieur ; ils sont dans la rue ;


Plan moyen ;


Complément d’information sur le personnage principal : C’est un séducteur très occupé : il ne semble pas véritablement amoureux ; il est célibataire ; sa secrétaire gère ses relations amoureuses comme ses affaires professionnelles ;


Travelling arrière sur les deux personnages qui avancent dans la rue ; le plan se rapproche pour devenir un plan rapproché taille ;



Plan 13 :


plan moyen serré en contre-champ : le taxis ;


Le personnage principal a le pouvoir : il se fait céder le taxis destiné à quelqu’un d’autre ;




Scène 3 : dans le taxis


Plan 14 :


Plan rapproché taille des deux personnages ;


Ils travaillent dans le monde de la publicité (le monde de l’apparence, du mirage, de l’illusion…où la réalité ne se donne jamais à voir) ;





Plan 15 :


Plan rapproché poitrine du chauffeur de taxis ;


Thornhill lui donne aussi un ordre ;





Plan 16 :


Plan rapproché taille du personnage principal et de sa secrétaire ;


Mention de « sa mère » par le personnage principal : c’est le premier signe de faiblesse du personnage, il semble craindre sa mère (elle jouera un rôle dans l’intrigue) ;



SEQUENCE 3 :


Scène 1 : devant l’hôtel


Plan 17 :


Plan moyen du personnage principal qui descend du taxis et monte les escaliers du Plazza : plan en contre plongée (le personnage est petit par rapport à la taille de l’escalier de l’hôtel );





Scène 2 : dans les couloirs de l’hôtel


Plan 18 :


Plan moyen du personnage dans le hall de l’hôtel Plazza ;


Musique d’ambiance aéroport…





Plan 19 :


Plan moyen du personnage dans les couloirs de l’hôtel ; Thornhill semble immense.





Scène 3 : dans le bar / restaurant


Plan 20 :


Accueil du personnage par le maître d’hôtel qui le connaît bien et l’appelle par son nom ; (il est connu dans les grands restaurants de la ville)





Plan 21 :


Plan rapproché poitrine des trois hommes attablés avec qui il a un rendez-vous de travail ; présentations ; son nom est encore répété ;





Plan 22 :


Plan rapproché poitrine du personnage principal ;


Thornhill est seul en premier plan dans le champ de la caméra ; en arrière plan on voit les clients qui sont attablés ;


Il est préoccupé par sa « maman » : ( c’est un autre aspect du personnage qui est ainsi montré, l semble plus vulnérable )





Plan 23 :


Plan rapproché en contre champ des trois autres hommes attablés en face du personnage principal ; trois niveaux de plans : les deux espions sont déjà visibles en arrière plan sur la droite : ils apparaissent au même moment qu’une voix appelle « M. Kaplan » ;





Plan 24 :


- Plan rapproché du personnage principal ; il fait un signe au serveur au moment où une voix appelle « M. Kaplan » ; toute l’intrigue repose sur ce geste ;





Plan 25 :


plan rapproché poitrine des trois autres personnages ;


travelling vers la droite sur les deux espions debout dans le coin de la pièce : plan moyen puis plan rapproché sur les espions;





Plan 26 :


Plan moyen large en contre-champ sur le serveur qui se dirige vers le personnage principal ;





Plan 27 :


Plan rapproché sur les deux espions ;





Plan 28 :


Plan rapproché poitrine en contre-champ sur le personnage principal et le serveur ;





Plan 29 :


Plan rapproché poitrine des trois collègues de travail ;





Plan 30 :


Plan rapproché poitrine personnage principal; plan rapproché sur la main qui se pose sur l’épaule de Thornhill ;


Travelling arrière puis plan rapproché poitrine sur les deux espions ;



Note : N’étant pas spécialiste en étude de l’image, je vous propose ce travail « artisanal » qui est à enrichir et compléter par les commentaires et les observations des collègues ; en particulier par les collègues de musique qui voudraient bien apporter leur collaboration ; je vous remercie de bien vouloir me communiquer vos commentaires.



Isabelle.millies@wanadoo.fr


Analyse de quelques scènes du film

Les erreurs

http://www.erreursdefilms.com/pol/voir_toutes.php?idf=MRTT#err570

Il y 9 erreurs de tournage dans le film !
Clin d'oeil
L'homme qui vient de rater le bus est Alfred Hitchcock.
Minutage   00:01:00
  
Continuité
Le taxi que prend Kaplan et sa secrétaire les dépose devant le Plazza. La voiture derrière change de marque et de couleur (rouge puis vert).
Minutage   00:05:00
 
Géographie
Roger pris pour Kaplan est enlevé et saoulé par les hommes de Vandamm. On le voit ensuite conduire une voiture près d'une falaise très élevée. Or à Glen Cove , le relief n'est pas aussi abrupt.
Minutage   00:15:00
 
Tournage
Roger Thornhill est saoul. Quand il sort de la voiture, on voit des lumières de tournage se refléter sur la portière.
Minutage   00:21:00
 
Clin d'oeil
L'actrice qui joue le rôle de la mère de Cary Grant n'a en réalité que quelques années d'écart avec "son fils".
Minutage   00:23:00
  
Continuité
Roger va aux Nations Unies pour rencontrer Townsend. Il se fait poignarder dans le dos pendant qu'il discute avec Roger. Roger prend le couteau. Sur le plan suivant, le couteau est dans l'autre sens.
Minutage   00:37:00
 
Continuité
Roger Thornhill rejoint Eve Kendall au wagon Restaurant. Ils se mettent à discuter. Sur l'un des plans suivant celui où Roger a nettoyé ses lunettes , il tient son verre. Sur le plan suivant , il a les bras croisés.
Minutage   00:45:00
  
Continuité
Dans cette meme scene , on voit que le paysage n'est pas souvent le même entre les plans avec Eve Kendall et ceux avec Roger.
Minutage   00:46:00
 
Continuité
Dans le train quand Roger discute avec Eve, le niveau d'alcool diffère d'un plan à l'autre.
Minutage   00:46:00
 
Observation
Dans la scène du train, le train file un bon 100km/h lors des plans sur Eve Kendall, alors qu'il se traîne péniblement à 50km/h sur les plans avec Roger Thornhill.
Minutage   00:46:00
  
Continuité
Durant la scène du crash de l'avion, on voit bien lorsque l'avion s'écrase que le camion et l'avion sont des modèles réduits ; en particulier les jantes des roues changent de couleur, lorsque le vrai camion est à nouveau filmé.
Minutage   01:11:00
  
Observation
Roger attend le long d'une route en pleine campagne. Un bus arrive. L'ombre de ce bus n'est pas la même entre le plan où il arrive et celui où il part , ce qui prouve que la scène a été tournée à divers moments de la journée.
Minutage   01:18:00
  
Observation
Même erreur , quand l'avion fonce dans le camion qui explose , puis l'on voit les gens qui courent.
Minutage   01:22:00
 
Observation
Eve menace Roger avec un revolver. Derrière eux , en arrière plan , on voit un enfant ne les regardant pas se boucher les oreilles quelques secondes avant que Eve ne tire le coup de feu.
Minutage   01:41:00
 
Tournage
Le professeur emmène Roger et Eve au dessus du mont Rushmore en voiture. Quand ils partent , on voit les lampes de tournage se refléter sur la voiture.
Minutage   01:46:00
  
Observation
Quand Vandamm entraîne Eve à partir en avion , le ciel est gris. Sur le plan suivant , le ciel est bleu.
Minutage   02:04:00
 
Tournage
Dans la scène qui se passe dans la forêt au pied du mont Rushmore, les arbres sont tous coupés pour laisser place aux projecteurs. Un peu plus tard, ce sont les statues des présidents qui sont scalpées par les projecteurs.
Minutage   02:05:00


Anecdotes

 
Clin d'oeil
L'homme qui vient de rater le bus est Alfred Hitchcock.
Minutage   00:01:00
 
Clin d'oeil
L'actrice qui joue le rôle de la mère de Cary Grant n'a en réalité que quelques années d'écart avec "son fils".
Minutage   00:23:00


Autour du film

Le 11 mars 1947, le président des États-Unis Harry Truman propose au Congrès de renoncer à la doctrine Monroe, qui maintenant le principe de l’isolationnisme : convaincu que si les États-Unis ne prennent pas le leadership mondial, le communisme se répandra en Extrême-Orient, en Afrique, voire en France et en Italie. C’est le début de la « Guerre froide », fondée sur les deux blocs irréductibles et le combat à l’extérieur comme à l’intérieur des États-Unis contre le communisme. Après l’explosion de la première bombe atomique russe (20 août 1949), l’administration Truman est sous l’obsession de l’espionnage atomique. Des lois diverses obligent les fonctionnaires à se soumettre à des enquêtes sur leur intégrité politique et morale (décret « de loyauté »), mettent en place le recensement des communistes (McCarran Internal Security Act)... C’est la voie ouverte à la célèbre « chasse aux sorcières », au McCarthysme, qui s’étend au cinéma, Hollywood étant considéré comme la capitale de la subversion et apportant en outre une grande publicité à la Commission des Activités Anti-Américaines (HUAC). En 1949, sous l’impulsion de Jack Warner, les grands studios adoptent le « Waldorf-Astoria Statement », manifeste anti-rouges demandant au Congrès de promulguer des lois permettant de chasser les communistes qui infestent Hollywood et annonçant que “rien de subversif ou d’anti-américain n’apparaîtra plus sur nos écrans”. Sont considérées comme communiste, selon certains, « une histoire de découragement et de désespoir à la manière des Russes », la représentation d’un homme d’affaires antipathique, d’un député corrompu, d’un juge vénal, la critique d’une famille faisant partie de la bonne société américaine… Certains messages symboliques indirects se développent encore dans des films tels que Le Train sifflera trois fois de Fred Zinneman (1952), ou Le Jour où la terre s’arrêta de Robert Wise (1951), mais la plupart des studios se lancent dans la série des films « anti-rouges », le plus souvent médiocres, mais aux titres significatifs Le Rideau de fer, La Grande Menace, I Married a Communist, I Was a Communist for the FBI… Tous films policiers ou d’espionnage où les communistes prennent la place occupée autrefois par les gangsters. Certains films diffusés en France (où un Français sur cinq vote communiste à la Libération) remplacent, dans la version française doublée, les espions communistes par des trafiquants de drogue, comme dans Le Port de la Drogue de Samuel Fuller… À partir de 1955 apparaissent pourtant des films qui utilisent le monde de l’espionnage ou assimilé d’une autre façon. C’est le cas de Mr. Arkadin ou Confidential Report (Dossier secret, 1955) d’Orson Welles, qui montre l’influence de la finance sur le destin du monde (donc la politique), comme d’Un Américain bien tranquille de Joseph L. Mankiewicz (1958), d’après le roman de Graham Greene, montrant le rôle de la CIA dans le conflit franco-indochinois…

C’est dans ce contexte que s’inscrit La Mort aux trousses, qui fait ouvertement référence à la série des films d’espionnage d’Alfred Hitchcock, commencée en 1935 en Grande-Bretagne avec Les Trente-neuf marches, souvent très précisément engagés contre le nazisme, comme Correspondant 17, Cinquième colonne ou Les Enchaînés. Quelques phrases indiquent l’arrière-fond politique et philosophique d’un film qui n’est pas seulement un divertissement. Le professeur, dont le statut n’est pas précisé (« F.B.I…, C.I.A…, O.N.U… Nous sommes tous dans la même soupe aux alphabets »), explique ce que trafique Vandamm : « Disons qu’il travaille dans l’import-export… de secrets gouvernementaux… », ajoutant plus tard : « La guerre, c’est l’enfer, M. Thornhill, même quand elle est froide. » À quoi notre héros répond : « Si vous et vos copains ne pouvez pas liquider les gens comme Vandamm sans demander à des filles comme elle de coucher avec eux, de partir en avion avec eux sans grande chance d’en revenir vivante, peut-être que vous feriez mieux d’apprendre à perdre quelques guerres froides ! »